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Spoiler:

Elle entend des pas, elle les entend enfin revenir, alors que son cœur fait un bond dans sa poitrine. Veda est là, Veda est enfin revenue. La gamine dévale les escaliers, avec un grand sourire formé sur les lèvres, alors qu’elle espère revoir son double dans l’entrée. Mais dans sa silhouette, elle ne voit que celui du grand méchant loup ; papa.
Et elle penche la tête, un sourcil haussé, avec une seule question en tête ? Où est Veda ? Pourquoi n’est-elle pas là ? Rita s’approche de papa, avec des yeux pleins d’espoir. Elle s’est tant ennuyée sans elle, la vie semblait morne, la vie semblait terne. Quelques semaines d’absence avec leur père, mais avec leur retour, les couleurs semblent reprendre leurs formes. La vie semble enfin plus heureuse et Rita trépigne de joie. – Où est Veda père ? – Et il penche la tête, lève les mains en signe de défaite.
Et Rita elle sent son cœur battre, vite, si vite. Veda est-elle partie ? Veda voulait-elle rester à Aeristin, voulait-elle se construire une vie là-bas, mieux, mais sans Rita ? Elle sent ses mains s’éprendre de celles de son papa, avec des yeux pleins de larmes. – Père où est-elle ? – Il secoue la tête frénétiquement, alors que maman entre à son tour, une mine décomposée, une aura triste. – Je crains Rita, que ta sœur ne reviendra pas. –
Et elle sent l’effroi dans sa cage thoracique, alors qu’elle hoquète par son sanglot renfermé, trop longtemps gardé. – Comment ça ? – Qu’elle demande la gamine, qu’elle espère, elle espère une réponse où papa lui dit que Veda est en vie, que Veda est heureuse là-bas. Le tout c’est qu’elle respire encore, le tout c’est qu’elle soit heureuse, même si cela veut dire laisser derrière elle Rita.
Rita elle peut vivre pour les deux, elle peut souffrir avec papa pour toutes les deux, elle pourra même la retrouver plus tard. Elle aimera Veda même si elle n’est plus là. Mais qu’est-ce qu’elle ferait si Veda est morte ? Si Veda n’est plus ? Elle veut même pas y penser, elle veut tout simplement nier. – Papa, pourquoi ? – Qu’elle insiste l’enfant, sur un ton qui se veut tremblant, scabreux. Rien de la gamine froide, rien de la gamine confiante qu’elle est.
Papa lâche les mains de Rita, il la repousse un peu. – Nous avons été attaqué à Aeristin, sur le chemin pour revenir. Veda est morte. – Elle se prend les pieds dans ses chaussures, et elle s’écrase par terre. Elle sent plus rien Rita, pas même la douleur, pas même les pleurs de maman. Elle entend juste le bourdonnement dans ses oreilles, la terrible vérité ; Veda n’est plus. Veda est morte.
Elle a l’impression d’avoir perdu la moitié de son âme. Elle a l’impression d’avoir perdu ce qu’elle a jamais été. Elle pleure, elle sanglote, elle reconnaît rien, que sa vue brouillée par les larmes. Parce que Veda l’a quitté, bien trop tôt, bien avant son temps. Et ça crève le cœur, ça crève la vie, ça donne presque envie de se jeter d’un pont.




Les doigts enlacés, les cœurs battants à l’unisson, rita pose son menton sur le haut de la tête d’Alba avec une habitude, une anticipation flagrante. Elles sont nées pour être ensemble, pour respirer le même air, pour daigner le monde d’un regard glacial, alors que toute froideur quitte leurs prunelles quand elles se regardent ; s’observent et s’émerveillent. Qu’une créature comme l’autre puisse exister et comprendre, et anticiper ; et surtout aimer. Parce que Rita n’a jamais été aimé, parce qu’alba, elle, n’a jamais aimé. Et dans l’une est l’exception de l’autre et c’est beau, et c’est frais, et ça parle d’un duo qui ne se quittera jamais, qui s’aimera jusqu’au bout des jours. Si seulement elles venaient à être liées. Et si c’est une évidence, ce n’est pourtant pas évident pour elles. On sait qu’elles finiront ensemble, un duo, une équipe, un Adiutor et son Maître. Les deux gosses ne connaissent pourtant aucune hiérarchie, c’est la loi du plus fort dans ce monde qui les minimise au titre de brutes. Elles qui frappent, qui tapent, qui ragent et qui détestent ; mais qui ne se haïront jamais. Parce que ça irait par de-là l’entendement, parce que ça dépasserait les limites du plus imaginatif. Rita se lève, tout en gardant la main d’Alba dans la sienne, un petit sourire mué sur les lèvres. Elles vont encore une fois s’enfuir et partir, quitter les sols de l’académie pour vaquer à des choses bien plus importantes, bien plus intrigantes. Eviter le regard inquisiteur de leurs professeurs, de cette autorité qui veut les former à un moule, un moule qu’elles n’ont jamais cautionné. Alors elles se baladent, dans un silence plaintif, qui ne demande qu’à être brisé, alors qu’elles s’immolent au vent et aux clameurs de l’eau que Rita craint tant. Et puis elles arrivent dans un cul-de-sac un point de non-retour où ce qui les sépare de la liberté, est cette petite berge d’eau. Et la main d’Alba serre davantage celle de Rita, alors que sans parole, ni regard, elle lui montre qu’elle est là. Le sera toujours. – We can go around. – Qu’elle lui dit, la plénitude dans les yeux, la compréhension qui dépasse tout. Tout parce que Alba elle est compréhensive et si tolérante, elle a peur de rien, encore moins de Rita. Elle l’aime pour ce qu’elle est, sera toujours, et ça conforte la gamine. Parce qu’elle sait, elle sait qu’aux yeux d’Alba elle n’a jamais été ridicule. – If you jump, I jump. – Une promesse, un fait avéré ; Parce que là où va Alba, suit Rita et réciproquement. C’est quelque chose qui s’est formé plutôt naturellement. Jamais une tête sans l’autre. Et jamais avec quiconque d’autre. – Are you sure ? – Qu’alba demande dans un simple chuchot, alors que Rita donne un dernier coup de pression dans sa paume, avant de se défaire de son emprise. – If you are. – Alba arque un sourcil, avant de laisser un sourire moqueur se former sur ses lèvres. Et puis elle saute, si facilement, si gracieusement. – Forget about the water, forget about what it did to you. Think about something else, think about something pretty. Think about me. – Rita lève les yeux au ciel et s’élance, tombant à quelques pas de la chose qu’elle craint tant, son propre élément. – Was it hard ? – Rita la pousse un peu, un rictus à présent peint sur son visage aux traits si innocents. – Not at all. – Et elle dépose un baiser sur la joue d’Alba, c’est si naturel, c’est si voulu. Mais ça ne dépasse jamais les frontières de la joue, alors que ça voudrait, ô que ça voudrait des fois.  




Les secrets finissaient toujours par éclater. Rita avait appris ça bien trop tôt, que le mensonge était devenue chose courante, telle une monnaie on payait par un mensonge pour se débarrasser d’une accusation. Elle avait longtemps contemplé cette idée, elle qui n’était rien d’honnête et de franc, qui se refusait pourtant d’avouer autre chose qu’une vérité détournée. Si elle n’était pas mieux que le reste, elle pouvait au moins se sauver en débarrassant la terre d’ingrats incapables d’honnêteté ;
l’exemple parfait était son père. Ce démon, cette créature, qui pendant toute son enfance avait tenté de la manipuler, menteur, hypocrite, il était ce qu’elle détestait, il était ce qui l’enrageait. Alors qu’elle avait questionné quelques habitants de son village natal, elle avait découvert avec effroi qu'il avait été la cause du déportement de sa petite sœur.
Veda, petite Veda, trésor infini, elle avait été la prunelle de ses yeux, et par la langue bien trop pendu d’un père opportuniste, elle l’avait perdu.
Entrant à pas de velours dans la petite maison qui lui avait autrefois servi de nid, elle reconnut la petite cuisine où sa mère se trouvait tout le temps ou encore le grand fauteuil en acier appartenant à son père, tel un roi qui s’était assis là dans son dernier soupir. Elle toucha du bout de ses doigts la poussière accumulée sur la petite commode avant de monter les escaliers ; Elle savait son père dans son bureau, plutôt que dormir aux côtés de sa femme, il préférait travailler, il préférait comploter, tuer pour son ambition, pour son propre et seul intérêt. C’était la raison pour laquelle il mourrait ce soir, c’était la raison pour laquelle elle éteindrait sa vie, comme il avait éteinte la sienne.
Toujours discrètement elle entra dans la grande salle avant de se poster à quelques pas de la porte, s’appuyant contre celle-ci, elle jeta une de ces dagues à quelques centimètres de la main de son père. Il leva les yeux, mais ne sursauta pas, une force tranquille qu’il perdrait quand elle s’attaquerait enfin à lui. – Rita. Quelle intéressante surprise. – Il lui sourit ironiquement, alors qu’elle grimaça au lieu de lui rendre. Il lia ses mains et la regarda droit dans les yeux. – Je vois que tu te sers toujours de ces abominations. L’eau t’effraie-t-elle toujours autant ? – Une lueur de défi s’alluma dans les yeux de la gamine, elle retrouvait cette rage, ce mépris, ce besoin de lui répondre, de jouer à l’insolente. Elle était redevenue l’adolescente, Rita l’enfant ; mais cette fois-ci elle avait tous les moyens de le vaincre.
– Les dagues peuvent ôter une vie si lentement, si douloureusement père, j’aime beaucoup l’effet qu’elles font quand je les enfonce dans le cou de quelqu’un. – Un sourire se mua sur ses lèvres, alors qu’elle fît semblant de lire les livres qui se trouvaient dans la bibliothèque. Son père ne lisait que des romans de guerre, là où le sang humectait ses pages. Elle les détestait tout autant qu’elle détestait celui-ci. – Tu es donc venu pour me tuer ; Intéressant, je dois bien l’avouer. Et comment exactement comptes-tu t’y prendre avec tes dagues quand je peux t’asphyxier avec de l’eau ? – Rita s’approcha du bureau de son père et s’appuya de ses deux bras sur son bord. Elle méprisait ce ton supérieur, elle méprisait ce sourire vainqueur, elle méprisait tout de lui et effacerait cette arrogance qu’elle avait supporté pendant trop longtemps. – Vous vous faîtes vieux père. Vos réflexes ne sont plus ce qu’ils étaient autrefois, j’ai vu votre main trembler quand je suis entré. Le temps ne vous a pas fait du bien. – Il rigola, avant de porter sa main à sa bouche. Il ne la prenait pas au sérieux, comme il ne l’avait jamais fait. Elle fît la moue, et récupéra sa dague envoyée à la volée. – Je reconnais que ton insolence a toujours été l’une de tes meilleures qualités. Dommage que tu sois une lâche, dommage que tu ne sois pas digne de moi. – Elle fît demi-tour lui tournant le dos, elle évita le fil d’eau qu’il lui envoya dans le dos sans grand mal avant de lancer sa première dague qu’il ne réussit pas à éviter. S’engouffrant dans son épaule, la mort serait lente, douloureuse, affreuse. Comme ce qu’elle était devenue. – Vous voyez père, votre arrogance vous perdra. J'ai enfin trouvé quelque chose dans laquelle j'étais utile. Désinfecter le monde de cafards, vous serez ma première victoire. – Elle n’avait jamais encore tué, pas dans sa vie de jeune adolescente, il était temps que les plans changent, que le monde s’offre à une nouvelle facette ; là où les indignes mourraient, disparaîtraient. Il se pencha sur sa blessure et renvoyé un filet d’eau, il frôla ses cheveux mais vint entailler sa joue. Elle s’était noyée dans sa propre victoire pour oublier que son père ne lâcherait pas sa vie si facilement. – Petite sotte, tu ne comprends pas que je me bats pour quelque chose qui te dépasse. – Rita éclata d’un rire si faux, si hypocrite. Elle se rapprocha de son père et lança l’énième dague qui vint s’enfoncer à quelques centimètres de son cœur. Elle le prit par le col, lui plaquant les épaules avec ses pieds. – Tu n’es qu’un sale rat égoïste. Que tu pourrisses en enfer dans le tourment et l'horreur, que jamais la paix ne vienne s'abattre sur ton âme. Celle-ci est pour Veda, ton autre fille si tu te souviens connard. – Le dernier coup franc, la nuque brisée, elle sentit un sourire immense s’éprendre de son visage alors qu’elle observait le corps sans vie de son père.

Are we wrong? Are we right? We jump first and then decide it's hard to explain it. Heavy hearts weigh us down

Rita elle a le cœur qui bat, elle a les mains qui tremblent un peu, le corps invisible. Ce soir, ce soir le monde changera, ce soir enfin, elle détruira le mécréant, le diable en personne. Les dagues soigneusement cachées dans sa ceinture, elle s’approche des appartements de l’autre, cet Autre qu’elle espionne depuis plus de deux ans. A s’attarder sur une cause à laquelle elle ne croit pas, à cette même cause qui a détruit papa ;
Ce soir, le ciel sera rouge, rouge de sang, pour la mort qu’elle répand à chacun de ses pas. Rita elle en peut plus, elle veut plus faire semblant, elle veut plus s’arrêter, s’arrêter de penser, de réfléchir, de détruire, d’assouvir ce besoin, cet instinct de survie. La vengeance est froide, elle laisse presque indécise, mais la conscience, elle s’est envolée depuis longtemps, trop longtemps.
Elle entre, elle mesure ses pas, la douceur de son ombre, la silhouette sombre s’avançant vers le lit du loup. Le loup solitaire, le roi d’une nation qui n’est que blasphème. Un nom qui a détruit le sien dans la servitude, dans la folie et la cruauté. Le corps de papa, froid, cadavérique, alors qu’elle a enfoncé la première de ses dagues dans son cœur, flotte au-dessus de ses épaules. Pour quoi exactement ? Le vide dans sa poitrine.
Elle sent rien, rien que l’adrénaline, la peur et l’excitation. Et alors qu’elle s’avance vers le corps endormi, elle lève le couteau, elle le lève si haut, relâchant presque un grognement.
Mais une à son cou vient l’arrêter. Une masse vient se coller à son dos, une dague serrée contre sa carotide. Elle se retourne, et voit l’Autre. Cet Autre tant détesté, la regarder, sourire et éclater d’un rire sans vie, sans émotion. Aussi passif, aussi indifférent que le rire de papa d’antan. – Kimora, ça fait longtemps que je t’attends. – Elle pourrait lui tordre le bras, elle pourrait lui briser les côtes, mais elle est paralysée.
Paralysée par l’eau qu’il laisse voler autour de lui, ces filets qui la rendent immobile. L’élément qu’elle méprise, la peur qui la dégoûte. Elle se hait Rita, deux ans, deux ans à essayer, à classifier le personnage, et pourtant elle perd ce soir, elle le sait. Peut-être que c’est sa mort que l’on fêtera, celle d’une traitre, celle d’une fille trop fière, trop orgueilleuse, pensant pouvoir tuer le roi des eaux. Alors qu’elle, elle n’est rien, un fantôme, une gamine à la solitude trop pédante qui dans sa propriété n’a rien. – Tu pensais pouvoir me tuer avec ça ? – Lançant un regard dédaigneux vers ses dagues, elle sent ses joues se rosir de colère.
– Mes dagues ne semblent peut-être pas impressionnantes Osanos, il n’en est pas moins qu’elles ont forcé la peur dans de nombreux yeux. – Qu’elle lui crache à la figure, toujours sous son emprise. Les mains du loups posées contre sa nuque, la dague toujours collée contre son cou. Ses mains pendent, ses yeux sont agars des filets d’eau. Il pourrait la noyer, sans même réfléchir, sans même se fatiguer. Proie facile, Rita elle a peur, et elle ne sait le contrer. – Je n’en doute pas. Tu as au moins hérité des talents de ton père. – Il la lâche et la repousse. Coinçant son corps dans une muraille d’eau qu’elle est incapable de traverser.
– Mais je vois que l’eau te fait toujours peur. Fascinant. – Elle se débat, mais elle n’y peut rien ; Rita qu’elle le veuille ou non, ne peut sembler se défaire de cette cage, cette cage formée par sa propre peur. – Et si on coupait court aux politesses Osanos. Qu’est-ce que tu attends ? Tue-moi. – Il sourit. – Je ne pourrais me résoudre à tuer la fille de Frederik. – – Ah ? Se cacherait-il un cœur derrière la façade vide ? Si tu aimais tant Frederik, t’aurais peut-être pas dû le laisser crever dans sa propre merde. – Johann éclate de rire, les mains levées, toujours en maîtrisant son élément, il s’approche de la gamine. Elle crache à ses pieds, elle crache son venin, la vipère. Si elle doit mourir, au moins le faire avec honneur.  
– Si vulgaire. – Il avance davantage et dépose sa main sur sa joue, ces joues qu’il serre, qu’il regarde, observe. – Néanmoins fascinante. – Elle se débat Rita, elle donne des coups de pieds dans l’air, elle essaye de libérer ses mains, son visage, mais il serre davantage. – Retire tes sales mains connard, avant que je te les coupe. – Il rit davantage.
– Petite Kimora, je pense que je vais te garder ici, tes talents pourront m’être d’une grande utilité, et tu n’auras qu’à suivre les pas de ton père. – Qu’il lui chuchote à l’oreille, avant de s’éloigner et de l’observer. – Jamais. – Qu’elle crie, elle crie à s’égosiller. – Qui a dit que tu avais le choix ? –
Esclave, esclave, esclave.




Elle le regarde, l’observe, alors que la tête se penche, les yeux se remplissent d’admiration ; pour le héros qui n’a pourtant jamais été. Johann. Le cauchemar, le rêve, tantôt l’un, tantôt l’autre, elle sait plus de quel pied danser Rita. Parce que dans sa tête c’est incongru, presque illogique, et pourtant si naturel. Trop naturel.
Des semaines qui ont passé depuis l’altercation, et il semble que monde a changé, que la cause pour laquelle elle se bat est plus belle, est plus digne. La compréhension de la dévotion de papa a fait un déclic dans sa tête, une vengeance qui n’aurait jamais dû être, et à présent, elle vit avec les conséquences, elle vit avec ce problème. Ce problème qui la bouffe la nuit, quand elle se donne aux bras de Morphée, lui rappelant parfois, qu’à Rita on lui a tout dérobé. Sa rage, sa haine, sa hargne, et on l’a remplacé par un visage, par un héros pour lequel elle serait prête à mourir.
C’est absurde, mais ça semble si réel, si réel que ça ne l’est pas. Et des fois, ça la terrorise, parce que ses entrailles lui crient de partir, de s’en aller, mais les mains de Johann viennent alors s’enrouler autour de son visage et les maux s’en vont, partent, fuient.
Et il s’approche d’elle, dans une danse folle, et elle lève les yeux, le menton, le corps tout entier, pour se trouver en sa présence, sa proximité. – Kimora se chargera de cette exécution. – Il s’avance, enlace ses courbes et lui chuchote à l’oreille. – Un petit cadeau pour ta loyauté sans faille. – Et elle sourit, elle sourit comme une adolescente, comme une gamine avec un béguin énorme.
La tête crie, les mains se joignent, attrapant l’une de ses dagues, elle s’approche enfin de la mauvaise graine, qui a réussi à se faire attraper. Ce même homme qui est un traître, un mécréant ; un traître. – Je veux l’entendre crier. – Que l’Autre lui ordonne. Alors qu’elle commence par le nez, puis le lobe d’oreille. Elle fait saigner, et elle rit des fois, parce que c’est ce qu’elle sait faire de mieux Rita ; répandre le mal. Parce qu’au fond, ces gens-là ils sont pas mieux qu’elle, et elle est pas mieux qu’eux.
Elle a laissé conviction et combat derrière elle, pour vivre une vie de servitude à un homme qu’elle méprisait, qu’elle détestait. Elle crache sur ces pensées qui lui apparaissent comme des flashs. Mais Rita elle sait si bien nier, que ça crève le cœur, ça crève le cœur cette passivité, cette peur de s’allier à la conscience, à la culpabilité. – Tue-le. – Et il le relâche, alors que le Maître bondit dans une danse folle. Il l’attaque elle, elle qui l’a torturé, elle, qui lui a ri au nez, alors qu’elle l’a blessé, alors qu’elle lui a fait mal, si mal.
Mais Rita, ô Rita, si elle est plus rien, elle est toujours une arme, une terrible arme. Fatale avec ses couteaux, fatale avec son poison hargneux, elle l’évite, l’épuise davantage, profitant de ses moments d’inattention pour lui donner un coup ci et là. Pas de pitié que papa disait. Pas de pitié pour les faibles, pour ceux qui savent pas se relever, pour ceux qui courbent l’échine.
Une Kimora ne tourne jamais les yeux à la vue de la mort ; au contraire, elle l’accueille comme une vieille amie. Et alors que le traître se trouve à quelques centimètres d’elle, elle l’égorge enfin. Le sang éclabousse son habit noir, alors que le seul geste qu’elle arrive encore à articuler, c’est un regard en direction de l’Autre, attendant avec impatience son approbation. Il applaudit et fait signe à ses sbires de s’en aller.
Nettoyant ses amies, ses alliées, les dagues acérées, Johann s’approche d’elle, dans son dos, elle sent ses mains caresser sa nuque, son cou, et sa bouche se poser à quelques centimètres de son oreille. – Je te préfère toujours en action. Ce que tu fais avec ces dagues, c’est probablement la chose la plus magnifique que je n’ai jamais eu l'opportunité de voir. – Et elle rit l’enfant, un rire puéril, un rire stupide.
Elle se retourne pour lui faire face. – Et je préfère m’en servir que quand elles te servent aussi. – Il l’embrasse. C’est jamais tendre, c’est brutal, c’est froid, c’est presque sans émotion, c’est juste la passion glaciale, l’envie de plus, l’instinct qui prend le dessus. Et alors qu’elle enroule ses mains dans sa tignasse charbon, il la surélève sur la table. – J’ai une mission pour toi. – Rita lève les yeux au ciel. Il avait toujours des choses à lui faire faire, des tests, des missions suicides, qu’elle embrassait pourtant avec docilité.
Rita elle ferait tout pour lui ; et Johann, ô Johann le sait.
– Ca ne peut pas attendre? – – Je crain que non. – Il lui mordille l’oreille et dans un souffle entoure de ses mains ses joues. – Cette mission là, c’est le dernier test que tu devras passer. – Elle hausse un sourcil. – Pourquoi tu me testes toujours ? Est-ce que je ne t’ai pas promis mes services et bien plus ? – Rita le repousse avec ses jambes. – Ca me fatigue d’être dans cette position Johann. Ca me fatigue que tu ne me fasses toujours pas confiance. – Elle se mordille la lèvre. – Je pensais qu’on avait dépassé ce stade. – Il se racle la gorge, et s’approche, alors que l’enfant se lève ; Capricieuse, têtue, Rita elle s’élève devant lui, elle a pas peur, elle a jamais peur. Et si le cerveau a été endommagé, il n’en est pas moins, que l’attitude est restée ancrée. – Disons que si tu fais ça, je sais que je peux tout te dire Rita, absolument tout. Si tu fais ça pour moi, j’irais jusqu’à tuer ma femme. – Elle s’arrête de fonctionner pour quelques secondes.
Et la curiosité prend le dessus, alors qu’elle le laisse approcher. – Veda, ça te dit quelque chose ? – Veda. O douce Veda. La sœur jumelle, l’autre moitié presque oubliée. Des semaines à ne penser qu’à lui, qu’à la cause, qu’à la mort. Alors qu’elle, elle, la jumelle, tout ce qui n’a jamais compté, a été si docilement effacé. Elle le regarde dubitative. – Evidemment que je sais qui c’est. Ma sœur. – Il caresse son avant-bras. – Je veux que tu la tues. Il s'avère qu'elle est en vie, vois-tu. – Elle lève les yeux trop rapidement, les pupilles dilatées, le choc dans le corps, dans les entrailles, celles qui ragent.
Veda, la sœur jumelle disparue, la sœur aimée, la sœur qu’elle a cherchée. Mais ça ne paraît plus si important, plus si primordial. Elle est le second plan. Il est le premier plan ; Il l’a toujours été que lui insufflent ses neurones endommagés. – Pourquoi ? – Il rit. – Parce que je te le demande. –
Il lui faut des secondes, peut-être des minutes pour remettre les souvenirs dans un ordre qui ne font de toute façon aucun sens. Veda pour Johann. Son cœur sur un plateau pour sa dévotion complète, pour ce qu’elle a toujours cherché à avoir. Lui. Sa cause. Sa joie et son attention. Des années à l’avoir cherché elle, mais pour quoi ? Rien. Elle est vivante, que lui dit son cœur s’emballant. Mais elle va mourir par ta main, que lui chuchote sa raison.
Elle ancre ses yeux dans les siens ; – D’accord. – Elle a vendu son âme au diable ; et elle n’est pas prête à la récupérer.

virus/alba


bloodbender


souvenirs/retour résistance

échange avec melvyn/rencontre


"discours" présentation wnp