Je pars aujourd'hui rejoindre mon frère à Greenstall. Je serais de retour dans la soirée et j'aimerais te voir afin qu'on discute. J'ai tant de choses à te dire, à te confier.

Tu me manques,

Ariane.

Elle observe les quelques lignes écrites avec soin par l’une de ses amies les plus chères. Elle les laisse glisser sous ses pupilles en tentant de prendre la mesure de chaque mot délivré. Le ventre se serre, la peur de ne pas revoir un être aimé, mais elle a confiance Khora. Elle sait les liens familiaux entre les membres de la fratrie Griffith et elle espère qu’Adonis sera en mesure de laisser sa sœur repartir comme elle est venue. Un soupire traverse ses lèvres alors qu’elle termine la lettre, toi aussi tu me manques. Elle regarde l’heure, avise le temps nécessaire et se relève pour se préparer. Il y a bien longtemps qu’elles ne se sont pas revues et Ariane ne sait même pas que la belle mêlée porte la vie en son sein. Un sourire passe sur ses lèvres à l’idée de lui annoncer, si tant est qu’elles se retrouvent effectivement. L’air maussade, triste, reprend son chemin sur le visage de la blonde et un nouveau soupire se fait entendre alors qu’elle quitte son bureau de fortune. Quelques pas plus loin, elle trouve un protecteur à qui elle fait signe de la rejoindre alors qu’elle continue d’avancer vers sa petite maisonnée de pierre. Fais prévenir Echo que je vais devoir m’absenter s’il te plait. Dis lui que je vais trouver Ariane à Biogheriha, je ne rentrerai que demain. Il acquiesce d’un hochement de tête avant de repartir en lui souhaitant bonne route. Le regard de la mêlée glisse sur les murs de Nytthus et ses habitants, l’espoir se lit sur son visage, l’espoir mélangé à la peur de les perdre tous. Elle chasse les pensées pour se concentrer sur son but de la journée, retrouver Ariane Griffith. Alors elle se hâte pour se préparer au voyage, quelques heures, mais lorsque son ventre s’arrondie et que les frontières ont été longuement protégées, le périple s’avère long et fastidieux.

Les heures passent et Khora arrive enfin aux portes de Biogheriha. Elle observe les environs, vu l’heure, Ariane ne devrait plus tarder, elle cherche au loin les silhouettes d’une procession qui indiquerait sa présence, mais elle ne trouve rien. Elle entre finalement dans la ville, flânant dans les rues marchandes jusqu’à la citadelle, achetant quelques fruits et légumes frais au passage. Aux portes de la demeure des Wheatdrop, elle attend. Jamais elle n’entrera, pas même en attendant une Reine. Le dos contre le mur de l’entrée, elle s’octroie un petit moment de répit. Les yeux fermés, elle laisse ses sens la guider aux odeurs des plantes hivernales et les sons des petits animaux bravant le froid. Emmitouflée dans des vêtements chauds mais ajourés par bien des déchirures, elle grelotte. La saison n’est pas aussi mordante que dans les hauteurs d’Aerinstin, mais le léger vent venant s’engouffrer sous les couches de tissus ne font aucun bien. Elle rouvre les yeux en entendant de l’agitation et découvre plus loin l’arrivée d’Ariane. En tout cas, qu’elle suppose. La mêlée se redresse, tente de se donner meilleure allure, mais c’est peine perdue. Découvrant la silhouette de son amie, Khora se hâte pour la retrouver. Elle ne fait attention à personne, pas même aux gardes de la Reine Griffith qui lui demandent de ne pas approcher et elle se jette sur Ariane pour l’enserrer avec la plus grande satisfaction. ─ Tu m’as manqué. qu’elle glisse à son oreille avant de relâcher son étreinte. Le sourire aux lèvres, elle est visiblement heureuse que la maître soit revenue entière de son périple. ─ Tout s’est bien passé ? Elle ne veut plus attendre, veut savoir comment l’autre se porte, parce que oui… Elle était inquiète.

Elle la retrouve, la princesse, la reine, la seule qui a son réel intérêt, son amitié profonde et sincère. Elle ne pensait pas, la mêlée, devenir aussi proche de maîtres, encore moins lorsqu’il s’agit d’une enfant de la noblesse, qui a bercé dans l’apprentissage que chaque sang a sa place. Mais Ariane est différente, elle est douce, réfléchie et d’une bonté sans pareille. C’est pour ça qu’elle l’aime, Khora, pour ça qu’elle la regarde avec la plus grande compassion et qu’elle partirait à l’autre bout du Royaume si Ariane y était. Et la bleue s’inquiète, du sort de son amie, de son état d’esprit alors que tout son monde s’écroule pierre après pierre. ─ Ca va, c’est juste… Khora. La main de la Shiroff glisse jusqu’à celle d’Ariane, exerçant une légère pression, simplement pour signifier qu’elle est là, qu’elle ne bougera pas. ─ On s’est parlé. Je lui ai dis ce que j’en pensais. C’est fini. Adonis et moi, c’est fini. Le cœur de Khora se serre, elle ne porte pas les maîtres comme ce frère dans son cœur, trop exubérants, trop en quête d’un pouvoir qui leur montera bien  vite à la tête, trop enclins à reproduire les mêmes erreurs de ceux qu’ils ont condamné, mais elle sait l’amour qu’Ariane peut porter à sa fratrie … Malgré tout. ─ Il faut s’y faire. C’est mieux pour moi, je vais pouvoir me concentrer… sur autre chose que sur ma famille. Enfin si on peut appeler ça maintenant une famille… La mêlée fixe la maître, détaille chaque parcelle de son visage pour y déceler la moindre émotion. Elle comprend le malaise, la tristesse et la colère. Elle fait fit du monde qui les entoure, parce qu’elle est là pour elle, pour Ariane Griffith, sa reine à elle. ─ Entre celui qui renie son propre sang et l’autre qui s’acharne à tuer des mutants dans l’espoir d’avoir une reconnaissance de je-ne-sais-quel-dieu. Khora soupire, elle ne peut malheureusement rien faire pour eux, ces condamnés à la folie qu’offre leur position. Alors elle resserre l’étreinte sur les doigts tremblants de la maître de la terre, parce qu’en dehors de la soutenir, d’être là pour elle, il n’y a rien qu’elle puisse entamer qui aiderait en quoi que ce soit. Au moins elle peut protéger les mutants que son autre frère souhaite voir périr, c’est une victoire minime, mais importante. ─ Et toi, tu vas bien ? Ca fait si longtemps. Elle sourit tendrement. Elle n’a pas envie de parler d’elle, pas maintenant. Oh, suis-moi, on va rentrer, il commence à faire froid. Emportée par la brune, elle n’a d’autre choix que la rejoindre jusqu’à la demeure des Wheatdrop. Elle ne pensait pas pénétrer la citadelle, pas dans cette situation, pas alors que l’on sait qui elle est. Esfir, oui, mais pas Khora. Alors elle observe les environs avec la plus grande attention, le bras enroulé autour de la hanche d’Ariane qui s’est blottie contre elle. Elle dépose sa tête sur celle de son amie avec un sourire au creux des lèvres. Les portes s’ouvrent sur les deux femmes et la chaleur des lieux vient prendre possession des corps refroidis par l’hiver. Khora retire son manteau laissant montrer son ventre légèrement arrondi sur lequel elle vient délicatement placer sa main. Trois mois déjà, trois mois qu’elle porte en son être le fruit de la vie, l’avenir d’un homme qui a perdu la vie bien trop tôt. Aaron aurait été fier de voir Ariane aujourd’hui, la tête haute et l’allure forte malgré le coût de la vie. La main qui vient chercher à nouveau celle de la Griffith, elle se rapproche avant d’être emmenée dans une autre pièce, à l’écart, où elles pourront discuter sans être dérangées. Elle n’a toujours pas parlé Khora, parce qu’elle hésite. Elle ne sait pas quoi lui dire, ni comment. Leur dernière entrevue n’était pas des plus joyeuses, mais il y a en Ariane une douceur que la Shiroff ne peut négliger. Alors elle s’installe dans un des fauteuils cossus, la peur de salir le mobilier vissée au visage, elle ne se sent pas à sa place et ça se voit. Mais peu importe, elle n’est pas là pour ça. ─ Ariane. Elle rompt le silence de la pièce alors qu’on apporte des verres d’eau et de jus de fruits. ─ Merci. qu’elle adresse à l’esclave avec une moue triste au visage. Elle ne supporte pas de voir cette condition, mais elle ne peut rien, pas maintenant. ─ Dis-moi ce qu’il s’est passé, à Greenstall. J’ai appris que Thomas… ton père, avait été tué par Adonis et qu’il était devenu roi d’Eartanera maintenant. Mais ça signifie quoi pour toi ? Elle s’avance sur son siège pour déposer sa main sur la cuisse d’Ariane. Est-ce que tu es en sécurité ici ? Elle s’inquiète, encore. Tu peux venir à Nytthus si tu le souhaites. Son regard glisse sur la pièce et ses parures. Ce ne sera pas du tout comme ici. ajoute-t-elle d’un rire discret. Mais ce sera toujours mieux que d’avoir ta tête sur un pic.

─ Je sais bien que tu feras ce qu’il faut, ne t’en fais pas. Le sujet n’est pas au sort des esclaves qui seront traités avec égard par la Reine de la Terre, parce qu’elle s’inquiète Khora, pour l’amie, la plus tendre. Elle s’inquiète pour sa sécurité, elle veut protéger, encore, sans penser à elle, toujours en pensant à d’autres. Elle ne sait pas faire autrement la mêlée, alors elle continue le cycle qui l’a mené à bien des tourments. Qui la mènera probablement à sa perte. Elle la laisse alors s’épancher sur les maux, sur un père qu’elle ne regrette pas. La Shiroff ne dit rien, mais elle comprend, plus qu’Ariane ne peut imaginer. La perte d’un père qu’on a découvert trop sombre, qu’on a découvert différent du rôle qu’il aurait dû avoir. Cette perte qui rend triste mais qui vient caresser d’une main tendre pour dire que tout ira mieux. Le regard figé sur le visage mélancolique d’Ariane, elle laisse ses doigts glisser jusqu’à la main de l’autre, pour lui apporter un soutien sans avoir besoin de dire quoi que ce soit. Un temps passe et Khora pose les questions qu’elle ne peut s’empêcher d’avoir en tête. ─ Est-ce que tu es en sécurité ici ? Elle sait qu’elle le sera inévitablement d’avantage qu’à Nytthus, mais les offres de la trouver au près d’elle sont obligatoires et la mêlée continue de pêcher par une trop grande empathie. ─ Quand est-ce que tu arrêteras de t’inquiéter pour moi ? Ma tête sur un pic, et puis quoi encore ? Elle sourit, rirait presque si les temps n’étaient pas si graves.

La blonde tend la main pour récupérer son verre et siroter une gorgée de jus de fruits frais. Un délice auquel elle n’a pas l’occasion de goûter régulièrement. Seulement quelques fois, parce qu’Ariane l’en avais autorisé, et chaque fois le plaisir est immense. Une expression de contentement se dessine sur son visage alors que son amie l’interrompt. Elle reste pendue à ses lèvres, attendant la sentence. ─ Confesse tous tes crimes. Tu as un peu forcé sur le fromage ces derniers temps, hm ? Un rire éclate dans la pièce, celui de Khora, une éternité qu’elle ne s’était pas laissée emporter ainsi. Enfin, je n’ai pas dis que tu avais grossi, j’ai simplement constaté que tu m’avais l’air un peu plus bouffi que d’habitude… La blonde dépose sa main sur son ventre légèrement arrondi, un secret précieusement gardé, qu’elle comptait bien évidemment dévoiler à la Griffith, quand le moment serait venu. ─ Je m’impatiente Khora. Le ton ferme d’Ariane étire ses lippes de plus bel. ─ Aucun fromage dans cette histoire. La dernière fois que j’ai pu en manger, ça devait être au mariage impérial. Un souvenir douloureux qui, bien que teinté d’une note agréable, anime les traits de Khora d’une lourde tristesse. L’amertume de tout ce que cet événement a pu apporter, y compris la plus belle nouvelle. Elle voudrait annoncer le plus beau moment de sa vie avec la joie, mais elle n’empreinte qu’un chemin pavé de douleur. Elle ne pleure pas, n’a pas même de larmes, mais la tristesse se lit sans nul doute dans le regard qu’elle pose sur la brune face à elle. ─ Je suis enceinte. qu’elle délivre avec un semblant de sourire. C’est l’enfant d’Aaron. qu’elle ajoute sans s’épancher sur les détails.