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comment cogner les nobliaux, tutoriel sponsorisé par one piece:

2139 – Le glas sonne et annonce la fin des hostilités. La guerre achevée, les nations s’unissent sous une bannière commune. Edwin ne comprend pas la paix, il n’a que dix-sept ans. Il est encore innocent.
MARS 2141 – À Seedtriun, sa mère disparaît. On dit qu’elle pourrit dans un fossé pour avoir abusé de l’alcool. On sait qu’elle a été enlevée pour remplacer les mêlés dans les laboratoires. Le lendemain, Edwin a disparu. Il a fui, il se terre à la campagne. Il emménage dans une ferme abandonnée – désertée lors de la guerre – et s’approprie les lieux. Il passe inaperçu. À Seedtriun, même les pouilleux des tavernes oublient la lignée des Ed.
AVRIL 2152 – Il s’autorise un écart et se rend à Greenstall, capitale d’Eartanera. Il s’achète des graines pour les cultures ainsi qu’une demi-douzaines de poules. Edwin croise Astoria Stark, c’est le coup de foudre. Le volcan qui explose, la terre qui s’éventre et les eaux qui se déchaînent.
10 OCTOBRE 2152 – Il épouse Astoria Stark. L’idylle dure dix ans. Il oublie l’empire et ses quatre nations troublées. Il oublie les tensions ambiantes, les disparitions de ses pairs, il oublie le monde entier. Pendant dix ans, il goûte au bonheur et il est doux et mielleux sur son palais.

Une fumée épaisse et étouffante masque l’horizon. Elle ne provient pas de l’âtre, pourtant ; elle provient de la baraque entière, léchée par des flammes, dévorée par le feu incandescent qui ne cesse de s’élever. Son havre de paix s’écroule sur lui-même, tas de bois carbonisé. Mais il s’en fout. Il remarque à peine le souffle brûlant qui lui fouette le visage alors qu’il s’approche du carnage. Il tremble, Edwin. Ses doigts s’agitent dans le vide et bientôt, la terre percute ses genoux. Ou est-ce l’inverse ? Il ne sait plus, Edwin. Il ne sait plus rien. Sa gorge se noue, incapable de laisser le moindre sanglot s’échapper de sa trachée. Son estomac se serre et le goût âpre de la bile taquine son palais. Mioche, il a assisté aux visions cauchemardesques des champs de bataille éventrés. Il a vu les gueules cassées, brisées par les masses et les haches. Il a écouté les hurlements agonisants des soldats que l’on ampute par nécessité. Mioche, il n’y a eu que de l’indifférence au fond de ses yeux. Mioche, il a encaissé toutes les horreurs du monde sans un frémissement.
Aujourd’hui, les digues de l’indolence éclatent. Un carnage s’étale sous ses yeux et il n’y croit pas. Il refuse d’y croire alors qu’il pose une main tremblante sur la peau de porcelaine d’Astoria. Elle est brûlante, mais gelée. Elle est rougie par les flammes trop proches et glacée par la mort qui l’étreint dans son mutisme définitif. Immobile, la jolie poupée. Morte, l’épouse. Envolée, la paix. « Astoria... » Qu’il murmure, qu’il appelle, qu’il sanglote, qu’il hurle.
Elle ne se réveille pas. Elle ne lui sourit pas ; c’est la surprise et l’étonnement qui déforme ses traits, les yeux éclatés, la bouche entrouverte dans un cri qui ne s’en échappera jamais. Et Edwin s’effondre pour de bon. Les sanglots étouffent les crépitements des flammes et le sel rejoint le sang dans l’herbe. Les heures s’étirent, la nuit réclame déjà ses droits et la lune est pleine.
Ce n’est plus un homme qui pleure, mais un loup qui hurle. Un loup aux yeux vides qui retire brusquement la dague enfoncée dans le coeur de sa femme assassinée. Un loup qui exige rétribution. Un loup qui ne voit pas plus loin que le bout de son museau, qui ne cherche pas d’excuse ni de raison. La bête dévore l’homme et il s’écarte déjà du carnage – déjà, qu’il croit, mais l’aube pointe le bout de son nez et les cendres ont remplacé les flammes.
Edwin l’enterre au sommet d’une colline voisine – là où elle l’observe l’observait de loin trimer dans les champs, à l’attendre avec un pique-nique sous les bras et un chapeau de paille sur le crâne. Il embrasse la terre et la supplie de protéger ses restes. D’en prendre soin et de chasser les bêtes trop curieuses. Il oublie ses propres bêtes – p’têtre qu’elles ont flambées avec la bicoque, p’têtre qu’elles ont fuies. Il oublie ses obligations. Il n’y a plus qu’un mot qui roule et qui tourne dans son crâne. Vengeance.
Vengeance envers la nation du feu. Car qui d’autre s’amuserait à jouer avec le feu ?

FÉVRIER – JUILLET 2162 – Edwin traque. Il tourne le dos à son ancienne vie et se mue en loup aux sens aiguisés. Pendant quatre ans, aucune trace de l’assassin. Pendant quatre ans, il ne glane que des informations mais ô, quelles sont juteuse. Il apprend que la lignée des Stark est de Bronze, qu’elle est de feu. Il apprend que la lignée des Stark est fidèle à l’Impératrice, qu’elle se cache sous le voile de l’anonymat.
AOÛT 2162 – Edwin apprend l’existence d’un groupuscule dissident qui croît à peine : l’armée de Pollux. Il l’intègre, persuadé qu’en plus de servir ses intérêts, elle a une chance d’ébranler l’empire. Elle a une chance de se rapprocher suffisamment de son objectif égoïste.
SEPTEMBRE 2163 – Edwin devient le leader de la fraction des recruteurs au sein de l’armée de Pollux. On le conteste.

La pluie crépite dans la boue. Ses bottes à la semelle usée glissent dans les flaques d’eau mais Edwin est toujours debout. Il frissonne, sa chemise imbibée d’eau et de sel lui rappelle qu’il n’est qu’un homme rendu fiévreux par l’automne. Une tempête agite l’océan autour de l’île d’Ivodoratzi mais rien au monde ne parvient à l’obliger de s’abriter. Pas lorsqu’un mioche à la tête brûlée projette de lui dérober son rang de leader incontesté de la fraction des recruteurs. C’est un jeunot turbulent et revêche, mais pas aussi nerveux qu’Ed le Pouilleux. « J’veux ta place. » Qu’il lui a craché à la gueule. « Et je l’aurai, ta place. » L’insolence sur la langue et dans les yeux, il a défié son aîné. Edwin a accepté le duel et voilà où ils sont : sous la pluie, les poings brandis, prêts à en découdre. Le mioche, il compte sur l’indolence et l’adaptabilité de la jeunesse pour le vaincre. Il tremblote un peu, aussi. Une brève hésitation traverse le visage du gamin. Et Edwin exhibe ses dents éclatantes dans un sourire torve et moqueur. « Tu trembles, gamin. T’es sûr que t’es prêt à commander alors que tu n’es même pas capable de diriger tes émotions ? » Les traits du jeune homme se durcissent, ses poings se serrent et l’envie farouche de vaincre crispe le coin de ses lèvres. Peut-être aurait-il dû peser le pour et le contre ; peut-être aurait-il dû hésiter plus longtemps.
Parce qu’Edwin se traîne la sagacité de l’âge et la tranquillité d’un corps huilé aux rixes dans la boue. Le gamin s’élance et exécute un crochet du droit qu’Edwin évite d’un pas le côté. Il tente de faucher les jambes du mioche mais il tient debout, le bougre, décidé à en découdre. Les coups pleuvent et la bête groupe au fond des tripes d’Ed. Peut-être devrait-il la laisser l’emporter… Peut-être qu’éteindre ses neurones endormirait pas la même occasion ses muscles fatigués. Et il le fait, Edwin. Il ne pense plus et laisse son corps prendre le dessus sur ses pensées. Il ne réfléchit plus ; les tactiques d’esquive se dessinent toutes seules dans la réalité et sa mâchoire est serrée. Le sang dégouline déjà le long de l’arcade ouverte du jeunot et lui embue la vue de sang. Ça ne l’empêche pas de se jeter toutes griffes dehors dans la tourmente et d’éclater le nez d’Edwin d’un coup de talon judicieusement placé.
Le goût âpre du sang envahit la bouche de son aîné et les étoiles dansent devant ses yeux alors qu’il ploie un genoux. Mais il ne s’écrase pas dans la bout, ô ça non ; il se redresse brusquement et un coup de coude dégomme le plexus solaire de son adversaire. Il s’apprête déjà à savourer sa victoire alors que le jeunot s’écrase dans la boue. Mais il en redemande et se redresse, une lueur farouche au fond de l’oeil. Il essuie ses sourcils maculés de sang de sa manche et reprend un instant son souffle. Edwin, lui, esquisse un autre sourire narquois. Son nez le lancine mais il n’en a cure ; ses pupilles d’acier sont fixées sur l’insolent qui ne sait pas quand s’arrêter. Et il attaque le premier, cette fois. Prêt à en finir avec cette mascarade idiote. Alors qu’il s’apprête à lui couper l’air, le gamin lui agrippe le bras. Edwin bascule dans le vide et se rattrape de justesse mais le mal est déjà fait. Un poing furieux lui dégomme les côtes et son souffle se brise. Les os se fêlent et la douleur explose et se diffuse dans ses veines aussi vite qu’une traînée de poudre que l’on allume. Il grogne, Edwin. Il grogne et laisse le loup lui dérober les commandes de son organisme.
Il ne se souvient plus trop du reste. Sa poitrine se contracte trop vite, la fièvre et les côtes fêlés anesthésient définitivement son neurone et peut-être qu’il a perdu connaissance à un moment ou à un autre. La seule chose dont il se rappelle, c’est qu’il est tombé après le gamin. La seule chose dont il se souvient, c’est la gueule bleuie du gosse et ses doigts de travers.
Le mioche, il ne conteste plus son autorité. Le respect a remplacé la fureur de lui dérober sa place. Et le respect remplace aussi la moquerie dans les yeux d’Edwin. Qui aurait cru que l’insolent parviendrait à le clouer au lit pendant deux semaines ?

NOVEMBRE 2163 – Edwin se repose pendant deux semaines suite à son altercation avec le gamin qui a contesté sa place de leader de la fraction des recruteurs. Il s’est remis d’un nez brisé – et vaguement tordu, maintenant – de deux côtes fêlées – fragilisées et mal guéries, maintenant – et de phalanges sanglantes et ouvertes jusqu’à l’os – parfaitement guéries. On ne le conteste plus.
21 JUIN 2164 – Edwin participe aux Attentats de Dragondale. En plus de semer la discorde dans les coeurs et la peur dans les tripes, le loup profite de l’occasion pour reprendre sa traque. Il rate de peu Dragnir Stark, l’homme qu’il ignore être le commanditaire de l’assassinat de sa sœur cadette, la traîtresse à son sang et à sa nation. Mais il se rapproche de plus en plus, le loup, attiré par l’odeur méphitique de la culpabilité et du sang sur les mains sales d’une noblesse de bronze qui cherche à s’élever.
JUILLET – AOÛT 2164 – Edwin échappe aux interrogatoires de justesse. Il est déjà invisible, perdu dans une foule trop dense pour qu’on s’intéresse à lui. Et il est déjà loin, Edwin. Il retourne au fief de l'armée de Pollux.
10 SEPTEMBRE 2164 – Edwin participe à la destruction du château de la ligue. Il hésite, cela dit ; il a des scrupules mais ils s’envolent déjà, ils les enferment déjà au fond de son crâne pour mieux les oublier. La guerre engendre des décisions que l’on n’a pas besoin d’approuver pour appliquer.
24 NOVEMBRE 2164 – Pas assez grande, l’armée de Pollux. Pas assez peuplée. C’est sa besogne, à Edwin. La lourde tâche de remplir les rangs de son armée de pouilleux lui incombe. Il ordonne aux hommes sous ses ordres directs de se disperser, de toquer aux portes, de peinturlurer les murs du symbole de l’armée de Pollux, de rendre la liberté aux esclaves et aux malheureux. Edwin quitte lui-même le siège d’Ivodoratzi. Lla traque reprend.