L’eau paisible s’affrontant pour obtenir le regard de son interlocuteur, des brides surélevées pour ne faire qu’une sphère dont la difformité n’était plus à discuter. La violence des chutes d’un côté, l’harmonie imperturbable de l’autre. Lieu favori des maîtres de l’eau et pourtant ce sentiment de peine entourant son âme, cette fuite si précipitée, la mort de son frère. Emil, jeune Emil qui ne connaîtra jamais l’avènement de la véritable religion, pauvre âme partie rejoindre les divinités en fidèle serviteur.  Ce nom qu’elle n’oublierait jamais lorsque l’armée de pollux sera traduit en justice, un jour. Ce deuil de l’unique maison qu’elle pouvait connaître. Ils avaient tout perdu. Ils avaient tout gagné. Une maison pour une reconnaissance finale. Les véritables dieux devenant ceux d’une nation, cet espoir pacifiste emplissant sa poitrine ne pouvait s’empêcher de rugir. Ce frère aimant qui aurait pu voir la montée de la famille, celui avec qui elle avait tant rêvé des divinités. Jeux d’enfants avec l’eau des alentours, souvenirs à foison n’offrant que ténèbres à son coeur meurtri. Paix factice perdant toute illusion avec un unique pas, paix temporaire dans ce palais somptueux. Elhara connaissait que trop bien celui devenu chef de famille, cette peur ne quittant plus le spectre de ses émotions. Unique fille d’une famille trop religieuse, celle qu’on approchait pas, celle qui restait en retrait sur le plan politique. Gamine ne devenant plus qu’un pion dans des plans qui la dépassait. Un devoir familial à accomplir, unique fille pure d’une famille touchée par le virus. Virus divisant ces terres dans un temps appelant à la tolérance de l’autre. Une purge destructrice d’un Empire, divisions profondes refaisant surface pour ébranler l’édifice tangible des Oshun. Déviance des âmes sortant du droit chemin pour succomber aux viles tentations que les dieux pouvaient mettre sur leur chemin, ces âmes sans leader spirituel pour les mener vers le bien commun. C’était presque triste. Perles salées parsemant ses joues d’ivoire, cette peine incommensurable, précipice qui semblait si tentant. Plonger dans l’eau pour qu’elle lui dévore l’épiderme, les vagues l’immergeant vers un monde meilleur. Une raison plus forte que l’envie, son devoir avant ses envies. Passions subversives ne devenant plus qu’un souvenir, coeur meurtri par l’annonce du nouveau couple de la terre. Tout semblait s’effondrer, cherchant une âme capable de la combler. Amour. Terme dont elle ne connaîtrait certainement plus le sens, celui rimant avec des cheveux de jais et une maîtrise de la terre. Beauté éphémère dans une vie illusoire. La famille avant le coeur. Motto cruel de leur temps. Famille aux demandes extravagantes, jamais cela ne se serait passé de la sorte sous la tutelle de Mikael. Aller voir la reine Merle Osanos. Rien que ça. Pourquoi Anwar n’avait pas accepté de le faire lui-même ? Voulait-il envoyer celle venant de perdre son frère pour remercier la reine de son refuge ? Ne comprenait-il donc pas qu’elle avait besoin de se recueillir auprès des divinités pour s’assurer d’un passage sans encombres pour son petit-frère ? Des tissus pris aux mains des ténèbres, gamine troquant la pureté de ses couleurs pour celles du deuil. Son pendentif lui brûlait le myocarde, souvenirs jonchant le fil de ses pensées alors qu’elle déambulait dans l’immense palais. Maison qui n’était pas seine. Petite-fille souhaitant retourner chez elle, une envie de s’effondrer. Elle n’était pas seule, regardée par les gardes, impossible de laisser la tristesse envahir ses traits. Masque de fer cherchant à trouver cette équilibre alors que son coeur hurlait à la mort. Une injustice profonde et pourtant elle ne remettait point les dieux en question. Elhara ne pouvait faire que le point sur sa situation, elle était isolée, seule dans sa douleur, seule jusqu’à que son fidèle cousin lui revienne enfin. Une douceur retrouvant l’aquarelle d’ivoire de son visage, l’azur de ses iris se posant sur les gardes. Fidèles servants protégeant la reine, fidélité acquise ou à contester. Théories du complot embrumant son esprit ces derniers temps, tout semblait si étrange, l’atmosphère ou les mouvements internes à chaque nation. Vision manichéenne de ce monde, des zones de flou faisaient enfin leur apparence, il aura fallu la perte d’un être cher pour permettre cette évolution. Déchirure du myocarde rien qu’à cette simple pensée, sa vie ne devenant qu’un labyrinthe, déambulant pour trouver un sens logique à tout cela. « Je souhaite m’entretenir avec la reine, s’il vous plaît. » Confusion des gardes, identité perdue dans le retrait de la blonde de la vie politique de ce pays. Gamine qui était innocente ou au contraire monstre mortel se cachant dans l’enveloppe d’un ange ? Simple illusion qui n’était que réalité, fatiguée de combattre dans l’ombre les idées vengeresse de ce chef de famille qui n’était sien. Elhara ne souhaitait qu’effectuer ce énième devoir familial avant de se retirer pour perpétuer sa période de deuil et se préparer à la suivante. Famille ou amis, ils étaient tous sur la sélecte, le premier offensant les dieux. Le suivant, elle le connaissait déjà, il était son ami depuis des années. Bruit craquant contre le bois de la porte, son poing contre l’unique obstacle qui la séparait de Merle.