( Oh, the storm is raging against us now, if you're afraid of falling then don't look down, but we took the step, oh, we took the leap and we'll take what comes, take what comes with @Lyle Osborn )

Lara est arrivée avec un peu d'avance à Launondie. Elle a arpenté ces rues, qui l'ont vue naître et grandir, posé les paumes de ses mains sur les murs des établissements qu'elle a pu fréquenter, comme dans un besoin de renouer avec son passé. Ses origines, qui ont fait d'elle ce qu'elle est aujourd'hui. Elle a même hésité à aller voir sa mère, mais elle n'a pas tardé à chasser cette pensée de son esprit, s'accompagnant d'un geste de la tête. Cela fait plusieurs années maintenant qu'elle n'a plus eu de nouvelles de sa génitrice. Ou bien est-ce elle, qui ne lui en a plus donné ? La mêlée ne parvient plus à s'en rappeler. De toute façon, tout cela n'a plus d'importance. Elles sont probablement chacune mieux comme cela, ou tout du moins c'est ce dont elle se convainc. Lara ne peut pas se permettre de s'embarrasser d'un proche, d'une personne autre qu'elle même à protéger. De quelqu'un qui la ralentirait, ou qu'on pourrait utiliser contre elle. D'une source d’inquiétudes et d'ennuis. Pour cette cause qui lui est si chère, Lara doit être entièrement disponible et s'impliquer à cent pour-cents. Lara, elle n'aime pas à moitié. C'est l'armée de Pollux, ou une vie sentimentale. Or elle a fait son choix il y a plus de cinq ans maintenant.
La mêlée se contente donc de retracer ses premiers pas dans ce monde, dans le plus grand des silences. Comme un pèlerinage. Comme un fantôme qui hante ces lieux, observant ses successeurs mener une vie qu'elle peine à oublier. Puis elle prend des notes. Elle observe les quartiers, elle s’imprègne de l'atmosphère, analyse chaque passant. Elle reconnait les Lambdas, des Mêlés, des Maîtres. Les premiers sont bien entendu les plus maigres, les plus crasseux. Ses semblables, quant à eux, ont le même regard qu'elle avait lorsqu'elle était au service de Maven Oshun. Une flamme éteinte au fond du regard. Une irrépressible envie de fuir, sans pour autant parvenir à briser leurs chaînes. Puis les Maîtres. Et leur arrogance. Et leur insouciance. Les voir se pavaner sans se douter de ce qui les attend lui arracherait presque un sourire. Elle sait, la blonde. Elle sait ce qu'on leur a préparé. Elle s'amuse même à tenter de deviner lesquels ne verront pas le jour se lever. Louve au sein du troupeau, elle se délecte d'avance de son festin. Même si dans le fond, aucunes de leurs morts ne compte autant à ces yeux que celles de son ancien Maître. Deux syllabes qui hérissent les poils sur ses avant bras. Elle déteste se référer à lui de cette façon. Il n'est en rien son Maître, jamais il ne l'a possédée.
Soudain, un bruit dans son dos sort la mêlée de sa torpeur. Elle sursaute et se tourne, les mains en avant prête à riposter à la moindre menace. Ses muscles bandés se détendent dès lors qu'elle aperçoit le visage de Lyle. La connaîtrait-il au point d'avoir deviné où elle se trouverait ? Il n'y aurait rien d'étonnant à cela. « Pardon. » s'excuse-t-elle en laissant choir ses bras le long de son corps. « Je ne t'ai pas entendu arriver. » qu'elle tente de se justifier sans succès. « Revenir ici me fait plus d'effets que je ne l'aurais imaginé. » Elle s'y était attendue bien sûr, mais c'est toujours différent une fois qu'on est devant le fait accomplis.

( Oh, the storm is raging against us now, if you're afraid of falling then don't look down, but we took the step, oh, we took the leap and we'll take what comes, take what comes with )

Un petit détachement de l’armée de Pollux était arrivé à Launondie depuis quelques jours déjà. Repérages, observations. Afin d’être prêt pour le jour fatidique. Le jour où le monde allait connaître un irréparable tournant. Où les choses allaient enfin changer pour l’engeance maléfique des maîtres. L’Osborn se réjouissait. Plus que de mesure. Il imaginait déjà la scène qui allait se dérouler sous ses yeux. Les centaines de cadavres au sol. Le marbre recouvert de sang. Les gémissements et les supplications. La mort partout autour de lui. En lui. Grande Faucheuse qu’il allait devenir, l’espace de cet affrontement. Véritable divinité ayant le droit de vie ou de mort sur quiconque croiserait son chemin. Et puis, il y avait elle. L’Autre. Celle sur qui il brûlait de mettre la main, afin de pouvoir lui faire payer. Parce qu’elle avait été jugée, par lui-même, comme Tentatrice suprême et grande Responsable de tous ses maux. Le seigneur de l’électricité louvoyait dans les rues de Launondie, laissant son regard vif errer partout autour de lui. Aux aguets, prêt à observer les moindres détails de l’environnement qui se trouvait autour de lui. Son visage d’ange habilement dissimulé sous un informe capuchon noir, il évoluait anonymement. Evitant les embrouilles et surtout, ces maîtres qu’il haïssait du plus profond de son être. Lyle n’était pas venu seul, mais avec ceux qu’il considérait désormais comme sa famille. Même si ses deux précieux étaient en train de s’éloigner de lui. Petit à petit. Seule restait l’indomptable Til’Illan, enfant des tempêtes, femme du chaos. Sans elle, son quotidien aurait été … Vide. Presque dénuée de sens. Parce qu’ils formaient un binôme, exaltaient les démons de l’autre et tentaient d’apaiser leurs tourments à grand coup de gorges tranchées. Lyle passait la moitié de son temps aux côtés de la sylphide blonde. C’était pour cela qu’il reconnut immédiatement sa silhouette, alors même qu’elle se trouvait au beau milieu de la foule. La guerrière se retourna vivement, les genoux fléchis. Prête à lui sauter au cou. A lui tordre la gorge. « Pardon. Je ne t’ai pas entendu arriver. » Pourtant, les sens de Lara étaient presque parfaits. Voir, surhumains. Lyle et elle s’étaient entraînés durant de longues heures, jusqu’à en perdre haleine. Parce qu’ils voulaient être les meilleurs. Ils en avaient besoin. Pour se prouver des choses à eux-mêmes. Mais également aux autres. Pour montrer qu’il n’était pas que de la vermine mais valaient quelque chose. Qu’eux aussi étaient puissants, dangereux. De véritables menaces. « Revenir ici me fait plus d’effets que je ne l’aurais imaginé. » Lyle vint s’installer à côté d’elle et ils se mirent à déambuler, bras-dessus, bras-dessous. Comme un jeune couple appréciant les premiers beaux jours du printemps. Apparences angéliques pour des âmes de tueurs. « J’ai du mal à croire que nous allons véritablement le faire, tu sais. Leur prendre le château. J’en ai souvent rêvé. Et cela va enfin devenir réalité. J’espère que le sang des Oshun ruissèlera sur nos armes. » Rictus carnassier sur ses lèvres rosées. « Plus que quelques heures à attendre… Et nous aurons enfin notre revanche. » Maven, Wanda. Ils paieraient tous. « J’ai demandé à être en première ligne. J’espère que tu te battras à mes côtés. »

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La mêlée a bien du mal à réaliser. Il s'agit très certainement d'un instant historique, dont les répercussions traverseront probablement les frontières de Flamaerin. L'armée de Pollux marche sur Launondie et son Palais des Flammes. Ancienne capitale de l'empire, la chute d'une telle cité ne pourrait laissé de marbre les autres nations d'Aksana. Devront-il s'attendre à des ripostes ? Ou bien être témoin de la capitulation des maîtres ? Lara aimerait parier sur le second, mais sa raison la pousse à croire que cette bataille ne sera qu'une parmi tant d'autres. Les maîtres n'accepteront jamais que leur suprématie prenne fin entre les mains de leurs hybrides et rendront coup pour coup jusqu'à ce que la rébellion ne soit matée. Pourtant, l'histoire a démontré que leur autorité avait ses limites, lorsque les mêlés se sont soulevés pour la première fois, troquant un statut d'esclave pour un autre. Adiutor. Une arnaque, un tissu de mensonges. Un semblant de concession de la part des maîtres pour préserver leur autorité sur ceux qu'ils ont toujours craint. Se savoir redoutée est l'unique consolation que Lara parvient à trouver pour ces années dans la rue, puis à Koldoveretz et enfin avec Maven. Une existence de servitude dont le virus l'a libérée. La mêlée est libre. Pourtant elle reste entravée à son désir de justice et aux souvenirs d'un maître qu'elle aimerait mort. A présent, son rêve est sur le point de se voir exaucé. Son bourreau n'est qu'à quelques kilomètres d'elle, ignorant tout de ce qui l'attend. Un sourire illumine son visage alors qu'elle entre Lyle exprimer tout haut ce qu'elle pense tout bas, comme à son habitude. Comme s'il lisait dans son esprit, comme s'ils partageaient tous deux les mêmes pensées. Parfois, elle se demande pourquoi ils prennent encore la peine de se parler. « Nous avons voulu y croire toute notre vie, pourtant nous voilà confus face à l'imminence de la situation. » dit-elle avec ironie. Lara n'ose presque pas se projeter, de peur de se porter malheur. « En seras-tu capable ? La tueras-tu si l'occasion s'en présentait ? » qu'elle lui demande, consciente de ne pas avoir besoin de prononcer son prénom pour que Lyle sache de qui elle parle. Ils ont certainement eu cette conversation des centaines de fois. Chacun jurant de tuer leur ancien maître. Wanda et Maven. Chacun imaginant des centaines de manières et situations différentes dans lesquelles ils pourraient leur ôter la vie sans sourciller. Lorsqu'ils vivaient encore au palais, cela ne relevait que du fantasme. Jamais ils n'auraient franchis le pas en sachant que cela pourrait également provoquer leur propre mort. Mais depuis le virus, les enjeux ont changé. Il ne s'agit plus d'un jeu, d'une simple chimère sans conséquences. L'idée d'enfin tuer son ancien maître l'effraie et la galvanise. « Bien sûr je me battrais à tes côtés. Comment pourrais-je manquer une telle occasion ? » Lara ne tarde pas à rassurer son compagnon. Elle n'avait pas hésité à répondre à l'appel de Pollux pour une raison : faire partie des premiers à fouler le sol de marbre du palais des Flammes. « Tu as déjà pensé à l'après ? A ce qu'il adviendra si un jour nous parvenons à rétablir la justice ? » elle lui demande, curieuse. Trop habituée à un monde dans lequel elle est esclave des maîtres, Lara réalise qu'elle est tout bonnement incapable d'imaginer autre chose. L'égalité relèverait-elle de l'utopie ? Si elle a les maîtres en horreur, elle ne peut s'empêcher de penser qu'il devraient avoir également leur place dans le futur qu'elle souhaiterait pour Aksana. Une place égale à la sienne, mais une place quand même.

( Oh, the storm is raging against us now, if you're afraid of falling then don't look down, but we took the step, oh, we took the leap and we'll take what comes, take what comes with )

« Nous avons voulu y croire toute notre vie, pourtant nous voilà confus face à l’imminence de la situation. » Ils se tenaient là. Côté à côte. Si près que le roi de l’électricité pouvait sentir la chaleur manifeste émanant du corps de la blonde. Rouge et jaune. Association mortelle. Face à leur destin. Leur inéluctable colère qui, enfin, touchait à son but. Ils allaient marcher sur le précieux palais des Oshun. Et le réduire en cendres. Lui et tout ceux qui se trouveraient à l’intérieur. Leurs anciens maîtres, ceux qui les avaient traités comme des moins que rien. Des esclaves. De la vermine. Maven et Wanda. Deux prénoms gravés au fer rouge sur la peau pâle des deux âmes-sœurs. Deux prénoms qu’ils ne pouvaient chasser de leur mémoire. Qui continuaient à les faire saigner de l’intérieur. Et pour pouvoir guérir, Lyle et Lara allaient devoir les tuer. L’Osborn était à la fois excité et … Terrifié. Il tenait sa revanche dans le creux de la main. Et pourtant, il avait peur de ce qui allait se produire le lendemain. Les corps qui allaient joncher le sol. Les hurlements de douleur et tout ce sang répandu, qui changerait définitivement la couleur du marbre royal. L’impétueux ne craignait pas pour sa vie mais pour celle de la farouche guerrière qui se tenait à ses côtés. Pour cette vie et pour celles de tout ceux à qui il s’était attaché au cours de sa vie. « En seras-tu capable ? La tueras-tu si l’occasion se présentait ? » Telle était la grande question qui s’étendait entre eux. Toujours tue jusqu’à ce moment précis. Parce que la terrible princesse du feu était devenue un véritable sujet interdit, entre les deux amants fougueux. Le mêlé avait été amoureux d’elle, durant plusieurs années. Des années de souffrance, d’infidélités, de tromperies et de mensonges. Elle lui avait brisé le cœur. Un nombre incalculable de fois. C’était précisément à cause d’elle, qu’il avait préféré qu’une orange farfouille dans son esprit afin de bloquer tous sentiments à l’encontre de celle qui était désormais une ennemie. Lyle ne ressentait plus rien pour elle. Capable de regarder les moments heureux qu’ils avaient partagé sans émotions. Comme un film qui défilait devant ses yeux. Un film avec des protagonistes auxquels il n’arrivait pas à s’attacher. Il la tuerait. Avec une lenteur douloureuse. De la pire manière possible. « Bien sûr que je me battrais à tes côtés. Comment pourrais-je manquer une telle occasion ? » Sourire carnassier qui étira les lèvres du jaune. Lara et lui s’étaient entraînés. Durant des heures entières, jusqu’à être hors d’haleine, jusqu’à ce que leurs corps soient recouverts d’hématomes. Ils partageaient tout. La sueur, les repas, le lit. Inséparables. Lara était un comme un second souffle, pour lui. Elle chassait les démons, permettait à la lumière de s’introduire de nouveau dans son âme blessée. Pourtant, elle aussi devait faire face à de nombreux tourments. Faits pour être ensemble, pour s’entendre et s’élever jusqu’à une gloire certaine. Ils se l’étaient promis. Lorsque ces deux-là faisaient front, le monde se mettait à trembler. Véritables entités dévastatrices. Létales séparément, invincibles lorsqu’ils se retrouvaient. Ils se noyaient dans une violence inouïe pour oublier. Oublier que le monde dans lequel ils évoluaient n’était pas semblable à celui dont ils avaient si souvent rêvé. « Tu as déjà pensé à l’après ? A ce qu’il adviendra si un jour nous parvenons à rétablir la justice ? » Ils étaient immobiles, semblables à deux rocs. Inamovibles alors que la marée humaine se déversait tout autour d’eux. Mais Lyle et Lara appartenaient aux ombres, à l’invisible. Personne ne les remarquait. Après tout, ils n’avaient rien d’exceptionnel. Deux jeunes amoureux blottis l’un contre l’autre, probablement deux enfants de basse extraction venant admirer la splendeur du palais des maîtres Oshun. Il était exalté, à l’idée du carnage à venir. A l’idée de leur possible réussite. Ils deviendraient les rois de ce monde à venir. De ce monde qu’ils rebâtiraient à la sueur de leurs fronts. Le terrible passa devant elle, avant de glisser ses mains autour du visage félin de la Til’Illan. Son souffle chaud se mélangeait à celui de la blonde, alors que ses yeux bruns pétillaient d’une joie à peine dissimulée. « Nous en avions rêvé. Le moment est venu. Ensemble, nous pourrons les réduire à néant. » Sa voix dénotait sa fébrilité alors que son cœur battait à une allure insensée. « Alix m’en a rendu capable. Je plongerais ma dague dans son cœur. Lentement. Et alors, je serais libéré. Nous serons libérés. Les Oshun ne seront plus qu’un vieux souvenir que nous laisserons derrière nous. » L’Osborn pensait chacun des mots qui franchissait ses lèvres. Toujours plus de ferveur et de désir, dans son âme calcinée par une vie trop difficile. « Je ne sais pas ce qui se passera après. » Parce qu’une fois l’ancienne famille impériale tombée, un nouveau monde serait à portée de main. Une nouvelle ère s’ouvrirait. « Je ne sais pas si nous réussirons à changer les choses. Mais je l’espère de tout cœur. J’espère que nous pourrons châtier les maîtres et aider nos semblables à se sortir de la torpeur dans laquelle ils sont plongés depuis bien trop longtemps. » Lyle rapprocha son visage de celui de la rouge, jusqu’à ce que leurs nez s’effleurent, avant de reprendre : « Mais je suis certain d’une chose. Une fois que nous serons à l’intérieur. Une fois que nous les aurons tués, je sais ce que nous ferons. » Rictus lubrique qui déforma son visage buriné alors que ses lèvres heurtèrent violemment celles de Lara. Les yeux fermés, le cœur menaçant de s’évader de sa cage thoracique, l’adrénaline déferlant dans ses veines. « On s’enverra en l’air dans chacune des pièces de ce maudit château. Là où ils vivaient tous. Là où nous serons maîtres à notre tour. » Ses mains se resserrèrent autour de sa taille alors que le désir déferlait en lui par vagues successives. « Notre ère est venue, Lara. Enfin. »