Elle ouvre les yeux et sursaute. Ses mains viennent se poser sur les draps en satin, texture inconnue jusqu'alors. Elle regarde autour d'elle, dans la pièce plongée dans une semi-obscurité. Elle pose son pied sur le sol, et la vibration se ré-verbe contre les objets. Elle arrive à percevoir le bureau dans un coin de la pièce, ainsi que la grande armoire en bois d'ébène. Il n'y a personne d'autre qu'elle dans la pièce. Elle frotte sa tempe, tente de se remémorer, les derniers événements. Son cœur se serre, lorsqu'elle se souvient du massacre. Le sang, la violence. Les bombes et la détresse des siens, peuple pacifiste pourtant entraîné à se protéger. Elle aurait dû les protéger, elle aurait dû pouvoir les sortir de là. Mais elle n'avait pas réussi, malgré l'immense pouvoir dont elle avait été possédée, malgré les immenses responsabilités qu'on lui avait conférer. Elle avait eu un peuple à sa charge, mais, elle n'avait pas réussi à le sauver. Reine déchue, haute-prêtresse de pacotille, elle n'était l'élue de rien de tout au final. Si ce n'est du massacre, des derniers prêtres élémentaires. Elle est sortie de ses pensées par de nouvelles vibrations. Des bruits de pas. Quelqu'un frappe à la porte, puis pénètre dans la pièce. Elle ne bouge pas, mais reste alerte. Son pied est toujours posé sur le sol, prêt à utiliser sa maîtrise, si le danger se fait ressentir. « Lady Rhaenys, notre roi vous demande. » Rhaenys. Ce prénom lui paraît à la fois étrange et pourtant familier. Comme si elle avait été bercée par ce dernier durant une partie de son enfance, mais qu'elle n'arrivait pas à se souvenir. Souvenir effacé, balayé par les effluves du temps et d'un endoctrinement certain. Elle ne répond rien, continue de toiser l'esclave venue la chercher. « Lady Rhaenys. » Elle se tourne vers la fenêtre, et se redresse. Pour autant, la jeune femme ne parle toujours pas. L'esclave pénètre dans la chambre, et Kathara se place de telle sorte que son dos soit contre le mur, méfiante à l'idée que l'esclave, aussi démoniaque que son père les avaient dépeints, ne lui fasse du mal. Ils avaient massacrés son peuple avec des flammes gigantesques, dignes de celles des dragons. Ils étaient capables de bien plus. Kaz lui avait peut-être menti finalement. L'esclave ouvre l'armoire et en sort une longue robe blanche fendue à l'avant, avec quelques broderies en forme de fleurs. « Laissez moi vous conduire aux bains, et vous apprêtez. » L'esclave s'avance vers elle. « Non. » Premier mot qui sort de la bouche de Kathara depuis qu'elle a vu les siens mourir sous ses yeux. L'esclave insiste et se rapproche. Kathara recule. « Non. » Les palpitations de son cœur ralentissent, tandis que celles de l'esclave accélèrent. « Montrez, vos bains. » L'esclave se détend légèrement, et entraîne Kathara dans une pièce adjacente à la sienne. Elle fait couler l'eau dans une baignoire, qui remonte telle de la fumée. Elle frissonne, parce que ça lui rappelle les siens. Les corps en flammes, courant et criant à s'en déchirer les cordes vocales, tentant d'obtenir un semblant de souffle de vie, une once même, alors que seul la mort allait les accueillir comme une vieille amie. Elle pénètre dans l'eau, et y passe quelques instants, laissant l'odeur de violettes s'accrocher à sa peau, la parfumant d'une odeur délicate qu'elle ne connaît que peu.  Elle en ressort dix minutes plus tard, se dirigeant vers la robe qu'on lui a offerte. Elle l'enfile, se regarde un instant dans le reflet, puis ouvre la porte, l'esclave l'attendant à l'extérieur. « Pour vous chaussez, » indique t-elle en montrant deux petites chaussures au pas de la porte. « Non. » dit-elle à nouveau. Et elle enjambe les chaussures, préférant rester pieds nues. L'esclave l'amène dans un coin reculé du palais, et s'arrête devant une petite porte. Elle frappe, attend qu'on lui accorde le droit d'entrer, et annonce la venue de la Martell. Elle regarde la gamine, et lui fait signe d'entrer. L'esclave referme la porte et disparaît.

Kathara pose son regard éteint dans celui du Roi. Il s'attend peut-être à ce qu'elle plie le genou, qu'elle s'agenouille devant lui et lui prête allégeance. Il s'attend peut-être aussi, à ce qu'elle le remercie. Parce qu'il se croit sauveur, il se pense héroïque. Mais il n'est rien de tout ça. Elle ne sait pas qui est cette Rhaenys, elle ne sait pas qui sont les K'han. Mais elle est certaine, que leur nom, et le sien, ne méritait pas tel carnage. Leurs dieux prônaient peut-être les massacres, les génocides, mais ce n'était pas le cas des siens. Elle ne dit rien, attend un long moment. Elle est ridicule, au milieu de cette pièce remplie de richesses, de décorations, toutes enchevêtrées dans une architecture et un design parfait, mais qui pourtant, oppressent la maîtresse de la terre. Elle ne se sent pas respirer ici. Elle ne vacille pas pourtant, fière guerrière qu'elle est. Fière quintessence de la Terre elle-même. « Vous vouliez me voir. » voix dénuée d'émotion. Elle se tient toujours droite, les pupilles enfoncées dans les siennes. Il lui avait parlé, lorsqu'il l'avait secouru. Il lui avait dit qui elle était, Rhaenys K'han, descendante d'une grande lignée de guerriers et maîtres de la terre. Elle avait comprit, mais elle ne l'avait pas accepté. Elle était Kathara, de la forêt du nord de Bioghara. Haute-Prêtresse, et Maîtresse de la Terre. Fille de Tenzin et Korra. Elle n'était rien de l'enfant disparue, et la marque apposée sur son épaule, tâche de naissance inéluctable, n'était pas la preuve de son ascendance. Elle n'était pas de ce royaume, elle n'était pas de ce monde, de l'autre-monde. Kaz l'était. Mais pas elle.