Le cachot. Après plusieurs jours de captivité, la nymphe ne craint plus cette pièce sombre et humide dans laquelle elle est retenue contre son gré. Privée de ses repères, basculant d'un enfer à un autre, poupée qui n'a de cesse espérer toute sa vie une vie meilleure, un univers différent. Un endroit où le bonheur est roi et non pas, ou presque, inatteignable. Les vibrations qu'entraîne chaque molécule d'eau destinée à l'apaiser ne lui suffisent pas pour oublier. Effacer. Une encre indélébile nichée dans sa tête, toujours fraîche, qui la hante. Elle la revoit, elle, habillée d'une couronne de pacotille sur la tête, et des propos qui tournent au ralenti, presque inaudibles. Tout de suite elle se sent étrangère à cette assemblée réunie pour l'occasion. Un instinct qu'elle choisit d'ignorer avant de comprendre que ce bout de papier n'a rien d'un discours encourageant. Elle a retenu chaque syllabe, les mains qui l'ont ensuite saisi, et le visage de son frère dans la foule. Elle n'a compris qu'une fois écartée de la foule ce qui allait advenir d'elle et il n'a jamais été question de tenter quoi que ce soit en chemin pour retarder l'inévitable. Rester digne est tout ce qui lui importait, une sirène sans écailles n'est pas une sirène. La tête haute, elle tente de faire bonne figure tout en comptant les jours, alors qu'elle sait sa fin proche. Une vie certes courte pour celle qui a rêvé longtemps d'aventures, non pas peu fière d'aller jusqu'au bout de ses convictions. Elle a joué, elle a perdu. Le temps n'est pas aux regrets, estimant avoir avancé ses pions comme elle le désirait. Esprit trop libre certainement, dérangeant pour certains. Assise sur son couchage, elle pense à Hyppolite, aux gens qui se délectent de sa position plus que précaire maintenant qu'elle est déclarée ennemie de la nation. Elle les maudit tous. Tous des hypocrites. Elle a beau se complaire de ce qui l'attend, ses nuits restent agitées. Des flashs de sa mère qui lui tourne le dos, puis de toute sa famille réunie qui reproduit le même geste, la faisant sentir misérable. Un sentiment d'abandon qui réapparaît après tant d'années, causé par le manque d'amour maternel. Elle pleure l'évidence qu'elle ne reverrait plus jamais sa famille mais ne se sent pas pour autant coupable de leur disgrâce. Le bonheur étant inexistant chez les siens depuis que l'argent et l'ambition accaparent toute leur attention. Derrière une vie régentée et leurs dorures se cache une coquille vide, carcasse empreinte de solitude et de tristesse. Des sentiments qui paradoxalement la gardent en vie, la Helleros n'ayant plus goût à rien depuis bien des mois. De nouveau elle attend, le jour où elle arrêterait de respirer elle serait heureuse de pouvoir partir et quitter cette solitude qui l'accompagne sans cesse. Perdue dans ses pensées, Meeri ne remarque pas l'ombre qui perturbe la clarté des marches descendant vers sa cellule. Puis un bruit léger survient, qui lui signale qu'elle n'est plus seule. Cependant la sirène ne daigne pas relever la tête pour lever l’énigme sur l'identité de son visiteur.

Poignard métaphysique. Plaie fictive taillant son myocarde en limbes, partie d’un organe atrophié par les révélations de sa reine. Imbroglio décadent, remise en question d’une existence, étude approfondie de chaque connaissance pour ne plus demeurer cette enfant perdue dans une ignorance totale. Loyauté offerte sans contrat, loyauté détruite par les jeux de pouvoir, peine implosant pour ne causer que désespoir dans son esprit. Conversation stérile parsemant son quotidien des derniers jours, poupée décidant de confronter la situation. Confrontation sonnant tel l’ultimatum d’une amitié si longue. Myocarde pathétique. Organe incapable de connaître l’issue de cette rencontre, incapable de s’offrir le luxe de tirer des hypothèses sur leur futur. Désir ardent de pouvoir comprendre les complots et autre. Meeri. Amie. Plus maintenant. Traîtresse. Évidence acculée par la reine. Était-elle coupable de souffrance du peuple ? Avait-elle à se reprocher le moindre abus de pouvoir ? Élévation éclair au sein de la hiérarchie du royaume de l’eau, fluidité de l’enfant se glissant dans chaque conversation. Souvenir obsolète d’un temps où les sourires ponctuaient chaque seconde de son quotidien. Lippes renfrognées pour n’exprimer qu’une paranoïa cachée de la prochaine attaque. Paix à jamais consumée à Ivodoratzi. Sérénité perdue aux mains de mécréants, meurtriers lui dérobant cette vie si importante à son coeur. Iris émeraudes diluées dans les pupilles noires, crachats des flammes de la torche du garde. Révulsion de l’estomac, peur incapable de quitter les recoins de son esprit. Songes se transformant chaque nuit en intempéries cauchemardesques. Scène révoltante ne devenant qu’une boucle récurrente du royaume des ténèbres. — Why ? Barrière silencieuse implosant sous l’unique syllabe. Trahison si récente encore, peur tacite d’entendre les plaintes de son amie. Enfant si pathétique. Elle n’était qu’incapable devant cette vision si horrible de sa propre amie enfermée pour des jeux si stupides. Pouvoir, vecteur d’avarice sur l’esprit humain. Toujours un homme pour le désirait, toujours un mouvement pour tenter son appropriation, toujours une guerre, toujours du sang versé, toujours des innocents perdant la vie dans un jeu les dépassant largement. Cruelle réalité dans laquelle l’enfant avait toujours vécu, isolée depuis toujours de ces phénomènes par sa propre famille. Maxan. Garde du corps d’un esprit utopique. Il n’était que trop faible à présent pour la préserver des malheurs, trop absent pour lui éviter de détourner la tête devant le sang. Incapable d’oublier son propre crime à greenstall, homme jurant l’allégeance à ses ennemis, obstacle qui ne méritait pas une fin si sanglante. Plaies jonchant l’épiderme laiteux, limbes de tissus couvrant les parties endommagées de son enveloppe charnelle, un poignard à porté de main à chaque fois qu’elle s’en allait dans le pays des songes, peur jonchant l’irréel et le réel. — Why did you do it Meeri ? Réponse effrayante, possibilités infinies pour l’enfant qui n’avait été qu’aveugle avant le fameux discours de sa reine. Garde proche, barrière d’acier séparant les deux amies. Terme obsolète ou encore de rigueur ? Conversation qui n’annonçait que le début de la fin.