Les fanfaronnades du Némésis n’émeuvent ni ne taraudent le faciès rugueux du Maître qui n’entend là qu’un pitoyable babil auquel il ne daigne pas même répondre. Il est évident pour le sieur qu’un faquin de telle espèce n’aurait droit ni à ses poings, ni à quelque infime estime. Plutôt que de s’étendre en vaines ripostes, c’est sur ses appuis que file son attention, bottes fermement ancrées sur le sol de la cité perdue et muscles noués sous cette chair que le soleil a tant frappée. La parade est aisée bien que la violence des coups amortis contraigne la carrure du Capitaine à se déplacer ; de sorte que son Feu puisse derechef bâfrer le râble de Pollux. Mais son geste, à peine entamé, est aussitôt dérangé par la venue grinçante de la Khodja. Aussi incisive soit-elle, sa phonation percute les esgourdes d’Hector sans qu’il ne s’en formalise et c’est armé, cette fois, d’un rictus féroce, qu’il vomit à la figure féminine tout le mépris qu’il accorde aux actes manqués. Il faut plusieurs ruades de quidams affolés courant autour d’eux pour que les orbes du Dragon quittent leur proie et lèchent la figure monstrueuse du mastodonte populeux qui s’en vient. Une foule impropre se dirige vers eux, les engloutit déjà, certaines lames doivent être esquivées, des jets bleus calcinent à tout-va, et dans le chaos fluctuant femmes, enfants, vieillards, louvoient entre toutes ces brutalités mordantes pour tromper la mort. La nuque vrille. Chimère dont il ne pourra plus dévorer les entrailles, Anders sombre dans le flot et disparaît de sa vue. Le poitrail rauque un orage de contrariété. Puis aux battoirs, furieux, d’empoigner çà et là des corps qui font obstacle pour les jeter contre pavement, lors même que les pas de son Altesse forcent à travers courant un layon transversal afin d’atteindre le pendard. La vague est cependant trop épaisse. D’aucuns se retrouvent d’ores et déjà piétinés par les semelles que l’anarchie meut. La bête altière est contrainte d’abandonner — il rebrousse chemin, taille ce qui se jette sur lui sans différencier le bon grain de l’ivraie. Suant de sang, bras engourdi et épaule lourde, il rejoint la grappe de congénères parmi lesquels il retrouve son fils, lui-même soutenant Hothgar. L’état de l’eartanerien est vaguement constaté, de même que les bandages pansant les plaies importantes de Léonte. Une indifférence cruelle obscurcit son regard, probablement échauffée par l’insatisfaction quasi animale que le gâchis de sa chasse a éveillée ; c’est avec dureté qu’il attrape le poignet d’Ashîva et l’immobilise à sa hauteur après qu’elle ait alerté les autres. « Tu te fous de moi ? » Car la breloque orange dont leur guide et sauveur s’affuble ne lui a pas échappé — le manche du sabre menace à tout instant d'écimer le concerné.

résumé:

L'œil noir laboure la paluche bridant l'élan animal ; va-et-viens effrénés, que la Louve hisse à hauteur de calots masculins, tandis qu'une demi-douzaine de ripostes mordantes menace claquer d'entre ses crocs. Se fout-elle de lui ? Oh, comme elle voudrait lui rétorquer que oui, que ça la fait marrer, d'assumer les conséquences d'une décision potentiellement catastrophique, et puis que c'est bien connu, qu'elle se fout du monde, la Khodja. Sèchement, elle arrache sa dextre à l'étau, pour à son tour la cramponner au col du Capitaine, contraignant leurs deux trognes à s'emboutir. « Hector, ne fais pas ça, qu'elle lui souffle, Ne doute pas de moi, j'ai besoin... » Sa phrase crève sur un soupir, et son front moite dodeline contre son adverse. Elle a besoin qu'ils ne soient qu'un ici et maintenant, pour le meilleur ou le pire à venir ; vœu qu'elle ne peut pas lui demander de proférer, alors elle le ravale, et poursuit. « Il est l'un des miens. » Du moins, s'en tient-elle à cette certitude aux accents d'espoir, quoique sans céder à l'illusion d'une loyauté sans faille — un talent rare, en de telles époques. N'est toutefois pas dupe, ni du péril que représente l'Orange, cette nuit, ni de celui qu'a fait planer le Vertice sur son clan, ces derniers mois. « Je n'peux compter que sur ça... que sur la présumée fidélité de ceux qui me doivent au moins ça. » N'en déplaise à ses vieilles marottes, elle n'a qui plus est pas le temps d'interroger les putains d'étoiles ; alors c'est à ses seules tripes, qu'elle se fie. Celles-ci, au moins, ne l'ont jamais trahie. Ses doigts décrispés s'en vont alors se poser sur le masséter d'Hector.  Aux prunelles de lorgner le profil de leurs enfants, tenus comme les autres à l'écart de leur conciliabule ; et profite que nul n'épie, pour taquiner, du museau, l'extrémité de celui de l'amant d'antan. « Mais toi, soldat, tu n'me dois rien. » Un sourire, sans joie ni tristesse - quoique mélancolique en ceci que la situation invoque à sa mémoire d'anciens souvenirs - tranche net la gravité de ses propos. « Alors, en ton âme et conscience : suis-moi, ou rejoins-les. »

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La gueule patibulaire, dépiautée de cet air impérial dont, usuellement, elle ouate si bien l’igue de ses rides, heurte sa consœur d’abord avec hargne. Ça n’est cependant pas la Corneille qui fait croître en l’homme d’armes cette rogne âprement épanchée, sinon que l’amertume naturellement charriée par la déculottée subie. Las de n’être qu’une barbaque sur laquelle les chicots du fatum s’usent l’émail, Hector enchérit l’unique adresse qui lui soit encore utile dans cet épilogue où les dieux décident seuls du sort de leurs babioles ; la paranoïa. Un excès de prudence qu’on ne lui reprochera pas en pareil capharnaüm où la limite entre ennemis et alliés n’a ni poids ni mesure. C’est la proximité instiguée par Ashîva, loin d’être illusoire, qui rassérène un moment la méchanceté du faciès pigmenté de sang. Les calots se rivent aux prunelles fâchées et ne s’ôtent plus — à travers l’embrun noiraud de la guerre subsiste un rocher sur lequel ses désirs trouvent refuge et demeurent, là, sans se préoccuper du naufrage qui les guette pourtant. Les nases se trouvent en même temps que les régals s’avouent ; en tout cas le sien, prosaïque, n’a guère besoin de plus pour battre le fer chaud du plaisir. C’est un désespoir de cause qu’il finit par lire sur les rictus et contractions du visage cuivré. Cette même dextre qui avait, plus tôt, saisi le poignet, capture le menton de la Khodja sur lequel s’épaissit la tendresse d’antan. Intacte. « Ce n’est pas de toi, dont je doute. » Et il ne devrait pas avoir à le lui rappeler. Sa réserve, aussi brute fût-elle, interrogeait davantage les liens conciliant la Maître et l’Orange. Mêlé à qui il lance une ixième œillade, toisant faits et gestes avec autant de soin qu’une violence taiseuse puisse le permettre. Les phalanges dégringolent contre le manche du sabre, s’enroulent, le dégainent, et le font sauter à même paume pour le présenter à la madone. « Prends. Je ne sais pas quelle faveur il te doit, ni quels astres t’ont parlé de lui, mais ne baisse pas ta garde. » Profitant une dernière fois de leur proximité, il souffle tout bas l’éternelle vérité. « Je te couvre. » Et, sans immédiatement défaire ses orbes d’elle, il recule, puis fait signe à Léonte d’approcher. « Passe devant, fils. » De son bras valide, il empoigne Deynor en délestant la carrure lésée de son ainé qu’il veut savoir devant lui, mais derrière Ashîva. « Hothgar, tu peux marcher seul ? » La grièveté de ses cordes vocales demande à ce que ce soit le cas. Une colonne est toujours plus facile à exfiltrer qu’un agrégat désorganisé. Plus discrète, aussi. « Va », qu’il l’enjoint, sans attendre de réelle réponse. Le bougre a encore ses deux guiboles et c’est pour l’heure tout ce qu’on lui demande. Son profil se tourne alors vers la lointaine embouchure de la venelle et, lors même que le gros du groupe se met en branle — guidé par l’aide plausiblement salutaire de l’Orange —, le Capitaine décide d’accorder quelques ultimes secondes à Asrae, Akram et Rae.

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Misérable Hothgar que la douleur rendait sourd à tout raisonnement que l'on pourrait qualifier de sage. Noyé dans le flots chaotique de ses pensées, l'eartanerien se laissait guider ici et là, clignant des yeux pour tenter de retrouver un minimum de lucidité. Mais chaque fois qu'il détournait le regard, c'était celui de Torvi qu'il cherchait. La jeune femme, dans sa détresse, était partout. Et nul combat n'aurait pu chasser son fantôme, si tant était qu'il s'agissait bien d'un fantôme. Deynor ne pouvait en être sûr. Ramené à la raison par le rugissement interrogatif d'@Hector Oshun, il acquiesça, une fois, puis deux lorsqu'il fut certain que ses appuis étaient suffisamment solides. Le fantôme de Torvi, au détour d'une venelle, s'éloignait graduellement, laissant dans son sillage mille doutes et tout autant de questions. Et Deynor, perdu au milieu de ces hallucinations, s'empressa de suivre le petit groupe, conscient qu'il ne pourrait de toute évidence plus être d'une quelconque aide dans son état actuel.