« Je ne serais probablement pas très long. Surveille les alentours, je ne voudrais pas être pris à revers. » Le cruel Vasara laissa les rênes de sa farouche jument blanche à l’allié de toujours, le grand ami et le frère de cœur. Jonah. Le capuchon de sa cape rabattue sur son beau visage de conspirateur, le Vasara avançait de façon anonyme dans la misérable petite chose. Taverne ? Auberge ? Difficile à dire. Probablement un mélange des deux. Achille était pourtant habitué de ces infâmes taudis. Il y avait passé nombre d’heures à tenter de conquérir le peuple d’Aeristin. Se montrer comme un homme proche, accessible, bienveillant et à l’écoute. Tout ce qu’il n’était pas. Mais le paraître était bien plus important que la vérité. Et le blond avait toujours excellé dans l’art du mensonge. Il s’installa à côté de sa cible, de sa proie. Adorable petite chose brune au caractère enflammé et qu’il comptait bien conquérir grâce à la ruse, à la tromperie et à son âme vicieuse. Elle appartenait à un mouvement opposé au sien. Et il avait toujours été friand d’envoyer un loup dans la bergerie de ses ennemis. Séléné serait la prochaine Jonah. Sa disciple, son enfant, sa sujette. Son nouvel atout dans le monde dangereux qu’il était en train de créer. Diviser pour mieux régner. Sa devise. D’un signe autoritaire, il demande un verre. Et grimaça en voyant le liquide ambré au fond de son verre. Il avait dû traquer l’Helleros sur des bornes, afin d’enfin pouvoir trouver le moment idéal pour l’aborder. Véritable chasse à l’homme. Un plaisir comme un autre, en ce bas monde. « Pars. » Elle cracha, de sa voix veloutée de nymphe marine. Et, pour toute réponse, il laissa échapper un petit ricanement mesquin. Si elle croyait pouvoir lui ordonner quoi que ce soit, elle se trompait. Et fortement. Achille était un dominant, un prédateur. Il ne se laissait pas dicter quoi que ce soit. La brune l’apprendrait bientôt. Et apprendrait à rentrer dans le rang. Sous ses ordres. « L’un des chiens de Merle serait-il en pleine traque ? » Un petit rire s’échappa de ses lippes rosées alors qu’il vida le contenu de son verre au fond de sa gorge. Grimace après le passage du liquide amer sur sa langue. Son regard noir se posa sur la silhouette près de laquelle il se tenait. Jouer l’agneau doucereux n’aurait probablement aucune force sur l’enfant de l’eau. La brute volage, pas d’avantage. Roi des masques et des ombres, le maître du vent savait changer de personnalité avec une aisance déconcertante. Rien ne semblait lui résister et il se coulait facilement dans le rôle d’autrui. Parce que durant sa prime jeunesse, il avait passé des heures à observer les autres. La façon de s’exprimer, les moindres gestes, les habitudes de paroles. Il s’en était imprégné. Jusqu’à pouvoir les imiter à la perfection. Et ce talent exercé durant bien des heures lui avait permis de devenir ce tyran de l’ombre, cet être inhumain pourtant acclamé par les plus conservateurs de tous. Il se jouait des autres, Achille. Véritable caméléon devenant ce que l’on attendait de lui. Il aurait pu finir par se perdre, dans cet entremêlement de personnalité. Mais le monstre qu’il était réellement finissait toujours par ressurgir. Par reprendre le dessus. « Le jour où je serais le chien de qui que ce soit, je t’autorise à me coller une balle en pleine tête. » Ton brusque et moqueur. Parce qu’il avait décidé de la pousser dans ses retranchements. De lui permettre d’exciter ses pires instincts, de dévoiler la facette la plus sombre de sa personnalité. Et c’était là, dans ses ténèbres personnelles, qu’il refermait son poing d’acier autour de son cou. Qu’il fermerait le collier et apposerait la laisse. Il lui deviendrait ensuite indispensable, véritable obsession, nécessité de le voir qu’elle ne pourrait jamais véritablement combler. Achille était devenu véritablement doué, à ce petit jeu. Sa sœur, sa femme et la plupart des femmes qui l’entouraient, en somme. « Tu as l’air bien contrariée, pour une petite chose si adorable. J’ai d’inouïs talents, pour écouter. Si tu veux te confesser, je suis toute ouï. Peut-être que cela réussira à adoucir le goût horrible de ce qu’ils servent ici. »