Le but était enfin atteint. Le roi déchu venait de prendre le titre qui lui revenait de droit. Douce illusion pendant de nombreuses années, désormais la douce illusion est devenue réalité. Réalité non sans conséquence, la guerre était belle et bien présente. Les frontières d'Eartanera étaient bien gardées en attendant l'ennemi, la nation du feu qui n'allait pas tarder à arriver. Thomas n'avait pas peur, le nouveau dirigeant était préparé à cette éventualité, à toutes les éventualités possibles. Les plus horribles sans doute, mais l'éventualité de perdre la couronne à nouveau n'existait pas. Il n'avait pas hésité une seconde lorsque Cal l'avait menacé de tuer son fils Adonis. Pensait-il vraiment que Thomas allait capituler ? Non. Le nouvel empereur souhaitait juste montrer à quel point il était horrible, à quel point le patriarche de la famille n'avait aucune considération pour ses enfants. Ses enfants ingrats sur qui il avait trop misé durant toute sa vie, ses propres enfants qui avaient une vie différente de la vie. Lui qui savait maîtriser son élément à la perfectionner, lui qui façonnait à merveille la terre pourtant si difficile à modeler. Malgré ce grand talent il n'avait pas réussi, il avait échoué. Enfin ce n'était pas  le maître de la terre qui avait échoué à proprement parlé. Juste ses enfants qui n'étaient pas assez doués, qui étaient trop têtus, qui étaient différents de l'image qu'il avait eu de ses progénitures. Adonis était de retour, la décision qu'il avait dû prendre avait été très simple. Thomas mentirait clairement s'il déclarait avoir eu beaucoup de mal à choisir entre la couronne et son fils. La couronne représentait un rêve inestimable qu'il ne pouvait voir s'envoler. Possédant une soif de pouvoir qu'il devait étancher, ce n'était pas en libérant Adonis qu'il aurait pu étancher cette soif. Maintenant les explications allaient être de mise, attendant patiemment sur le trône la venue de son second fils.

Il fit son apparition, tandis que Thomas se tenait fièrement là où il aurait dû être depuis la mort de son père. Son regard froid se posa sur son enfant. Aucun sourire, aucune once d'empathie ne se dégageait de l'homme assit sur le trône. Le voir sain et sauf n'ajoutait qu'un fardeau en plus, un problème très lourd dont il devait s'occuper. S'il avait été facile, s'il était comme son dernier fils. Sans doute qu'il aurait eu bon cœur à le revoir. Mais Adonis ne ressemblait en rien à Isaiah. Le regard du patriarche de la famille Griffith se voulait dur, à l'étoffe d'un vrai chef de guerre qui allait devoir commander une armée. Mais puisque son fils n'était pas mort, Thomas avait des plans pour lui. Puisqu'il est vivant autant l'utiliser à bon escient, autant en faire une arme utile dans cette guerre qui profilait. Souhaiter la mort de son fils ? Non pas vraiment. Il souhaitait que son fils meurt de la main de l'ennemi, pour qu'au moins il puisse lui fournir une autre raison d'attaquer la nation du feu. Pour qu'au moins il puisse servir à l'histoire de la nation de la terre. Egoïsme ? Non, encore une fois Thomas était un fin politicien qui avait abandonné l'idée de réellement aimer un fils qui ne lui montrait que de l'ingratitude. Désormais il ne représentait qu'un pion important sur l'échiquier qu'il voulait perdre, sans réellement le perdre. Mais l'homme qui portait actuellement la couronne de granit n'avait pas le temps de réfléchir à ses sentiments, ses états d'âme. L'important était la survie de la nation, le bon fonctionnement du peuple. Les premiers mots qui sortirent de sa bouche ne firent même pas réagir le roi. Il se montra impassible dénué de réaction. C'est ce qu'il aurait voulu, qu'il réagisse, mais Thomas était loin d'être idiot. Ses yeux gardèrent le même aspect, son regard se voulait toujours aussi inquisiteur et les bras étaient posés sur le trône de manière à asseoir son autorité. De manière à rappeler que Adonis n'était qu'un simple prince et qu'il le demeurerait jusqu'à la fin de sa petite vie d'enfant gâté. « Cesse ces enfantillages. Je ne suis pas d'humeur à écouter tes plaintes. Si tu es ici, c'est pour une bonne raison. » La guerre grondait, il n'avait pas l'intention de s'amuser à renvoyer la balle à son fils et de compter le nombre de points que chacun allait marquer durant la partie. « Il serait temps que tu agisses comme un homme et non comme un jeune homme découvrant le monde. » La voix du père d'Adonis était froide et caverneuse, elle résonnait dans la pièce de manière claire et forte. « Chaque information que tu délivreras au royaume sera une avancée pour la nation de la terre, chaque information minime qui pourrait déstabiliser l'ennemi est importante et c'est pour ça que tu es ici. J'espère que ton séjour dans les cachots a pu te servir à quelque chose. » Une remarque dure et pourtant qui ressemblait tellement à Thomas. Mais qu'importe. Désormais il n'était plus un père même s'il est vrai qu'il n'en a jamais été réellement un. Il est le roi d'Eartanera, roi de la nation de la terre.

Si Thomas avait eu conscience de la dureté de son enfant, il se serait arrêté à la conception d'Ariane. La première avait été parfaite, bien qu'elle ne soit pas forcément d'accord avec les opinions de son père. Au moins elle était à l'écoute, souriante, jamais contrariante. Contrairement à Eros, sa plus grande déception, contrairement à Adonis celui dont il aurait pu être proche, mais qui devint peu à peu une déception également. Le seul pour qui le roi d'Eartanera avait eu de l'empathie était sans doute son fils Isaiah, l'innocence que dégageait ses yeux, ce côté rêveur qu'il avait tant aimé voir dans les yeux de son dernier fils. Sans doute parce qu'il aurait préféré être comme lui, aimer le pouvoir l'avait détruit, il n'en était conscient qu'à moitié. Conscient de pouvoir tout détruire autour de lui pour une simple couronne, pour une domination totale. Un lourd tribut à payer, une vie difficile qu'il était actuellement en train de mener et pourtant il n'en avait pas assez. Il s'enfonçait encore et encore dans cette quête de pouvoir qu'il ne pourrait pas étancher. C'était tout bonnement impossible. L'air froid et dur perdure sur le visage du patriarche qui ne sera laissera pas déstabiliser par son fils. A quoi bon lui répondre, cela lui donnerait trop de satisfaction et il ne le méritait pas. Adonis ne méritait rien venant de son père, aucune admiration, aucune parcelle de pouvoir. Le père espérait parfois même voir ses deux fils mourir avant lui, une pensée atroce pour un père. Mais la déception avait était tellement grande et sa remise en question n'avait jamais eu lieu. Alors il pensait clairement que les seuls fautifs de la dépravation actuelle des choses c'étaient eux tout simplement. Eux-mêmes qui s'étaient dirigés vers les mauvais chemins. En tout cas même si la réponse de Thomas était positive en son fort intérieur, il n'allait pas répondre oui. Il n'allait pas répondre qu'il aurait préféré le savoir dans une prison dorée durant toute la période de la guerre plutôt qu'entre les murs de sa propre demeure. Loin de faire confiance à son fils, il avait toujours dans l'idée de l'envoyer le plus loin possible de lui. Et en même temps l'avoir proche de lui le permettait de garder un œil attentif sur ces agissements nébuleux à son encontre. « Ton sang coule dans mes veines. Il est vrai qu'ici est ta demeure. » Pour l'instant. Heureusement ces derniers mots ne s'échappèrent pas de sa bouche.

Thomas toisait encore son fils, ces prunelles sombres se voulaient inquisitrices pour ne rien lui laisser passer. Il attendait de voir ce qu'il avait à lui révéler et le moins qu'on puisse dire c'est que le maître de la terre n'était pas au bout de ses peines. L'annonce que Wanda Oshun portait l'enfant de son fils fit l'effet d'une bombe. Son coeur rata un battement et pendant un instant la forteresse fut touchée en son fort intérieur. A l'extérieur rien n'y paraissait, il ne voulait pas encore se mettre en colère. La disgrâce qu'il portait à son fils pouvait se lire désormais sur ses yeux, il méprisait ce fils qui ne savait même pas tenir son appareil génital. Ce fils qui voulait être roi, qui voulait du pouvoir, mais qui n'avait jamais fait aucun sacrifice comme lui en avait fait. Être roi n'est pas simplement une quête de pouvoir qu'il faut mener, ce sont des sacrifices qu'il faut faire tout le long de sa vie. Lui n'avait jamais trompé Juliette, malgré les courtisanes, malgré les nombreuses femmes séductrices qu'il avait rencontré. Il avait toujours tenu bon en pensant que les minutes de plaisir n'étaient que de la pacotille face à l'idée d'avoir un bâtard en cadeau. Mais comme l'avait dit Adonis, c'était pour l'instant un avantage qui pourrait semer la discorde au sein de la famille Oshun. C'était le but, déstabiliser le noyau pour pouvoir ensuite attaquer plus facilement. « J'espère que ce bâtard est le seul que tu concevras. Mais il est vrai que cette nouvelle pourrait ébranler la famille Oshun. Qu'on fasse propager la rumeur le plus rapidement possible. Maintenant je veux que cette rumeur ne devienne jamais officielle au sein du royaume. Comment expliquer au peuple que nous voulons renverser la nation du feu et plus particulièrement la famille Oshun si mon propre fils enfante l'une d'elle ! » La voix caverneuse grondait entre les murs du palais. Thomas n'était pas content. Cela se voyait sur son visage, sur son corps qui commençait à se crisper.

Malheureusement pour lui la dernière nouvelle l'acheva. Heureusement qu'il savait contrôler son pouvoir, sinon la terre aurait sans doute tremblée sous ses pieds. Isaure Oshun au sein même de Greenstall, son fils avait-il perdu la tête ? Encore une fois c'était à Thomas de payer les pots cassés et de trouver une solution pour que cela devienne un avantage pour la famille Griffith. Thomas n'en disait rien, mais il avait une idée en tête. Une idée qui pourrait redorer son image et en même temps lui servir. Cette Isaure ne servirait pas strictement à rien. « Isaure Oshun ? Dans notre demeure ? Chez nous les Griffith ? Ton acte stupide pourrait se révéler utile il est vrai. Pourtant je ne peux m'empêcher que cette famille Oshun ne t'obsède plus que ta propre famille. » Et c'était exaspérant. Les mains du patriarche Griffith étaient solidement accrochées sur le trône pour qu'il puisse prendre appuie et se calmer en même temps. Il ne devait pas s'énerver, même s'il en avait grandement envie. Penser comme un roi et non comme un père. Si bien qu'un jour où il en était un de père. « Il est vrai qu'elle pourrait se révéler utile. Mais maintenant c'est à moi de parler. Comme tu dois t'en douter les fiançailles avec une ennemie à la couronne n'est plus d'actualité. J'ai décidé que tu serais fiancé à une fille de la maison Oathbridge. » L'alliance avait été vu récemment, mais il était hors de question que son fils épouse cette Isaure. L'alliance était bonne quand Camilla était encore vivante. Désormais elle était complètement obsolète et il préférait mettre les choses au clair. Pour ce qui était de Isaure, il devait encore réfléchir. La sentence sera sans doute prononcé après la fin de cette conversation, mais pourtant Adonis devait se douter que son père n'était pas clément. Encore moins si la personne portait le nom d'Oshun.