Le temps. De toutes les épreuves que lui infligeaient sa vie de captive, le temps était la plus cruelle de toutes.Le temps, foutu temps, il n'était qu'un vide infini coincée entre les barreaux de sa prison. Ce néant faisait cruelle écho à celui de sa propre existence, dépourvue de consistance. La vie toute entière de la protectrice avait été dédié à ce prince sans couronne qu'elle chérissait tant. Avant même de le connaître, elle en avait fait le centre de son monde, se gavant de savoir pour ne jamais faillir, pour ne jamais mettre en danger celui qui lui serait confié. Elle ne s'était accordé que des instants, suspendu dans le temps, des instants volés, à la dérobée, mais sans la moindre incidence. La douce ne s'était autorisée qu'une seule fois à octroyer une place à un autre que le fils de la terre, mais elle l'avait laissé filé, incapable de dompter son obsession constante pour son jeune maître. Le temps se déversait dans les lieux, lui laissant tout le loisir de se perdre dans une existence morne et lassante. La brune laisse échapper un soupir alors que son regard se redresse vers le ciel... ou en l’occurrence vers un plafond de pierre en ruine et humide par dessus le marché. Les choses auraient peut-être été différente si elle ne s'était pas détourné d'Allen avant même de le laisser entre dans ta vie... Le passé hantait chacune de ses pensées, puisque le présent était bercé d'ennuie et le futur était plutôt compromis, ne laissant aucune perspective d'avenir. Elle revivait les séquences de sa courte vie, changeant les décisions qu'elle avait prise pour se perdre dans une vie d'illusion où tout devenait possible. Elle n'avait plus que cela pour tenir, pour ne pas sombrer dans la folie provoqué par cette solitude détestable que Cal lui avait infligé à la séparant de la seule personne qu'elle ait jamais réellement su garder auprès d'elle. Il leur arrivait de se reposer contre le mur qui les séparait, les épaules collés contre les barreaux de leur cage respective, les bras au dehors, essayant de se réunir sans jamais y parvenir. Elle effleurait sa peau et cette sensation était savoureuse et réconfortante alors qu'une vague de chaleur se propageait dans chaque parcelle de son corps. Mais les gardiens ne leur laissaient pas le loisir de demeurer longtemps dans une telle position. Elle se heurtait encore trop souvent à l'esprit des oranges qui n'avaient de cesse de s'infiltrer dans ses pensées pour t'arracher le peu d'espoir qu'il lui permettait de tenir. Souillée par leur capacité  bousillé les esprits, la bleue n'en était que plus énervée... A chaque seconde, il lui était de plus en plus difficile de lutter contre la rage qui bouillonnait, menaçant de froisser l'impassibilité de ses traits. Les bruits de pas résonnent dans le labyrinthe glacé des cachots. L'écho se fait plus insistant, alors que celui qui le provoque s'approche de là où elle se trouve. Elle n'espère rien. Elle n'attend personne. Nulle ne voudrait venir la voir, elle n'est qu'une mêlée, importante parce qu'elle est liée à la vie de cet homme de pouvoir. Et pourtant, pour la deuxième fois depuis qu'elle est enfermée, la silhouette dépasse la cellule d'Adonis pour se figer devant la sienne. La stature imposante et familière bouleverse ton cœur. Le palpitant s'emballe et chaque battement semble cogner douloureusement contre sa cage thoracique. La douce a dû mal à contenir l’émotion qui lui couvre la peau, lui arrachant des frissons. Elle ne s'attendait pas à le voir en ses lieux. La Dochain quitte le pan de mur contre lequel elle est adossée, approchant de son invité. Elle glisse ses doigts sur les barreaux. Elle ne sait même plus ce que cela fait, de parler, elle en a presque oublier le son de sa propre voix. Tu n'aurais pas dû t'infliger cela. La voir, dans de pareille condition. Les opalines de la douce se redresse avec lenteur pour chercher celle de l'autre protecteur... Et déjà, le masque se fissure, laissant échapper toute la vulnérabilité dissimulée depuis son incarcération.

Le protecteur n'a pas besoin de prononcer le moindre mots, ses yeux trahissent son inquiétude à l'égard de la prisonnière. Il se confond en excuse et en promesse qui souffle un sourire doux sur les lèvres de la Dochain. Elle finit par laisser échapper un soupire alors que ses doigts glissent sur les barreaux, pour venir finalement tout juste effleurant la peau du brun. Elle plonge dans regard dans ses orbes qui ne cesse de la détailler. Allen, s'il te plaît. Sa voix n'est qu'un murmure, à peine audible, un murmure, rassurant et caressant. La douce n'aime pas le voir s'agiter de la sorte, surtout pour la faire sortir de cette maudite cage. Elle essaye de l'apaiser de son regard et de son sourire. Elle est étrangement calme Aléa, curieusement sereine, comme si elle avait accepter cette captivité qui la détruit de l'intérieur. La vérité, c'est qu'elle l'aime beaucoup trop pour être la cause de se souffrance. Mon sort est déjà scellé. Cet usurpateur a pris sa décision, il ne devrait pas tarder à en faire l'annonce. Coup de poignard en plein cœur. Elle n'avait pas encore prononcé la sentence à haute voix. Elle est consumée par la rage, mais tu ne laisse rien transparaître, refusant que son géant de chair s'inquiète plus qu'il ne le devrait. Tu n'abandonnes pas, mais tu refuses de gonfler son cœur d'un espoir impossible, de le gaver avec un futur qui n'existe que dans le néant des possibilités. Elle détourne ses opales brisées, brièvement, parce qu'elle ne veut pas se confronter à la réaction du bellâtre. Elle ne supporte pas d'être l'instigatrice d'une quelconque souffrance sur les traits du orange. Ses doigts viennent finalement se passer contre les doigts du mêlé. Elle met quelques seconde avant de reporter son regard vers lui, un regard emplit de bienveillance à son égard. Ne te fustige pas, je suis certaine que tu as fais tout ce que tu as pu. Il n'y a juste pas de fuite possible. Elle est douce, elle est forte, bien plus forte que ce cœur brisée qui hurle de douleur, frappant brutalement à l'intérieur de sa poitrine, lui rappelant à quel point cette force n'est qu'une illusion. Je suis contente de pouvoir te voir. J'aurais voulu ne pas gâcher ces dernières années à t'en vouloir pour des futilités Elle sourit encore, mais son sourire a des nuances terriblement triste qu'elle ne peu lui dissimuler.

Et si on s’enfuyait ? Je peux contraindre les gardes à faire ce que je souhaite, le temps de te délivrer. Son cœur se serre douloureusement. La captive voudrait pouvoir cédé à cette idée irréalisable, partir, tout foutre en l'air, avec lui... Même si ce n'était que pour quelques heures à ses côtés. Le voile de chaire vient se refermer sur ses orbes sombres alors qu'elle tient toujours les mains du jeune mêlé entre les siennes. Elle inspire et expire, profondément, elle s'enivre de lui, de sa présence, de sa fragrance. Les émotions sont bien trop fortes et ses larmes sont de plus en plus difficile à contenir. Ses lèvres se pincent l'une contre l'autre. Un temps, un temps seulement, avant de retrouver sa contenance. C'était l'essence même de la Dochain, cette force inébranlable que même cette prison n'avait réussi à briser... En apparence, car la solitude imposée par sa captivité l'autorisait à verser quelques larmes silencieuses, sans que personne n'ait jamais à le savoir. Et finalement, les orbes s'ouvrent pour retrouver le regard divin de l'orange. Tu sais que je ne le peux pas... Pas sans Adonis. Sa voix se brisait. Elle ne pouvait laisser son maître derrière elle. C'était bien au delà du lien de vie et de mort qui unissait le maître et son adiutor... Parce que si Allen n'y avait pas pensé, Aléa savait que partir ne changerait à l'échéance qui lui était donné. Adonis serait exécuter et l'emporterait avec elle. Au delà de cela, elle ne pouvait vivre sans lui, sans le savoir en sécurité. Elle serrait les doigts du brun, s'y accrochait avec fermeté. Mais s'il y a une chance que je sortes d'ici vivante, je te promets de revenir pour toi à l'instant où je saurais Adonis en sécurité parmi les siens. Elle reviendrait pour s’enfuir avec lui, loin de ce monde qui leur avait bien trop pris. L'emprisonnement l'avait changée, avait abîmée sa confiance aveugle en ce lien magique qui la reliait au prince de la terre... parce que c'est ce qu'il était.

La douce oscillait sans cesse entre espoir et désespoir. Le spectre de la mort planait délicieusement autour d'elle, entachait toutes les visions de cet avenir qui pourrait s’offrir à elle... Mais en avait-elle seulement encore un. Allen, par sa simple présence, lui faisait miroiter un océan de désillusion. La brune désirait y croire, se plonger dans ses rêveries, elle le désirait plus que tout, mais le simple fait d'oser y croire provoquait des douleurs incommensurables à l'encontre d'un cœur qui avait déjà trop subit. Chaque battement semblait plus douloureux que le précédent. Elle perdait pied, la belle, la force dont elle se parait était devenue une prison pour sa folie. Il lui arrache un sourire, à chaque mots qu'il prononce, il lui poignarde le cœur, à chaque fois que sa langue claque contre ses lèvres. Elle a été brisée par sa captivité, elle n'est plus que l'ombre d'elle même, les sentiments exacerbés et déformés par cette foutue cage. Sa main se lève, glisse jusqu'à son visage pour se faufiler contre sa joue avec une douceur infinie. Elle aurait voulu venir chercher ses lèvres, s'asphyxiée contre sa bouche, se perdre le temps de ses baisers... Parce qu'elle craignait de ne plus jamais en avoir l'occasion... Mais la carcasse qu'elle était devenue se refusait à s'abandonner à de tel geste. Tout ce qu'elle était la répugnait... La prison l'avait marquée, lui avait fait perdre de sa superbe. Il fut un temps où elle s'en serait foutue d'être recouverte de souillure et de poussières. Elle laisse échapper un soupire, alors que dans un souffle, elle répond à sa promesse. Je te promet. Tout ira bien. un promesse bafouée, un mensonge, mais tu ne pouvais pas lui dire la vérité, tu ne pouvais pas lui dire que tu crevais de trouille à l'idée de ne sortir de cette prison que pour être emmenée à l’abattoir. Tu devrais y aller Allen. Tu ne peux pas être trouvé ici. Un sourire maigre. Elle lui échappe. Elle plonge son regard dans le sien et son masque se fissure. Elle se recule, lui file entre les doigts, s'éloigne pour être hors de sa portée, sa main délaissant sa peau au dernier instant. Elle retourne dans les ténèbres. Je t'aime.