please have mercy on me. take it easy on my heart even though you don't mean to hurt me. you keep tearing me apart. would you please have mercy, mercy on my heart.

Elle relève le menton, Hestia. Par fierté mal placée. Par défi pour tous les regards méfiants qui glissent sur elle alors que ses pas heurtent les dalles de marbre froid. Elle prétend qu'elle est seule, mais elle se ment à elle-même. C'est préférable qu'accepter l'odieuse vérité. Celle qui fait d'elle une traîtresse dont personne ne veut. Une réalité pourtant mais qu'elle veut effacer. Ses efforts ne réussissent pas à convaincre. La réputation est plus tenace que le reste. Ses jointures blanchissent à mesure qu'elle entend les murmures des gares s'élever. Rien ne peut faire oublier l'accusation et encore moins l'emprisonnement. Pas même sa place en tant que dame de compagnie de Isaure. Dans les instants les plus durs, elle se dit qu'elle mérite tout cela. Elle devrait être morte, jugée coupable. C'est une innocente qui a enlacé les bras glacials de la mort. Pas elle. Lâcheté sans nom qui la poursuit continuellement. Un crime qu'elle a commis et dont elle n'a pas été punie. Elle arrive à peine à prétendre son innocence. Une hésitation qui pèse contre elle malgré les regards insistants de son frère. Elle s'en veut sans doute plus qu'à lui et à son ami qui ont osé faire accuser une autre. Les pensées l'assaillent, les doutes emplissent son esprit et compriment sa cage thoracique. Elle s'arrête. Comme ça. Parce qu'elle ne peut pas continuer à jouer cette comédie. Ce petit jeu qui ne lui rendra jamais sa vie d'avant. Ses prunelles se posent sur le couloir qui s'étend devant elle. Hestia en connaît chaque parcelle, chaque fissure. Elle l'a emprunté trop de fois. Elle sait ce qui l'attend au bout de ce dédale. Cal. L'empereur tout puissant. Son plus cher ami. Celui qu'elle a sans doute le plus trahi. La peur la paralyse pour la première fois depuis longtemps. Elle se sait incapable de plonger son regard dans le sien. Impossible d'affronter sa méfiance et le reproche implacable qui anime ses traits. La solitude la frappe aussi violemment que le manque. Elle a fait ses adieux, Hestia. En prison elle s'est excusée, elle a supplié. Elle a pensé tellement fort à ces personnes qu'elle aime tant et qu'elle ne reverrait plus jamais. Cal. Même s'il ne veut plus d'elle, Hestia ne peut tout simplement pas s'évanouir dans le néant. Elle ne peut pas renoncer à lui. Pas comme ça. Elle ne peut être responsable de la fin de leur relation. C'est à lui de prononcer la sentence. A lui de la bannir à tout jamais de sa vie. Le coeur entouré d'une chape de plomb, Hestia s'avance péniblement vers les appartements impériaux. Les gardes l'observent avec un mépris non dissimulé. L'un deux disparaît pour prévenir l'empereur de sa présence. Un sourire triste étire ses lippes pâles. Cal peut très bien refuser de la recevoir. Elle est presque convaincue qu'elle va être renvoyée. Les portes s'ouvrent sur l'obscurité qui règne dans les appartements. Rien n'est gagné. Absolument rien. La Grimsrud en retient presque son souffle quand elle entend les portes se refermer derrière elle. Ses iris étincellent en apercevant Cal, immobile derrière son bureau. Son regard impassible lui fait frissonner l'échine. Il n'y a toujours eu que de l'amour et de la compréhension entre eux, pas de crainte et de froideur. C'est à cause d'elle si cela a été brisé. Tout ce qu'elle peut faire, c'est prier pour qu'il lui pardonne. Prier pour qu'il lui revienne. « Cal. » Un murmure. Une supplication. Un prénom qu'elle a susurré mainte fois dans sa prison isolée. Trois lettres si familières. Une ombre invisible pousse la Grimsrud à s'approcher de lui. Le spectre de tout ce qui a pu les unir. « Tu m'as manqué. » La nostalgie fait briller ses prunelles sombres. Malgré tout ce qu'il représente. Malgré toutes leurs différences. Cal est celui qu'elle considère comme un frère qui ne partage pas son sang. Une âme soeur de la sienne. Une partie de son être. « Tu me manques. » C'est sans doute ce qu'il y a de plus tragique. Cal est celui qui laisse un vide énorme au creux de sa poitrine. Parce qu'il est irremplaçable. Parce qu'elle l'aime sans doute beaucoup et qu'elle perd un morceau d'elle-même. C'est différent de ce qu'elle a pu ressentir avec les autres. Parce que les autres ne comptent pas autant, si ce n'est Nathan. Son double qu'elle est hait tant et dont elle ne pourra jamais se détacher. Une certitude qu'elle n'a pas pour Cal. Le silence succède à son aveu. Les minutes s'écoulent. Véritable supplice pour Hestia qui laisse son regard dériver à ses mains. Peut-être qu'il est trop tard. Peut-être qu'il ne peut pas faire comme avant. Peut-être qu'elle l'a perdu. Qu'elle l'a vraiment perdu. La perspective l'horrifie et fait naître des perles cristallines au coin de ses yeux. Elle attend, spectatrice de sa chute. Héritière maudite d'une erreur. Elle attend.