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Spoiler:

La mort est finalement une bien belle fin, un bouquet final à une trop longue existence de débauche qui aurait séduit l'immortalité. L'on en connait les méandres froids d'un vide effrayant, mais point la   douceur   d'un   repos   éternel..
Sa plume dessine la dernière lettre lentement, tandis que l’homme s’égare encore dans ses pensées.
Paisible, l’écrivain profite et se nourrit de cette quiétude dans ce vaste bureau aux ornements fastes, à la lumière chaude l’irradiant de bien être. Le poète s’épanche encore un peu sur ce papier qu’il déchire de ses mots mélancoliques et fantastiques. Loin des tumultes politiques, loin des joutes verbales qui tordent son esprit de plaisir, loin encore de la bienséance et de la retenue insupportable, de ce rôle de bienfaiteur qu’il vaut offrir au monde, l’homme s’amourache de cet instant. De celui durant lequel la sauvagerie de son espèce s’évapore pour ne laisser place enfin, qu’au doux silence d’une quiétude véritable.


Le grincement de ses dents lui vaut des frissons désagréables. L’épiderme tiraille sous la brûlure d’un coup de ceinture.  Couinement étouffé que la bouche garde pour secret. Et la nervosité palpable s’avère tourner à l’angoisse, à l’oppression de bras trop rudes emprisonnant un corps trop frêle.  Désespoir et ardeur se lient alors dans une étreinte sobrement diabolique. Le tambour d’un orage raisonne donc à l’aube d’un horizon chaotique.

Seconde brûlure qui, cette fois-ci, s'imprime autant sur la peau que dans l'esprit. Un cri de douleur semble vouloir s'échapper dans une chevauchée libératrice mais il est vite réprimé, comme d'un chien qu'on muselle. A la place, une plainte sourde s'échappe, tandis qu’elle prierait volontiers l'arrêt d'un tel supplice. Le fouet repart et vint frapper une énième fois la fillette, presque dans une folie enjouée, dans une danse sauvage. La fureur s'étrille sauvagement en lui qu’elle en devient affaiblie. Le sifflement du coup est presque plus terrible que la douleur qui suit. La ceinture siffle et frappe. Il grogne et mord. Chante et danse.
« Vous allez apprendre la discipline. » La mâchoire se contracte durement; dans un dernier effort, le corps tente de se maintenir debout. « La discipline, mon enfant. » Ces paroles chantent la danse macabre du fouet. Prononcées dans une voix foncièrement cruelle, intentionnellement mauvaise. Chacune des syllabes étaient distinctement prononcées, dans une lenteur et dureté insupportable.
Ces paumes sont plaquées contre le mur, lui servant de support. Sous la douleur, les ongles grattent le bois, le fissure, le mutile. La fillette agit pour autant dans un mutisme spectaculaire.
La douleur hurle en lle, agite son esprit, fait valser le peu de courage qui lui reste. Dans les moindres fibres de son corps, elle ressent la morsure ardente d'une vie maudite avant même son commencement. Mais désormais elle ne tient plus, elle commence à céder. Ses jambes flageolent, son corps est parcouru de tremblement à peine refrénés. Son visage blême se dissimule derrière une chevelure ténébreuse dont les boucles jouent de leur forme jusqu'en bas de d'une nuque humide de sueur.
Puis le fouet cesse sa valse. Des secondes défilent dans un silence gênant. La douleur la paralyse dans un étau lancinant, si bien que l’air en vient à manquer, la panique s’insinuant dans ses moindres fibres. Melinda hurle mais personne ne l’entends.
Finalement, des pas s'échappent de l’endroit, la laissant seul à son propre cauchemar. Son corps frêle est gelé, malgré la sueur perlant son faciès. Puis ce sont ses genoux qui cognent le plancher et ses  ongles qui crissent le bois noble dans un râle oublié. L’enfant respire péniblement. Puis..

« Non ! » Melinda se relève d’un bond, le souffle court, la panique parcourant son corps. Dans cette chambre éclairée par le soleil brûlant de l’après midi, la fillette se retrouve béate, désormais assise sur ce lit bien trop grand. Par réflexe, elle jette sa main par-dessus son épaule pour caresser le haut de sa musculature de jeune enfant : sa peau était aussi lisse que l’accoutumée, quoi que luisante de sueur. Cet enfant était hanté, à l'âge où l'innocence semble encore tarder à s'en aller. Le cœur de la fillette tambourine encore contre sa poitrine dans un rythme fabuleux. Son regard azur se projette sur son environnement, s’accrochant à la moindre image lui rappelant le monde des vivants.
La perte de son aînée n’avait fait que relancer le désespoir d’une existence feinte. Danika avait été l’unique pilier, cette force qui lui laissait entrouvrir l’idée d’un avenir meilleur, un modèle, un miroir. Une barrière aussi, face à un géniteur au mieux indifférent, au pire sadique.
La fillette, cet astre éteint, se laisse ainsi malmener par un esprit sombre et résigné.  Loin du pays des songes désormais, la gamine s’emprisonne dans un monde plus cruel encore : celui de sa vie.


Un claquement. Celle d’une gifle présomptueuse. Mais elle était passée inaperçue, comme d’une caresse vive qui s’effaçait déjà dans le lointain. En ce bas monde, elle représentait le seul être à œuvrer de cette manière avec lui. Elle était un unique délice qui ne faiblissait jamais et dont Aedan ne pouvait se lasser. Une eau calme mais trouble.
« Comment oses-tu prononcer chose pareille.. »  Des paroles prononcées comme le glas du réveil funeste. La réaction est sans attente, il apprécie. Se redressant aussi brusquement que ses paroles furent prononcées, Aedan observe sa douce d’un œil méfiant ; il s’attend à recevoir un autre coup divin. Mais que nenni. Cette voix tremble sous l’émotion vive et ardente, sous la fureur d’une femme fière mais brisée. « Nous aurons d’autres enfants, j’en suis certaine. » Elle n’y croit pas, trop peu. Mais Derinda est là, face à lui ; de sa beauté qui flamboie aussi follement qu’une flamme au vent, elle est cette lionne qui se consumera par sa propre folie.
Son épiderme brûle encore doucement sous la caresse enflammée qu’il venait de recevoir et pourtant, c’est un rictus qui s’amourache lentement de ses lèvres. Ce terrible rictus d’un mâle empli d’une compassion dérangeante, feinte. Un râle s’échappe de ses lippes presque closes avant qu’il ne daigne encore répondre. « Pourquoi refusez vous de vous rendre à l’évidence ? » Il souffle un rire désabusé, quoi qu’amusé par la détresse de sa moitié. « Pourquoi diable cherchez vous à vous raccrocher au néant ? »
Sa voix roule délicieusement, atrocement. De son timbre guttural, il a ce ton bienveillant, ce diable au corps qui le rend si malsain. Son faciès se tord de sagesse et de calme quand sa voix se perd entre palabres néfastes. « Cessez de vous flagellez de la sorte, ma douce, ce spectacle m’est insupportable. » Elle ne rétorque rien, perdu par les paroles d’un époux qu’elle sait sage et raisonnable. D’un époux qu’elle sait irréprochable, de cette figure noble et droite dont elle se méfie des retords pervers. Le charme opère, le vice s’imprime. « Par deux fois, nous avons été bénis.. » Il s’approche doucement tout en gardant cette douceur infinie. « .. bien qu’hélas, il en fut finalement décidé autrement. » La voix calme tombe dans l’oubli, la réminiscence de cette perte tragique réveille en lui sentiments primitifs et perversité malsaine. Pourtant il ne gage de rien tandis qu’il ramène contre son torse.
Il se passe encore un instant. Un instant latent et l’un et l’autre gardent mutisme, l’un plongé dans un esprit retord, le regard dans le  vague. « Aedan, laisse nou.. » Elle s’interrompe quand les mains de son époux emprisonne brutalement ses bras, la ramenant face à lui. Ses yeux azurs brûlent désormais d’une fureur sombre, d’une violence primitive, animal. Sa mâchoire se contracte en un spasme et de sa haute stature, il la toiserait presque de son ascendant divin.

« Rien ne remplacera notre fille, est-ce bien clair ? Ou peut-être es tu bien trop sotte pour t’en souvenir ? »  Dans un mouvement brusque, il emprisonne son cou dans sa main calleuse et resserre doucement sa prise. « Je commence à en avoir assez de tes espoirs vains et de ta niaiserie insupportable. » Sa voix siffle et roule sous le tonnerre de sa colère. L’atmosphère oppresse ses occupants, crépite sous les sentiments mauvais de son hôte. Le béni hurle son désespoir et sa rage, se déchaîne dans une cadence burlesque et fait valser ce masque de sagesse qui incendie son démon. L’air crépite presque, il semblerait qu’il se déchire en des milliers d’éclairs. « Tu n’es rien femme, si ce n’est une catin incapable de créer la vie. » Abjecte personnage qui danse sur les cendres de son ancienne humanité. Loin des yeux du peuple, il se donne joie à libérer sa nature primitive. « Rends-toi à l’évidence : tu n’es rien et le peu que tu puisses faire, serait de garder le silence. Qu’en comprendras-tu qu’entre nous, il n’y a jamais rien eu de véritable ? Pourquoi diable cherches-tu à trouver un sens à ta misérable existence quand il n’y en a aucun ? » Sa voix se pare délicieusement de dédain tandis que sa main prend plaisir à sentir les pulsations affolées de sa tendre. Il souffle un rire désabusé et lui chuchote enfin. « Tes courbes délicieuses ne compensent hélas, pas le reste. » L’enfant terrible se joue d’une ultime perversité dans sa malice insupportable avant de relâcher sa prise.
Elle s’effondre, suffoque. Il soupire, presque de fatigue, désabusé par cet être qui gît à ses pieds et qu’il détruit par sa folie passagère.
Son regard balaie le salon avant de s'attarder sur l’horloge. « Tiens, il est déjà presque l’heure.. » Burlesque ironie quand sa voix arpente désormais le sentier de la surprise innocente.  Rajustant proprement son habit, il se détourne prestement de sa victime pour se diriger vers la sortie. Toutefois, il stoppe son élan. Daignant tout juste détourner la tête de biais, il lui enjoint. « Tu trouveras une tunique pourpre sur notre lit. Une tunique qui je suis sûr, saura mettre en valeur ta beauté délicate. Les invités n’en seront qu’émerveillés. » C’est ce sourire carnassier qui déchire son faciès, cette stature de noble qui la considère objet, cette insolence burlesque qui trahit le démon, cette sauvagerie apaisée qui le rend si mortel.


Le liquide pourpre s’agite au fond de la coupe, prise entre les doigts de l’homme bon tandis que ce dernier promène sa prunelle azurée dans la pièce. Etablis dans un large fauteuil aux allures royales, il rejette la prestance d’un monarque. La chevelure sombre danse autour d’un faciès noblement serein. Il était d’un calme troublant, d’une nervosité palpable, d’une aura brûlante.  Le salon distingué accueillait en son sein quelques individus d’où chacun arboraient des signes distinctifs, liés tantôt au symbole ancestrale de la maison, tantôt à la nation toute entière.  Des rayons traversaient courageusement l’endroit, qui n’inspirait qu’animosité fortunée et sagesse d’un autre temps. La décoration riche donnait ainsi l’impression d’être dans un lieu touché par la grâce divine, quand divaguaient dans l’air, les paroles de ces dames et messieurs. Déplorant tantôt la dureté de la guerre, regrettant tantôt les temps anciens de paix, l’endroit n’était l’incarnation que des plus candeurs écrivaines, de cet esprit de poète qui prône l’amour à la violence.
La maison Grimsrud était réputé être ainsi faite : elle était plutôt de cette flamme créée pour réchauffer les maux plutôt que d’incendier les désirs.
Mais le loup guette. Cette paisible expression caresse délicieusement ses traits. L’océan céruléen de son regard inonde l’endroit, pensées vagabondes, avant qu’il ne déverse sur cette nouvelle apparition.
Une femme, dont la chevelure ferait pâlir d’envie la plus belle des flammes. Il n’avait soudain d’yeux que pour elle, que pour cette créature. A ses yeux, elle n’était devenue qu’un blasphème vivant. Plus grave se cacher en elle un attrait qui le déroutait car elle fut à l’image de la folie humaine : bernée par une image fastueuse d’attrait mais non moins un fruit abîmé.  

Elle se tenait là, de son port de tête irrésistiblement arrogant, se donnant joie à bavarder avec un autre.  Aedan se jouait ainsi dans un mutisme malsain et l’on aurait pu pensait qu’il profitait simplement de son bon vivant si un spasme épidermique fugace n’interprétait pas le nouveau désir qui se terrait en lui. Un amour grandissant, qu’il ne saurait contrôlé et cette peur réelle que de perdre cette créature qui délaissée pourtant de lui, au profit de son seigneur bien aimé. Cette cadence de sentiment lui arrachait un sourire jaune, cynique et grassement las. Il était un homme de sentiments, d’émotions alors pourquoi diable, le père divin l’aurait-il affublé des plus mauvais ? Non, il ne l’était pas. La candeur d’une paix prochaine l’avait instamment transformé, persuadé que dans la plus belle des intentions, il subsistait toujours une malice déplacée. Cette femme dont il ne connaissait ni le nom, ni le faciès jusqu’à ce que ses yeux ne l’abusent de quelques sortilèges, savoir réveiller  en lui ce tourbillon burlesque.
L’homme faible, épris d’amour et de paix.
Son regard se détourne subitement, comme si l’animal eut flairé un danger. Delinda n’était non loin, isolé sur la terrasse. Belle épouse désabusée par sa propre vie, faste et chancelante. Elle profitait paisiblement  du paysage somptueux depuis son perchoir. Le loup semble guettait les dangers de ses propres pulsions quand il décrit les moindres courbes de cette charmante inconnue. Ses pensées viriles vagabondent si bien qu’il ne s’aperçoit pas que l’on s’approche de lui. « Belle réception, comme toujours ! » Sa vision divine est obstruée soudainement par un nouvel être, dont la grâce n’a d’égal que le néant. Vêtue richement, les pommettes rougies par l’ivresse, il était plus brave qu’agile. Arborant son plus bel apparat d’hôte, Aedan lui offrit le regard bienveillant et le sourire amusé. « Pour mes hôtes, je ne peux que faire montre de ma plus grande diligence, Sven. » Il esquisse une légère révérence de la tête avant de relever son verre comme s’il s’apprêtait à porter hommage à ce dernier. « Et puis, rien de mieux que cela pour mettre fin à toute belligérance, n’est-ce pas ? »  Le rire forcé se mêle à l’hilarité grasse de son hôte. La bienséance est un jeu, la nuance un art. L’enfant profite de l’inattention de son hôte pour se permettre un nouveau regard vers sa déesse enflammée.   D’ailleurs, son regard se perd si bien, entre méfiance insoupçonnée et désirs ardents qu’il n’écoute plus son hôte lui compter ses dernières aventures.
Loin est celui qui n’obéit  qu’à ses désirs, celui qui pour la première fois, semble se soumettre à l’aura d’une femme. « ..Qu’en dis-tu ? » Extirpé de sa rêverie, il retombe brusquement sur le plancher de la réalité. Sven semblait attendre une réponse, l’expression de sa sage pensée et de son esprit stratège. Il était coutume de débattre sur le tout comme le rien et spécialement lors de rencontres organisées par la maison Grimsrud. L’art de la parole est plus délicat encore que l’entrechoquement des épées et c’est cet exercice de l’esprit qui ravissait l’homme. Mais l’enfant n’était pas là et il n’eut point de mots à rétorquer face à l’interrogation de son compagnon.
Il fut davantage décontenancé lorsqu’il s’aperçut que la princesse venait de se volatiliser. Malheur. Sa chevelure flamboyante n’illuminait plus l’endroit comme jadis. Dans un élan soudain, il avala alors d’une traite la dernière gorgée de sa coupe, laissant des lèvres rougies par le liquide divin.  « Mon cher ami, il faudra m’excuser et remettre à plus tard notre passionnante entrevue. » Un sourire esquissé sans rencontre de regard, une voix assuré sans grand intérêt porté à son compagnon et le voilà déjà qu’il s’effaçait de l’endroit, à la recherche de celle qui hantait désormais ses rêves.