La facétie frondeuse de sa fille, loin de l’agacer, élonge un peu plus ses commissures hispides sans non plus abandonner un sourire à @Alma Oshun — réprimande subjacente qui pose les limites. À l’avis donné, pourtant, une risette oblique vient torsader ses lippes et, tandis que ses orbes parcourent derechef l’autel où s’uniront bientôt son neveu et la corneille, il siffle entre crocs. « La voix de la raison. » Car en effet la déduction de sa cadette lui plaît — mieux encore, elle réfute d’un bloc l’opinion taciturne de son épouse vers qui, sans conteste, son murmure s’est sciemment déporté. « Tu es ravissante », achève-t-il cette fois à l’endroit de la donzelle, boniment mondain que l’on pourrait croire réchauffé tant ses yeux n’ont que peu étudié l’attifement de la blonde ; mais il ne lui faut jamais plus que quelques regards en biais pour ausculter sa progéniture, comme s’il s’était habitué à les épier dès leur plus tendre enfance. Des ricochets de pas continuent d’affluer dans leur dos et il devine sans peine la masse de courtisans se pressant ici et là, glanant des places qui sont ou non attribuées, cherchant la lumière des candélabres ou convoitant les ombres que les colonnes offrent. Tout autant de quidams qui pourraient dégainer une arme et rendre la cérémonie aussi mémorable que la précédente ; il se refuse néanmoins à vriller la nuque, Dragon trop rogue pour vérifier que ses hommes fassent ce pour quoi on les paie, airain trop dur pour s’offrir le luxe d’une souplesse sociale à laquelle nul n’associe son image. Il se contente donc de deviner, à travers froissements d’étoffes, parfums capiteux et chuchotis, qui louvoie à sa droite, qui rampe à sa gauche, qui biaise à la vue de qui. Ses pupilles glissent de peu et trouvent la silhouette apprêtée du Haut-Sacerdos auprès duquel les fiancés se dirigeront et il sait, à le dévisager, que des mutants ont pénétré les sacrosaints parages. La provocation de ces hères que le monde persécute l’amuse en tapinois, mais ce sont des traits tirés et graves qu’il sert en pâture aux prunelles qui le scrutent en retour. Toujours soigner ses masques, davantage lorsqu’on végète dans un tel panier de crabes. Des murmures se dédoublent d’ailleurs et montent jusqu’aux voussures lorsque @Svea Oshun prend place auprès du reste de la famille, attirant brièvement l’attention d’Hector qui survole son minois sans mot dire — parce que ce n’est plus le moment de bavasser. @Cal Oshun entre le premier, flanqué de près par @Maven Oshun, deux carrures sur qui l’oncle pose un regard accrêté par cette fibre éhontément paternelle qui fait sûrement se retourner Adrien dans sa tombe. Suit @Ira Sonhal dans son habit de cérémonie, hirondelle immaculée qu’il lorgne bien plus longuement, bien plus pesamment, bâfrant ses courbures que le vêtement léger musse avec pudeur, lampant son profil où museau et pulpe forment des reliefs mutins qui dédient l’apparente innocence de sa fonction. Il n’arrache que tardivement ses lazurites d’elle ; la péroraison sacrale a débuté depuis quelques secondes et il daigne enfin en considérer le babil ânonné.

Lippes serrées devant la répulsion envers les mutants, une soeur touchée par un virus dévastateur, une population entière en proie aux conséquences des inepties scientifiques d’une secte. Unique filet de sécurité en ces lieux, une famille présente à ses côtés pour une union qui scellerait à jamais son destin. Limbes de tissus d’une virginité déconcertante, le carmin sanguin s’efface pour l’ivoire divin, cérémonie ridicule à la codification dépassée depuis des générations. Codification si importante pour la conservation de l’autorité royale, règles se brisant sous le joug de cette famille souveraine des bas quartiers, la crasse souillant le satin des lieux. Roturière depuis son premier cri, le bronze délirant dans son système n’était qu’un écho dans ce palais. Bronze. Argent. Bleu. Un autre code sociétaire pour définir les relations de pouvoir entre chaque classe, une famille qui se déliait des obligations pour créer les siennes. Impétueuse Khodja, l’oiseau foudroyant. @Asrae Khodja. Corbeau mortel, nouvelle héritière du clan du désert. — Il me semble qu’il manque une petite courbette. Le carmin de ses lippes s’esquissent pour former la genèse d’un sourire amusé, peur retenu à la la lisière de sa conscience. Masque ferme sur son faciès embrassé par l’astre solaire. L’échange délirant de l’euphorie de l’hémoglobine contre sa lame pour l’ombre d’une vie passée sous la décadence de la dynastie oshun. Remplaçante de deux autres femmes, deux impératrices pour n’obtenir que le titre de reine. Un meurtre et une répudiation. Futur confus, un destin qui n’était que l’image même de l’incertitude qui l’avait toujours entouré chez sa propre famille. Une survie nécessaire pour trouver sa place dans sa propre cellule familiale, une survie qu’elle devait à sa cadette. Couple embrasant les conventions, héritières d’@Ashîva Khodja et Sabah, une nouvelle génération prête à relever les défis pour élever le clan encore plus haut. Toujours plus haut. Toujours plus fort. — Nous sortons notre nom du silence en ce jour, nous l’ancrons à jamais dans les pages de l’Histoire. Vers sibyllin qu’offrait une enfant à sa mère, moment où l’enfant perdait toute possession de son héritage pour l’élévation sociale du clan. Khodja. Attitudes connues, habitudes prises depuis vingt-huit années. Oshun. Rééducation totale de la femme pour convenir aux exigences. Mur d’illusions s’offrant au peuple pour ce point précis, une éducation qui s’immiscerait dans le royaume du feu, une vision qui lancerait une nouvelle dynastie. La mariée se glisse vers le Haut-Sacerdos, oubliant la révulsion qu’il pouvait lui provoquer. Alaia s’avance vers son futur, vers Cal.
Foshan. Oshun. Il viendrait le temps des Khodja.