L’ambre se pose sur l’horloge dans un coin de la pièce. Tic. Toc. Tic… Un soupire exhalé d’entre ses lippes, alors que son père discute joyeusement avec Ariane. Adonis est fatigué. Pire, il est épuisé. Il a des douleurs dans l’abdomen, mais ne dit rien. Son regard ne quitte pas l’horloge. Dans une petite demi heure, il devra trouver un prétexte pour s’en aller et prendre son traitement. Contre sa cuisse, son téléphone vibre et le brun détache son regard de l’horloge pour attraper le smartphone dernier cri qu’il vient de s’acheter. Il a un léger sourire quand c’est le nom de Cal qui s’affiche, et ouvre le message le plus discrètement possible. Il aperçoit l’œillade de sa mère, mais s’en fiche. Il n’a plus vu Cal depuis plusieurs jours, et le blond lui manque terriblement.

(sms // cal) : Ces repas de famille sont d’un ennuis mortel, vivement que ça se termine, je suis épuisé

Le brun hésite à lui parler de la douleur lancinante qu’il ressent depuis le matin même, mais sait que Cal insisterait pour en trouver la cause. Et Adonis connait la cause. Il tapote de ses longs doigts sur sa cuisse, et finit par verrouiller l’écran de son téléphone le temps que Cal lui réponde. Malgré qu’il pose son regard sur sa mère, il n’écoute rien de ce qu’elle dit.

Les dernières semaines avaient été difficiles, compliquées. Adonis était différent, et même s'il ne l'admettait pas, Cal le voyait. Il le connaissait par cœur désormais, et savait que quelque chose tracassait son compagnon. Au fond de lui, il craignait que l'amour que le brun pouvait ressentir à son égard se soit effacé. Il avait peur de ne représenter plus qu'un boulet à sa cheville dont il ne savait comment se délester. Leur relation avait changé, radicalement, et si ce n'est cette explication, l'Oshun ne réussissait pas à trouver de raison plausible à de tels changements. Afin d'effacer ses doutes, Cal avait décidé d'organiser une surprise au jeune homme, ce soir. Ne sachant pas cuisiner, il avait décidé de commander dans l'un des meilleurs restaurants de Washington, et d'attendre Adonis chez lui, pour qu'ils puissent passer une soirée rien que tous les deux. Arpentant les rues de la ville, il reçut rapidement la réponse du Griffith à son précédent message.

(sms // adonis) : j'espère qu'il te reste un peu d'énergie pour ce soir,
quand même.

Adonis était toujours épuisé, ces derniers temps. Une fatigue qu'il mettait sur le compte de la vie éreintante qu'il menait, et que Cal avait accepté car il lisait sur le visage de son amant la sincérité de ses paroles.

Sa mère était en train de lui parler quand le brun senti son téléphone vibrer à nouveau dans sa main. Le Griffith répondit distraitement à Juliette avant de lire le message qu'il venait de recevoir. Adonis poussa un léger soupire, il savait que Cal s'impatientait un peu de son épuisement. Et pour cause, il ne semblait pas se tarir après plusieurs mois. Adonis savait qu'il y avait peu de chances qu'il se sente mieux, même si on lui avait assurer qu'il suffisait d'attendre un peu que son corps s'adapte au traitement. Il n'écoutait que vaguement Juliette, un oeil toujours posé sur l'heure, alors qu'il tapa sa réponse.

(sms // cal) : si mes parents ne me retiennent pas en otage trop longtemps, ça devrait aller

Non, il serait épuisé, et rien ne changerait ça. Mais il devait faire des efforts pour Cal, il le savait bien. Alors il décida que ce soir, il tenterait de faire bonne figure. De faire semblant, si il le fallait. Adonis ignorait tout de la surprise que Cal comptait lui faire, et les deux hommes n'avaient pas encore décidé de ce qu'ils allaient faire le soir même. Aussi il envoya un second message.

(sms // cal) : je pars bientôt. Je passerai chez moi, puis je viens chez toi ?

Cal et Adonis ne s'étaient pas vus depuis plusieurs jours, et le blond se languissait de cette soirée qu'il allait passer avec le jeune homme. Il espérait que les parents du brun allaient le relâcher bientôt, car il savait qu'il allait s'impatienter une fois qu'il aurait récupéré leur repas pour ce soir. Un second message du Griffith lui offrit la réponse qu'il attendait.

(sms // adonis) : ça me semble parfait. je t'attends chez moi, à toute à l'heure.

Un léger sourire aux lèvres, il pressa le pas afin d'arriver chez Adonis avant que celui-ci ne soit rentré. (...) Cal poussa la porte, les bras chargés des sachets contenant leur repas pour ce soir. Il se dirigea dans la cuisine, posant tout sur la table qui trônait au centre de la pièce. Quelques papiers glissèrent au sol, et le blond se baissa afin de les ramasser. Son attention fut attirée par le logo d'un laboratoire qui se trouvait à quelques rues, et qui habillait l'un des courriers au nom d'Adonis. Cal n'aimait pas se montrer intrusif et curieux de la sorte, mais il ne put s'empêcher d'y jeter un coup d’œil. Voilà quelques semaines qu'il avait lui-même été faire des tests, afin de s'assurer qu'il n'avait aucune maladie. Désormais qu'ils avaient décidé d'être exclusifs en officialisant leur relation, l'Oshun avait poussé son compagnon à faire de même afin qu'ils puissent arrêter de se protéger lorsqu'ils faisaient l'amour. Mais Adonis ne réussissait jamais à trouver le temps, avait toujours d'autres excuses pour ne pas être allés se faire tester. Cal commençait à s'impatienter, et cette attitude venant du brun ne renforçait que les inquiétudes du blond quant aux réelles intentions de son amant. Alors, en tenant ce papier dans ses mains, il eut l'espoir, quelques secondes, que le Griffith y était allé sans lui parler. Et il avait effectivement été dans un laboratoire, sans rien lui dire. Cal sentait les sueurs froides le gagner, alors que ses iris s'égaraient sur les mots inscrits sur le papier blanc. Son cœur battait à tout rompre dans sa cage thoracique, le bruit assourdissant contre ses tympans. Il était figé, incapable de comprendre ce qu'il lisait, de donner un sens à cette révélation qui lui glaçait le sang.

Adonis ne répondit pas au dernier message de Cal. Il avait l’impression de ressentir l’impatience du blond au travers de ses mots, et sa jambe commença à battre la mesure trop vite alors qu’il regardait toujours l’horloge. Il avait envie de retrouver Cal, vite. Ses pensées se laissèrent aller à la sensation des lèvres du blond sur les siennes, mais alors que ses souvenirs remontaient un peu trop loin, il sentit son cœur se contracter sous la douleur. Plus rien n’était plus comme avant, au début de leur relation, ou même quelques semaines en arrière. Une demi heure était passée, et Adonis se leva. Juliette le laissa partir sans protester. Le brun entra dans sa voiture, parquée dans le garage de ses parents, et ouvrit la boite à gants où se trouvaient les comprimés qu’il devait prendre à cette heure-ci. Il avait toujours du mal à les avaler, à cause de leur taille énorme. Adonis eut une légère grimace, et démarra pour aller chez lui.

La porte s’ouvrit avec un léger cliquetis, et Adonis posa sa veste sur le porte-manteau. Il passa ses doigts dans ses cheveux. La douleur à son abdomen s’était atténuée et il n’y pensait plus. Il commença à déboutonner sa chemise, dans l’optique de prendre une douche avant d’aller voir Cal, quand il passa près de la cuisine et vit que la lumière était allumée. Le brun pénétra dans la pièce et y vit Cal.

Il tenait entre ses mains des papiers qu’Adonis n’avait pas ranger. La douleur à son estomac remonta, vive, alors que ses tripes se contractait. Il arrêta son geste, à mi-chemin d’avoir déboutonner sa chemise. « Cal ! » Tremblant, de peur que le blond n’ait lu le papier, il s’approcha vivement et le lui arracha des mains, son regard d’ambre posé sur celui du blond. Pitié, qu’il ne l’ait pas lu…

Le bruit de la porte qui s'ouvrait ne l'atteignit pas. Cal avait les yeux rivés sur ce bout de papier entre ses doigts, sur la fatalité qui s'y apparentait. Il semblait déconnecter de la réalité, incapable de réagir face à la nouvelle. Ça ne pouvait pas être possible. Ça ne pouvait pas arriver à Adonis, à eux. Son cœur se serrait, alors qu'une multitude de questions, d'inquiétudes et de sentiments se bousculaient en lui. Une tornade qui le laissait pourtant immobile au milieu de la cuisine. Il ne prit conscience de la présence d'Adonis près de lui qu'une fois que la voix du brun vint briser le lourd silence qui avait enveloppé Cal, sans que celui-ci ne s'en rende compte. Les documents lui glissèrent des doigts, alors que son amant s'empressait de les récupérer. Mais c'était déjà trop tard. Le mal était fait, la vérité mise à nue. Les iris de l'Oshun se posèrent sur le visage d'Adonis, croisèrent ce regard inquiet qui appartenait à son compagnon. Il n'avait pas le droit de le regarder ainsi, pas comme si c'était lui qui était condamné, et non l'inverse. « Pourquoi est-ce que tu ne m'as rien dit? » Sa voix était basse, l'émotion transparaissait à travers chaque mot qui échappait des lippes du blond. Pourquoi, c'était bien la question qui lui brûlait les lèvres, qui étreignait son cœur et son âme. Pourquoi n'avait-il pas partagé ce fardeau avec lui. Pourquoi la vie avait choisi de s'acharner sur Adonis, alors qu'ils venaient tout juste de trouver le bonheur auquel ils aspiraient pourtant depuis si longtemps. Le cœur de Cal était lourd, il ne savait pas quoi dire, ni quoi faire. La découverte avait été brutale, inattendue. Il avait envie d'en vouloir à son amant de ne rien lui avoir dit, mais il n'en avait pas le courage. Pas alors que cette nouvelle remettait tout en question, tout sauf l'amour qu'il éprouvait pour le brun. La douleur prenait le dessus sur la colère, sur l'incompréhension. Il ne lui restait rien d'autre qu'un arrière goût désagréable en bouche, le poids de rêves brisés, d'un futur bouleversé. Cal n'était pas médecin, et ses connaissances en la matière étaient bien maigres, mais même lui savait ce que les lettres écrites en capitale sur le papier signifiaient.

Pourquoi. Pourquoi ? Adonis eut un léger rire, sans joie. Un rire qui trahissait sa nervosité et la peur qui grandissait en lui, bien plus vive que sa douleur au niveau de son estomac. Il secoua la tête, il n’avait pas les mots. Le brun ne savait pas comment avouer à Cal qu’il n’avait pas confiance en son affection. Parce que c’était bien ça, après tout, si il était persuadé que son petit ami n’allait pas le quitter en apprenant la nouvelle, il le lui aurait dit. Mais perdre Cal, c’était inimaginable. Adonis bien tout perdre, sa fortune, son boulot, sa réputation, sa famille même, mais Cal… C’était impensable. « Tu crois que je suis assez idiot pour croire que tu serais resté avec moi ?! » C’était de la nervosité, qui s’exprimait, mélangée à cette terrible peur de perdre l’homme qu’il aimait. « Je sais ce que les gens pensent, je l’ai pensé aussi. » Adonis plia les papiers entre ses mains, mais ses doigts tremblaient trop. La tâche lui permettait de ne pas regarder Cal, et il prit son temps pour replier la lettre à la perfection. « C’est le vih putain, Cal, ça fait fuir tout le monde. » Est-ce que ça allait se finir comme ça ? Au milieu de sa cuisine, dans les odeurs d’un plat que Cal était allé leur chercher ? Lui tremblant, les cheveux en désordre parce qu’il n’arrêtait pas d’y glisser ses doigts et une chemise à moitié ouverte qui lui donnait un peu froid ? Les détails étaient saisissant, comme si le souvenir d’une rupture en approche s’imprimait déjà à la perfection dans son cerveau.

Il avait envie de hurler auprès d'Adonis, de s'indigner face à ce manque de confiance. Il savait, Cal, que leur relation n'avait pas toujours été facile. Au contraire, même. Ils avaient passé plus de temps à se rendre la vie difficile, à combattre leurs sentiments réciproques qu'à s'aimer sans limites. Mais les choses avaient changé, désormais. Le blond était pris au piège par un amour qu'il ne pouvait contrôler, par un amour trop fort, dont il ne pouvait se défaire. La question ne lui avait même pas effleuré l'esprit, alors qu'il avait lu le diagnostic sur le papier. Il s'était inquiété, il avait été en colère, mais pas une seule seconde il n'avait pensé à quitter l'homme qu'il aimait. Il voulait être à ses côtés, dans cette épreuve, l'aider, et non pas l'abandonner, lâchement. Cal n'était plus le même homme désormais, et ça le rendait dingue de savoir qu'Adonis ne pouvait le voir. Il sentait son cœur se serrer davantage rien qu'à la pensée que son compagnon puisse toujours le voir comme celui qu'il avait été. « Tu penses vraiment que j'ai l'intention de fuir? » Il ne le quittait pas des yeux, le soleil de ses nuits. Sa voix trahissait ce sentiment de désespoir qui s'était emparé de lui, cette peine qui l'étreignait. « Je suis toujours là, dans ta putain de cuisine, même après avoir lu cette foutue lettre! » Il élevait la voix, sans vraiment le vouloir. Il ne se contrôlait plus, plus vraiment. Les émotions étaient trop fortes pour pouvoir les restreindre. Adonis tremblait, ses nerfs semblaient l'abandonner, lui aussi. Il attrapa son visage entre ses mains, afin de le forcer à le regarder. « Tu me fais si peu confiance? Tu nous fais si peu confiance? » Il plongea son regard dans celui du brun, espérant y trouver une once de réconfort, quelque chose à quoi se raccrocher, autre chose que la peine et la douleur.

Adonis ne voyait pas le mal qu’il faisait à Cal, en doutant ouvertement de lui et de ses sentiments. Il avait de lui hurler un oui à la figure, à sa première question, mais il était figé par la peur de ce qui allait arriver dans les prochaines minutes. Il n’avait de cesse d’attendre le moment où Cal le dépasserait pour quitter la pièce, et son appartement. « Je suis toujours là, dans ta putain de cuisine, même après avoir lu cette foutue lettre! » Le ton dur et la voix qui s’élève de Cal font tressaillir la mâchoire serrée du brun, qui pose la lettre sur un meuble derrière lui. Il l’éloigne de Cal, il ne veut pas que le blond la lise à nouveau. Elle a déjà fait assez de dégâts, cette lettre. Puis Cal s’approcha, mais pas pour quitter la pièce, pas pour le quitter. Il attrape son visage et le forca à lever le menton vers lui pour le regarder. « Tu me fais si peu confiance? Tu nous fais si peu confiance? » Adonis leva les mains et les posa sur celles de Cal. D’abord avec douceur, parce qu’il n’arrivait pas à toucher Cal autrement, puis avec détermination. Il s’affranchit du touché trop directif de son amant, et dégagea son visage de ses mains. Cependant, il ne lâcha pas les poignets de Cal, qu’il tenait sans fermeté, les doigts encore légèrement tremblants. « C’est pas une question de confiance. » fait-il d’une voix dure, mais beaucoup moins forte que celle de Cal. Il n’est pas énervé, Adonis, il est effrayé. « C’est pas un rhume, Cal. Je vais jamais guérir. » L’ambre croise un instant le regard sombre de l’autre homme, et s’y perd, s’y noie complètement. Il a besoin de lui, beaucoup plus que ce que sa fierté ne l’autorise à dire. Il a besoin de lui pour vivre, parce qu’il n’est pas certain d’y arriver sans Cal. « J’allais te le dire, mais… » Mais quoi ? Pour une fois, c’est Adonis qui a été lâche. Et Adonis n’a toujours pas répondu à la question de son amant.

Adonis posa ses mains sur celles de Cal, afin de se défaire de l'emprise du blond. Il ne lâcha cependant pas ses poignets, mais l'Oshun ne fit aucun mouvement pour se dégager de ce toucher. Figé, toujours, son regard bien ancré dans celui du brun. Il ne voulait pas s'en détacher, il souhaitait lire chaque émotion dans le regard de son amant, lui faire comprendre, aussi, qu'il n'avait pas l'intention de partir. Jamais. Mais les mots du Griffith ne faisaient que le tourmenter davantage. Bien sûr, il savait ce que le VIH signifiait, Cal. Il n'était pas médecin, mais il n'était pas stupide. Il avait quelques connaissances, sûrement erronées, sûrement formatées par les préjugés que chacun avait pour cette maladie. Il ne s'était jamais penché sur la question, sûrement car il s'était toujours senti hors de portée. Ça n'arrivait qu'aux autres, ce genre de maladie, non? C'était ce qu'il avait toujours pensé, et désormais, la réalité le frappait de plein fouet. Car Adonis n'était pas un autre, il était l'amour de sa vie. « Tu crois que je ne le sais pas, ça? » Il attendait qu'Adonis poursuive, même si au fond, il savait que rien ne viendrait. Le brun lui avait déjà expliqué pourquoi il ne lui en avait pas parlé. Et en évitant sa question, il ne faisait que confirmer les inquiétudes de Cal. Il n'avait donc réellement pas foi en lui, ni en leur relation. Et ça lui brisait le cœur. « Mais quoi? Mais quoi, Adonis? » Doucement, il se défit de l'emprise d'Adonis.   « Mais tu ne l'as pas fait, parce que tu pensais réellement que j'allais te quitter pour ça. Tu le penses toujours, en fait. » Il prit un peu de recul, s'éloigna de son amant, puis lui tournant le dos. Il n'avait pas envie de s'éloigner, mais c'était trop pour lui. Apprendre pour la maladie d'Adonis. Apprendre qu'il ne lui faisait pas confiance, au point de douter de son amour. Il passa une main sur son visage, avant de poursuivre. « Alors quoi, tu penses vraiment que je pourrais juste, passer cette porte, et t'oublier? Te laisser, trouver quelqu'un d'autre, et recommencer à zéro? Comme si tout ça n'avais pas compté? » Comme si c'était possible. Comme si Cal pouvait oublier cet homme qui avait tout chamboulé dans sa vie, qui l'avait changé à un point de non retour. Comme s'il était capable d'abandonner l'homme dont il était amoureux, de le laisser à son sort. Il avait été comme ça, avant. Choisir la solution de facilité, plutôt que rester et se battre. Il l'avait fait, à maintes et maintes reprises. Mais pas avec Adonis. Il ne le ferait plus. Il voulait être à ses côtés, l'aider à travers cette épreuve, et peu importe ce que cela signifiait. Peu importe les années, les épreuves, la souffrance et la tristesse. Peu importe cette foutue maladie, Cal ne voulait pas abandonner Adonis, et il ne le ferait pas.

« Tu crois que je ne le sais pas, ça? » Adonis lui lança un regard qui en disait long. Ce n’est pas ce qu’il voulait dire, ce qu’il voulait dire était que si Cal décidait de rester avec lui, il devait peser sa décision. Au fond, Adonis était si préparé à la rupture qu’il ne comprenait même pas pourquoi Cal ne partait pas tout simplement. Il n’arrivait même pas à en tirer du soulagement. « Mais quoi? Mais quoi, Adonis? » La question lui faisait mal, il n’arrive pas à répondre, et Cal se défit doucement de son emprise, imposant une distance qui faisait au moins aussi mal que cette situation, mais dont le blond semblait avoir besoin.  « Mais tu ne l'as pas fait, parce que tu pensais réellement que j'allais te quitter pour ça. Tu le penses toujours, en fait. » Il le regarda s’éloigner, et glisser ses mains sur son visage. Adonis sentit une boule se former dans sa gorge, et déglutit avec difficulté. Cal avait raison, il pensait réellement qu’il allait le quitter et ça allait même plus loin que ça. Adonis n’arrivait pas à accepter que Cal envisage de gâcher sa vie en restant avec un mec comme lui, avec un malade qui pourrait bien lui refiler sa maladie un jour si ils ne faisaient pas attention. En réalité, la plupart des médecins disaient que grâce à son traitement, il n’était probablement pas contagieux, mais les chercheurs n’en était pas encore certain, et il avait aussi peur de contaminer Cal que de se laisser aimer par lui. « Alors quoi, tu penses vraiment que je pourrais juste, passer cette porte, et t'oublier? Te laisser, trouver quelqu'un d'autre, et recommencer à zéro? Comme si tout ça n'avais pas compté? » Adonis fronce brièvement les sourcils, c'est exactement ce qu'il croyait. Il soupire, et s’éloigne pour aller s’asseoir sur le comptoir. Le problème chez Adonis, c’est qu’il aime trop les belles choses, et ses tabouret pour sa haute table sont bien trop inconfortable, alors il se retrouve souvent à se hisser sur le comptoir près des plaques électriques pouvoir avoir le mur derrière lui. Il pose le dos contre le mur, et puis son crâne. Il le laisse rouler sur le côté pour regarder Cal, et semble réfléchir à ce qu’il va dire. Puis il se redresse un peu, décolle son dos et son crâne et passe ses doigts sur son visage, en miroir au geste que Cal avait eu. « Oui. » Adonis avoue dans un souffle. Il avait envie de descendre de son perchoir et d’aller chercher Cal, de glisser ses bras autour de son cou et de l’embrasser. De s’excuser contre sa bouche, contre son corps, de faire battre leurs cœurs l’un contre l’autre mais Adonis n’arrivait pas à prendre la décision de le faire. Il ne savait pas si il en avait encore le droit. « Oui je pensais que tu allais me quitter. Oui, quelque part, je le pense encore. » Il regardait ses doigts, incapable d’admettre cette vérité en regardant Cal dans les yeux. Le brun n’arrivait plus à ignorer ni la douleur dans son abdomen, ni celle dans son cœur. Il bougea sur le comptoir, gêné par sa position et par leur discussion. « Je comprends pas pourquoi t’es encore là. » Il lève les yeux, finalement, des yeux humides de ses émotions qui s’entrechoquent et se bousculent au sein de ce corps affaiblit. « Tu pourrais avoir qui tu veux, n’importe qui. » Et ça le tuerait, si Cal décidait que ce n’importe qui, ce n’était pas lui.

Il ne l'observa pas tout de suite s'éloigner. Cal lui tournait le dos, et lorsqu'il fit à nouveau volte-face pour poser son regard sur son amant, Adonis se tenait assis sur le plan de travail de la cuisine, comme il le faisait si souvent. Le blond se souvenait, lorsqu'il s'était approché de son compagnon, installé dans cette même position, et qu'il l'avait embrassé. Ils s'étaient embrassés jusqu'à en perdre leur souffle, l'un comme l'autre. Ils s'étaient embrassés, comme si leur vie en dépendait. Et ils avaient fait l'amour, ici, dans la cuisine. Car leurs sentiments étaient trop forts pour être restreints, pour être domptés. Des souvenirs agréables, qui dénotaient avec l'atmosphère pesante qui régnait désormais entre eux. Cal aurait tout donné pour retrouver cette légèreté, pour poser à nouveau ses lèvres sur celles du brun sans se soucier de rien d'autre. Les mots ne faisaient plus aussi mal qu'avant, car l'Oshun s'était préparé à les entendre. Il n'avait pas besoin d'entendre Adonis les dire pour connaître la vérité. Il avait tellement de choses à dire, Cal. Tellement de choses qui pesaient sur son cœur, et qu'il voulait partager avec l'amour de sa vie. Tellement de choses, mais il ne savait par où commencer. C'était toujours ça, le plus compliqué, trouver ses mots. « Mais c'est toi que je veux. » Oh ça semblait simple à dire, mais c'était la vérité. Cal ne pouvait lui mentir, il en était incapable désormais. Tout ce qu'il ressentait, ses émotions, étaient à vif. « Et je t'interdis de douter de ça. » Il s'avança, lentement, jusqu'au Griffith. A nouveau, ses mains vinrent encadrer son visage, avec plus de douceur cette fois. Puis, encore plus délicatement, il vint poser ses lèvres sur celle de son amant. Un baiser  suave, presque chaste. Il était délicat, ayant presque l'impression qu'il allait briser Adonis par un simple toucher. Comme s'il allait le faire fuir, ou l'abîmer. Pourtant il savait que le brun n'était pas une poupée de porcelaine. Mais ce baiser représentait plus un besoin viscérale, une proximité réconfortante, plutôt qu'une réelle envie charnelle. Car Cal n'avait pas le cœur à ça, pour l'instant, mais il avait besoin de sentir son compagnon proche de lui, car il avait peur de le perdre. Peur qu'Adonis ne le repousse, peur qu'il essaye de le faire fuir. Peur de le perdre définitivement, même si la maladie était encore nouvelle.

Le regard de Cal était bien plus expressif qu’il ne l’avait jamais été auparavant. Il semblait blessé, réellement, et Adonis s’en voulait d’être l’instigateur de toute la tristesse qu’il lisait dans le regard de son amant. Il crevait d’envie de le prendre contre lui, mais devait laisser le choix à Cal. « Mais c'est toi que je veux. » Le cœur d’Adonis s’emballa doucement, comme réanimé par les sentiments que Cal étalait sans pudeur devant lui. Adonis le regard, un peu sonné, il s’était tellement persuadé que le blond le quitterait qu’il avait un mal de chien à y croire. Peut être était-ce un rêve ? Mais dans un rêve ils n’auraient pas eu cette discussion, ça aurait été plus beau, plus facile à dire. Et il n’aurait pas toujours aussi mal à l’estomac. « Et je t'interdis de douter de ça. » Cal s’approche de lui, doucement. Si doucement qu’Adonis aurait pu fuir trois fois s’il l’avait voulu. Mais il ne le voulait pas. Cal était l’homme de sa vie, il en était persuadé. Le seul qu’il serait capable d’aimer si fort. Il avait déjà aimé, ou cru aimer, et ce n’était rien en comparaison. Le blond encadre doucement son visage de ses mains, et leur chaleur sur sa peau donnent un léger frisson au Griffith, qui ne lâche pas le regard de son partenaire des yeux. Il laisse ses iris descendre sur les lèvres de Cal, anticipant déjà de sentir leur douceur contre sa bouche. Cal ne se fait pas prier, il vient l’embrasser avec tendresse. Avec une tendresse peu habituelle dans leur couple, d’ailleurs. Ce baiser est presque comme un premier baiser, et Adonis ferme les yeux rapidement pour en profiter. Il y répond avec la même douceur, avec le même amour. Le brun ne peut plus contrôler le besoin viscéral d’aimer cet homme qui représente déjà bien trop de choses dans sa vie. Il lève les mains, et tire un peu sur la chemise de Cal, pour l’inciter à approcher. Le brun écarte les jambes pour laisser la place au corps de Cal, et puis laisse ses bras s’enrouler autour de lui, laisse ses mains voguer contre son dos, avant de tout simplement s’arrêter quelque part contre ses omoplates pour l’attirer un peu plus contre lui. Il ne cherche pas à allumer le brasier du désir en lui, mais il a besoin de l’embrasser avec tout son corps, de lui laisser savoir que ses sentiments sont toujours aussi forts. Quand leur baiser se brise après ce qui lui parait être des heures, Adonis garde les yeux fermés et pose son front sur celui de son amant. Il inspire profondément l’air que Cal expire, et finit pour ouvrir les yeux pour le regarder. Il doit éloigner un peu son visage pour pouvoir bien le voir, mais ne le lâche pas. « Ne change pas d’avis dans une semaine, quand tu te rendras compte de ce que ça implique. » ce n’est pas un menace, c’est une demande, presque une supplication. Lui donner le bonheur de ne pas partir, de rester avec lui, pour le lui retirer serait la pire des tortures. Adonis s’approche à nouveau, il hésite, les lèvres à quelques centimètres de celles de son amant. « T’es vraiment sûr ? » souffle le brun, mais sans attendre sa réponse, parce que la proximité le grise, il vient s’emparer de ses lèvres à nouveau, hésitant au début, puis avec plus de chaleur, avec plus d’envie, peut être. Ce baiser là leur ressemble un peu plus, même si il est toujours empreint de douceur.

Leur étreinte était douce, délicate, mais ne leur ressemblait pas. Leurs baisers étaient d’ordinaire à l’image de leur relation : passionnels, sulfureux. Leur idylle était née dans la passion de leurs ébats, s’était affirmée grâce à leur désir. Mais c’était plus qu’une simple attirance physique, ça faisait bien longtemps qu’ils avaient passé cette étape. C’était bien pour cette raison que Cal ne pouvait imaginer sa vie sans Adonis. Ça pouvait sembler cliché, mais c’était la vérité. Même cette maladie ne réussirait pas à les séparer, à les éloigner. L’Oshun le refusait. Plus que n’importe quand, son amant allait avoir besoin de soutien, et le blond comptait bien être présent pour le lui offrir. Etre cette épaule sur laquelle pleurer lorsqu'il en avait besoin, pouvoir se reposer sur lui lorsque c’était nécessaire. Il était prêt à encaisser, à supporter les difficultés. Au final, ça n’était pas pour lui que ça allait être le plus compliqué, mais bien pour Adonis. Cal n’était qu’un dommage collatéral, et ça n’était pas bien important. Le blond écouta son compagnon, raffermissant un peu son étreinte autour de lui, comme pour lui montrer qu’il n’avait l’intention d’aller nulle part. Ni maintenant, ni jamais. « Fais moi confiance, s’il te plait. » Il ne lui demandait rien de plus que ça. Laisser leur passé compliqué derrière eux, et avoir foi en leur relation, en l’avenir qui serait le leur. Car ils allaient en avoir un, d’avenir. Et il allait être grandiose, il en était persuadé. Cette maladie ne leur enlèverait pas ça. Cal était promis à de grandes choses, tout comme Adonis. Ils allaient s’aimer, pendant des années. Se déchirer, aussi, parfois, car ils étaient comme ça. Ils allaient construire un futur en commun, se marier, peut-être, un jour, avoir des enfants, plus tard. Cal pouvait facilement imaginer tout ça, car il était certain de son amour pour Adonis, comme il n’avait jamais été sûr de quelque chose auparavant. Et c’était rassurant, étrangement, de connaître la force de ses sentiments. Si ça l’avait effrayé, fut un temps, ça n’était plus le cas désormais. Il savait que leur amour serait leur force, et qu’elle leur permettrait de passer toutes les épreuves que la vie mettrait sur leur chemin, à commencer par cette foutue maladie. Cal se laissa porter par le baiser d’Adonis, donnant le change. Il se laissa aller, oubliant l’espace de quelques secondes le sujet de leur conversation. Finalement, il s’écarta très légèrement lorsque le souffle lui manqua. « Oui j’en suis sûr, Adonis. » Il s’arrêta un instant, son regard plongé dans celui du brun. « Si les rôles étaient inversés, est-ce que tu me laisserai ? » Il connaissait déjà la réponse, mais il souhaitait qu’Adonis comprenne sa position.

« Fais moi confiance, s’il te plait. » lui demanda le blond. Adonis plongea son regard dans celui de Cal, avant d’aller l’embrasser. Il oublia un instant le poids de sa malade sur ses épaules, et se sentit un peu mieux entre les bras de son compagnon. Le brun se laissa aller à leur baiser, et quand leurs bouche se séparèrent, il eut du mal à ne pas directement en réclamer un second. « Oui j’en suis sûr, Adonis. » Répondit Cal, en le regardant de cette manière qui lui retournait les tripes. Le brun déglutit, alors qu’il se rendait compte qu’il avait été trop loin, en doutant de son amant. « Si les rôles étaient inversés, est-ce que tu me laisserai ? » Il secoua la tête, il avait été stupide, certes mais… Il avait eu peur, ce n’était que par peur qu’il avait agit comme il l’avait fait. « Non, je t’aime. » souffla-t-il, il avait toujours un peu de mal à le dire mais à chaque fois qu’il le répétait, les mots s’ancraient en lui et rendait la confession plus légère, mais pas moins vraie. Il tira un peu sur sa chemise, et alla effleurer ses lèvres des siennes, doucement, un simple baiser qui ne dura pas. « Ce n’est pas que je ne te fais pas confiance. » il avait besoin de le dire, il ne voulait pas que Cal y pense des jours et des semaines durant. Que cette pensée le hante et le ronge, et ronge les sentiments qu’il avait pour lui. « Je te jure que c’est pas une question de confiance. J’avais juste peur que ça te fasse peur. » Quelque part, Adonis était loin de savoir à quel point Cal l’aimait. Il n’osait pas espérer de trop, le brun. Il n’osait pas penser que l’Oshun avait les mêmes sentiments que lui, exactement les mêmes, parce que c’était dévastateur, ça pouvait le pousser à faire n’importe quoi pour le garder près de lui. La preuve : il lui avait menti.