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la mine est déconfite, les cheveux sont rebelles et la robe est tachée. l’élégance lui fait défaut depuis toujours. une enfant sauvage, toujours échevelée et prête à courir partout pour de nouvelles aventures. rien ne semble pouvoir sustenter son coeur rempli de rêves fous. son imagination ne connaît pas de limites alors qu’on n’a de cesse de vouloir lui imposer des milliers de règles. il faut être à l’image des grandes personnes, se fondre dans le moule et tout faire comme eux pour être accepté et bien vu des autres. le monde des adultes guindés ne la satisfait pas. elle n’a aucune hâte d’y appartenir. elle abjure leurs dictats. « nehina, tiens-toi droite s’il te plaît ». elle brûle d’envie d’hurler que non elle ne compte pas plier et adopter l’attitude rangée qu’on exige d’elle, mais son interlocuteur n’est pas n’importe qui. peut-être la seule pour laquelle elle consent à faire quelques efforts hypocritement disciplinés. sa mère: ornella k’han. une femme qui a toute sa place dans la société à laquelle la gamine ne veut pas appartenir. parce que sa génitrice est élégante, parle quand c’est nécessaire, sait ce qu’elle doit faire pour rayonner. elle essaie d’inculquer les mêmes valeurs à sa progéniture depuis qu’elle est en âge de parler et de comprendre mais se heurte de manière quasi permanente à un mur d’une solidité impressionnante pour une si jeune enfant. « pourquoi tu refuses toujours obstinément d’obéir ? ». nehina redresse le menton très légèrement. ses traits sont fermés. elle ne veut pas être ici. elle n’a aucune envie de cet avenir qui se dessine devant elle: être l’échanson des plus nobles d’entre eux. alors ce n’est pas un simple refus d’obtempérer qui dicte son rejet de la  discipline mais bien quelque-chose de plus profond. elle a déjà compris que même si l’on prétend le contraire elle ne sera jamais rien de plus qu’un insecte dans cette société. un insecte doté de grandes capacités, mais néanmoins un insecte. il est très facile de faire taire à jamais une mouche qui nous embête. alors pourquoi perdre du temps à faire semblant ?
ornella passe doucement un peigne dans les cheveux de sa fille qu’elle a toujours du mal à faire plier. comme s'ils étaient directement liés au cerveau de l'enfant. elle soupire à intervalles réguliers. il faut dire qu’en bougeant toutes les cinq minutes et en refusant de se redresser complètement elle ne l’aide pas beaucoup. la petite fille observe les quelques rubans disposés devant elle. une grimace de dégoût vient déformer son air jusque-là impassible. elle n’a aucune envie qu’on accroche ces accessoires ridicules dans ses cheveux. « pourquoi tu veux toujours m’obliger à me coiffer comme ça ? » demande-t-elle, réellement curieuse des motivations de sa mère. « parce qu’il faut faire bonne figure ma chérie. » bonne figure pour qui ? pour quoi ? nehina se le demande bien. elle baisse la tête encore un peu plus bas. ornella gagnera cette fois-ci, mais cela ne se fera pas sans difficultés. ce n’est pas qu’elle aime tenir tête à sa mère mais ça elle ne le comprendra probablement jamais. ce n’est pas elle le problème mais la manière dont elle tente quasi désespérément de la façonner à son image. chaque être est unique. et elle a toujours l’impression de la décevoir. elle voit si souvent la tristesse dans ses yeux quand elle refuse d’agir comme toutes les autres enfants de son âge. elle aimerait lui faire comprendre que bien des choses ne tournent pas rond dans ce monde et que du haut de ses dix ans elle en a déjà conscience.

MYSTERY OF LOVE

elle fait semblant de ne pas remarquer ses constantes oeillades depuis déjà vingt bonnes minutes. elle a envie d’éclater de rire. c’est presque charmant quand il fait semblant de ne pas l’observer mais qu’elle aperçoit très nettement sa fébrilité en sa présence. elle est presque tentée par l’idée de se retourner et d’aller lui parler, effrontément, comme si elle ne voyait rien de son affection pour lui. parfois elle se force un peu plus que d’habitude à faire comme si tout n’était qu’un jeu. parce que de toute manière ça ne peut pas être sérieux, ça ne peut pas être autrement ; elle n’a pas le droit. si elle tombe dans le piège il n’y aura pas de retour en arrière possible. elle ne doit surtout pas s’éprendre de lui. c’est un griffith là où elle est une k’han. son sang est plus bleu que la plus pure des saphirs quand le sien a la couleur terne et crasseuse du bronze piteux. parfois l’idée est tentante. alors que le soir elle se perd entre la réalité et les douces illusions tout lui paraît presque possible. elle s’égare dans des rêveries qui n’appartiennent qu’à elle. ou à eux deux, surement. les images défilent dans sa tête en vitesse rapide. ils se connaissent depuis toujours. ils ont quasiment grandi ensemble. il s’est mis à la regarder différemment au fil du temps. elle a tenu tête. têtue comme elle est. il a persévéré. son entêtement à ne vouloir lui prêter aucune autre attention que celle que l’on accorde d’ordinaire à un prince s’est émoussée au gré des jours. parfois elle met des heures entières à trouver le sommeil tant elle n’arrive pas à résoudre ce problème complexe. que faire ? est-il trop tard ? comment ignorer les papillons qui flottent trop souvent à la frontière fragile du conscient et de l’inconscient ? qu’arriverait-il si ces idées saugrenues se détachaient pour un fugace moment du monde des rêves pour prendre le pas sur la réalité ? elle est assise dans l’herbe. elle avait envie de rire deux minutes plus tôt, mais maintenant ses poings sont serrés. sa tête reposant sur ses genoux, elle s’oblige désormais à ne pas le regarder. surement l’observe-t-il encore mais elle préfère ne pas y penser. elle se force à ignorer. la frontière est si mince que la peur lui mord le coeur plus qu’une éventuelle excitation. l’inconnu et l’inattendu qui d’ordinaire la motivent à outrepasser ses limites la paralysent aujourd’hui. ou peut-être est-ce parce que l’inattendu se dissipe un peu plus à chaque instant. adonis et nehina, combien de temps passé à nier l’évidence ? elle s’exhorte à ne pas le regarder mais ne résiste que pendant quelques minutes. alors qu’elle tourne furtivement la tête pour lui jeter un coup d’oeil qui se veut innocent il lui sourit. et la terre bascule, un gouffre s’ouvre sous ses pieds et l’engloutit avec toute la violence que seul l’amour maîtrise si bien. la certitude grimpe le long de son coeur comme une plante rampante qu’on n’arrive pas à maîtriser. tout est perdu et elle avec ; puisqu’elle l’aime. et rien ne sera jamais plus comme avant. il a gagné la bataille à force d’efforts répétés et elle se voit déjà céder entre ses bras. échec et mat.

LET YOU DOWN

la haine lui dévore le coeur à tel point qu’elle a l’impression qu’elle s’épanche au delà, grignotant la moindre de ses terminaisons nerveuses et même sa peau. comment a-t-il pu ? non, comment a-t-elle pu, être aussi naïve, pendant si longtemps ? son poing vient s’écraser contre le mur dans une violence qu’elle ne se connaît pas. les phalanges craquent. l'épiderme rougit. un nouveau sanglot vient secouer l'intégralité de son corps. de son coeur en lambeaux. elle aurait préféré passer sous un cheval. la douleur aurait sans doute été moins vive que celle de la trahison. elle croyait en son amour, à la sincérité de chacun de ses mots, à leurs rêves éhontément fous. elle s'était finalement autorisé à croire après toute cette résistance. elle s'était perdue avec délice. désormais elle regrette tout. elle regrette de lui avoir un jour adressé la parole, d’être née dans une famille si proche de la sienne, d’avoir quasiment grandi à ses côtés. elle voudrait pouvoir effacer tous les souvenirs n’ayant de cesse de venir l’enfoncer un peu plus en un claquement de doigts. mais il est toujours dans un coin de sa tête à la narguer. son cerveau est rempli de morceaux d’eux et il n'y a aucune manière d'y échapper. elle pourrait simplement décider de passer outre et essayer de se reconstruire progressivement, mais elle n’est pas comme ça, ça ne fait pas partie de ses valeurs. la tromperie et la trahison sont au sommet du panthéon des péchés humains. en les commettant il les condamnait un peu plus chaque jour. et le pire c’est qu’elle ne se doutait de rien. elle s’endormait sereine et amoureuse chaque soir. heureuse puisqu'il savait la rassurer lorsqu'il lui murmurait que tout irait bien. alors qu’elle aurait du le savoir. il était un prince, évidemment que son devoir l’appelait à des sphères plus hautes. évidemment qu’il devait être courtisé par tout le monde tout le temps. pourquoi l’amour l’avait-il aveuglée autant et si longtemps ? si elle s’en était rendue compte plus tôt cela lui aurait évité de perdre tout ce temps à s’attacher encore plus. et toute dignité au passage. elle ne se serait même jamais donnée à lui. passer après toutes les autres ? c’est révoltant, écoeurant. en y réfléchissant cela lui donne  l’impression d’être le dernier palier de difficulté d’un jeu malsain. elle aurait du refuser pour toujours, tout arrêter, même s’enfuir. mais elle avait cédé aux étreintes, aux caresses et aux baisers électrisants. comme les autres finalement. le dégoût lui serre le coeur plus que l’amour déchu. c’est son visage qu’elle voudrait abimer. et sa langue qu’elle voudrait pouvoir arracher. les objets de la discorde: son charisme et son physique avantageux. enfermée dans sa chambre depuis près de deux heures déjà, elle ne voit plus grand-chose à travers les larmes qui s’obstinent à couler. pourtant on avait tenté de la prévenir. l’amour que l’on peut porter aux puissants se solde rarement par une victoire. ils ont dit que ça la rendrait plus forte mais ce soir elle veut disparaître.

THE UGLY DUCKLING

gunnar est furieux. depuis trois jours elle essaie de ne pas le croiser et dès qu’elle voit son ombre elle court se cacher dans un coin. elle agit comme une enfant, mais il faut dire qu’elle a beau adorer son grand frère: il peut être très intimidant lorsqu’il se met en colère. et ça n’a pas raté quand elle n’a pas su lui mentir. il faut dire qu’il a toujours su lire en elle comme dans un livre ouvert. alors lorsqu’il lui a demandé ce qu'elle comptait faire suite au couronnement de thomas et qu'elle a rétorqué qu'elle allait surement rester car il lui était inconcevable de suivre ce traitre infâme d'adonis, il n’a pas pu s’empêcher de commencer à déblatérer une salve de reproches. nehina sait bien qu’il agit comme ça en pensant la protéger, mais elle ne le ressent pas ainsi. elle aimerait tant qu’il lui laisse faire ses propres expériences sans s’inquiéter autant. et elle ne supporte pas qu’il prenne aussi peu de gants pour lui expliquer en long et en large que tout ce que représentait sa relation avec adonis était de toute manière l’embryon d’un échec et ce dès le départ, qu'il faut qu'elle grandisse et qu'elle réalise qu'il est la seule bonne option pour que le royaume prospère désormais. il a surement raison. son jugement à elle est biaisé. elle le sait bien au fond d’elle même si elle ne l’avouera à personne par excès de fierté. elle brûle d’envie de croire qu'elle prend la bonne décision mais elle ne devrait pas. et son frère entre tous le sait. ils ont toujours été proches et il l’a toujours protégée du mieux qu’il pouvait. sans doute est-il effrayé de ne plus pouvoir le faire exactement comme avant. nehina a grandi, elle s’est affirmée, elle revendique plus d’indépendance et de liberté. il n’est sans doute pas facile d’accepter que la période de l’enfance est passée. mais la voilà terrorisée à l’idée que ce genre de dissensions apparemment bénignes puissent provoquer une cassure irrémédiable dans de ce lien pourtant si précieux pour chacun d’entre eux. elle fuit comme une petite fille jouant à cache-cache, elle préfère balayer le problème d'un revers de la main alors qu’en coulisse tout est beaucoup plus triste. elle ne veut pas avouer qu’elle se leurre et pourtant elle voudrait courir se jeter dans les bras de son frère pour lui dire à quel point elle a peur. elle voudrait qu’il la rassure sans lui parler du reste, du futur. de choses de grands. plus une enfant sans pourtant être une adulte totalement, elle n’a de cesse de se chercher. elle aurait voulu que les choses se déroulent autrement. adonis a toujours été son roi de coeur. mais la voilà décidée à quitter le reste de sa famille pour ne pas trahir les valeurs qui sont et resteront les siennes. la trahison ne mérite pas le pardon. « nehina ! » c’est la voix de gunnar. il l’appelle et son ton sous-entend qu’il faut qu’ils aient une discussion. elle pourrait agir de manière responsable et s’en aller trouver son ainé avec maturité et résignation. au lieu de cela elle se dissimule derrière un mur avec la rapidité de l’éclair et attend sagement qu’il passe. il continue de l’appeler et elle s’en veut instantanément de lui imposer toutes ces inquiétudes. « désolée... » elle murmure. pour lui, pour elle-même, pour tous ceux qui ont un jour cru en elle.

SO LONG AND GOODNIGHT

TRAITRE. c’est la marque qu’il portera à jamais gravée dans sa chaire. maintenant c’est elle la traitresse pour ceux qui l’aiment et le suivent. elle n’a pas réfléchi. il s’agissait juste de lui faire payer pour toute la douleur. tout se paye en effet dans la vie, même pour les rois de pacotille. la lame éclaboussée de son sang restera ainsi pour toujours. par commémoration, pour se souvenir qu’elle a pu se venger. qu’elle a pu contempler la douleur sur ses traits pour pallier à sa propre souffrance. mais maintenant elle ne sait plus vraiment quoi faire ni où aller. perdue entre les deux camps qui déchirent sa nation adorée. sans doute leur famille est-elle encore plus éparpillée que la sienne. d’un côté il y a le risque que son mutantisme lui attire les foudres royales, l’emprisonnement voir même la mort, et de l’autre il y a le traitre. choisir entre la peste et le choléra, elle n’en est pas capable. alors elle s’est mise à marcher, à arpenter le pays. devenue vagabonde, elle se terre et espère que tout le monde finira par l’oublier. elle enchaine les diverses besognes qui durent rarement plus d’une semaine. la voilà plus polyvalente que jamais, mais bien loin de là où elle devrait se trouver. sa famille lui manque cruellement. mais elle a choisi cette destinée de paria à la minute où elle a décidé qu’elle ferait tout pour obtenir si ce n’est réparation au mois vengeance. elle était certaine que cette décision la conduirait à emprunter des voies qui l’éloigneraient de tous. mais elle n’a jamais voulu que ce soit pour toujours. désormais elle a peur que ce soit le cas. que tout soit irrémédiable. peut-être qu’une certaine fatalité reposant comme une chape de plomb sur ses épaules met au travers de sa route des obstacles la conduisant à la chute à la fin de chaque bonne expérience ou victoire. ce fut le cas alors qu’elle était amoureuse. cela pourrait encore se vérifier. ce soir elle dort seule dans le froid, encore une fois. ses doigts fébriles sur un couteau s’amusent à tailler dans un morceau de bois des formes fantastiques. elle s’applique pour ne pas penser au reste. elle a froid. c’est une sensation physique mais aussi interne. c’est son coeur qui se meurt de cette accumulation d’évènements. que ne donnerait-elle pas pour simplement retourner en arrière et ne pas commettre les erreurs. elle est après tout en partie responsable de son malheur.