Debout, les mains jointes contre son abdomen, la reine fait les cent pas. Sa robe rouge en cuir frotte le sol poussiéreux à mesure qu'elle parcourt le maigre espace. D'ici quelques instants, le reste des dirigeants allait arriver et elle ne devait pas laisser apparaître l'inquiétude qui la rongeait depuis des semaines. Les stigmates de la fatigue tapissaient son visage, malgré les couches de poudre qui lui avaient été mises par ses dames de compagnie. Son air fermé n'arrangeait en rien son allure austère. La gamine, qui d'ordinaire gratifiait chacun d'un sourire solaire, semblait avoir disparu en même temps qu'Adonis. Son cœur se serre alors qu'elle se décide de nouveau à aller lire certains parchemins, ceux tapissés du parfum d'Hissa. Ses iris noisettes glissent sur le papier alors qu'elle déglutit. Adonis est en vie. Abîmé, mais en vie. C'était ce que la fille de la terre lui avait dit dans cet échange épistolaire hautement risqué. Pour elle, pour lui, pour eux. Elle froisse les parchemins, la gorge serrée avant de les ranger là où ils se trouvaient initialement. Elle n'avait pu se résoudre à les faire brûler,il s'agissait là de l'unique chose la rattachant encore à l'espoir qui n'avait pas (encore) disparu. Un soupir glisse sur ses lèvres alors qu'elle pose sa main sur le trône de fortune qu'on lui avait apporté. Mais elle n'en voulait pas, pas sans lui. Le poids de sa couronne se fait alors sentir un peu plus sur le sommet de son crâne. Qu'est-elle supposée faire s'il venait à mourir ? Régner sur Eartanera ? Se rendre à Thomas ? S'exiler quelque part et protéger ses enfants à naître ? Elle n'en sait rien, parce qu'elle n'a jamais été préparée à cette éventualité là. Il faut dire que tout était allé si vite, qu'elle n'avait pas eu le temps de préparer quoi que ce soit. Ses iris passent du siège royal à son ventre, où se trouvait une armure que Cedraella lui avait trouvé, spécialement pour sa condition. – Papa sera bientôt là. Ils ne l'entendent probablement pas, mais elle s'en moquait bien. Certains croyaient en des Dieux et pensaient communiquer avec eux, alors qu'ils n'avaient jamais prouvé une quelconque présence. Et si Izolda avait décidé qu'elle parleraient à ses enfants, elle le ferait. Cela avait au moins le don de la détendre, un peu. – Votre Altesse, pardonnez moi de vous déranger, mais Sa .. Majesté, Cal Oshun est arrivé. Un léger rire, rapidement étouffé, lui traversa l'esprit. Elle ne pouvait pas en vouloir aux soldats eartaneriens de ne pas apprécié leur ancien empereur, nouveau roi de Flamaerin. La nation du feu n'était pas forcément appréciée et la présence de tous ses dirigeants, dont le blond, rendait certains nerveux. D'un geste de la main, elle l'autorise à le laisser entrer. L'estomac noué, elle s'avance vers l'entrée, face au souverain qui ne devrait plus tarder. Droite, fière, un sourire éphémère sur les lèvres. Une façade qui tient, avant de venir s'ébranler lorsque le roi pousse le tissu de l'entrée. Sans réfléchir, ni même s'en rendre réellement compte, elle fond en larme et se précipite dans les bras de Cal.

La reine, d'ordinaire si protocolaire, n'en avait rien à faire à cet instant présent. Izolda se contente d'écouter son cœur plutôt que sa raison et elle s'empresse d'enlacer Cal de ses frêles bras. Elle tremble. La poupée tremble jusqu'à se demander comment son corps ne s'est pas encore écroulé sur le sol. Les larmes perlent sur ses joues sans qu'elle n'arrive à les stopper. Elles viennent s'échouer contre le métal de l'armure sur laquelle elle a trouvé refuge. Comme si elle y  trouvait un certain réconfort depuis que la terre l'avait quitté. Le silence règne en maître alors que les deux souverains restent ainsi durant de longues secondes. Les bras du blond ont le don de réconforter la poupée, qui peut sentir son rythme cardiaque s'apaiser en même temps que sa respiration. Les larmes ont doucement cessé, mais sa douleur reste là, affligeante, éprouvante. Puis, ils finissent par se séparer l'un de l'autre et bien assez rapidement, Cal toise légèrement la gamine face à lui. Rapidement, elle efface les stigmates de ses larmes avant de se redresser fièrement, comme sa mère le lui avait appris. Elle pouvait lire dans son regard la même chose qu'il pouvait certainement lire dans le sien. Cette inquiétude qui jamais ne cesse. Cette peur qui les terrasse dès qu'un messager venait leur délivrer ce qui était peut-être l'issue funeste. Mais ils ne pouvaient pas penser à ce dénouement, cela était bien trop douloureux, et ils se devaient, tous deux, de rester concentrés afin d'élaborer les meilleures stratégies possibles. Thomas devait mourir et Adonis devait vivre. Il en était ainsi, et peu lui importait l'avis des Sept ou d'une quelconque religion. Rapidement, elle plante ses iris noisettes dans celles du roi des flammes, cherchant à être rassurée, d'une certaine manière. Parce qu'elle n'était encore qu'une enfant, Izolda. Une enfant qui portait, en elle, la vie. Une enfant face à un roi qui avait déjà tant vécu. Une gosse qui aurait dû vivre inconsciemment, profiter des bonnes choses de la vie, rire et pleurer, aimer et détester. Sa place n'était pas sur un champ de bataille après des semaines à chercher, en vain, le sommeil.
Et pourtant, la voilà, une armure la recouvrant en partie, son arc non loin de là, prête à recevoir des dirigeants venus de partout, à réunir des ennemis mortels sous le même toit. Peut-être était-elle sotte, ou même naïve. Peut-être. Mais la poupée ferait tout pour sauver son roi et sa nation d'un tyran qui a déjà bien trop sévi. Puis le silence fut rompu par les paroles du souverain. Inutile. Elle manqua d'étouffer un rire nerveux. Lui, il le savait bien que cette question était devenue futile, parce qu'il ressentait la même chose. Pourtant, Izolda allait devoir y répondre encore et encore alors que les têtes couronnées se succéderaient. – Evidemment que nous allons réussir. Thomas a déjà un pied dans la tombe. Il ignore ce qui arrive pour le faire tomber de son précieux trône. Peut-être était-elle trop prétentieuse, trop présomptueuse. Mais Izolda est une Griffith et jamais elle ne s'avouera vaincue. Elle ne peut pas, pas alors que la vie de son cousin, de son époux est en jeu. – J'espère que tous ceux qui ont apporté leur soutien viendront. Sinon tout ça n'aura servi à rien. Elle montait aussi vite qu'elle ne redescendait. La reine fait déjà les cent pas sous la tente alors qu'elle donnerait cher pour pouvoir attendre les dirigeants à l'extérieur, respirer l'air frais, mais elle est une des pièces maîtresses de cette bataille et elle ne doit pas risquer inutilement sa vie. Cedraella lui avait formellement interdit de se rendre sur le champ de bataille, ce qui avait eu le don de l'agacer. Elle portait deux enfants, elle n'était pas infirme. Mais soit, elle avait fini par accepter la décision. Elle finit par se retourner en direction de Cal. – Penses-tu que nous avons raison de combattre nos géniteurs ainsi ? De prendre ces décisions ? Izolda aimait penser qu'ils avaient le choix, alors qu'il n'en était rien. Tout était allé beaucoup trop vite depuis qu'elle avait quitté Greenstall pour Foushin et elle ignorait encore beaucoup de la politique. Pourtant, elle se plaisait dans ce rôle, sauf lorsqu'il faut faire des choix difficiles. Et la poupée craignait d'avoir à en faire un aujourd'hui. Un qu'elle ne pourrait jamais se pardonner.