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Une légère brise entrait par la fenêtre et venait mouvoir les rideaux de soie, puis caresser les corps chauds des deux amants. Le soleil venait de se coucher mais le ciel gardait encore les teintes oranges et roses du crépuscule. L’air se rafraîchissait un peu et venait réveiller la belle qui avait omit de fermer la fenêtre avant de tomber dans les bras de celui qu’elle aime en secret. Les draps légers couvraient leur corps de moitié, s’étant endormis juste après avoir pêché. Leur demi-nudité semblait tout droit sortie d’un tableau antique, tant leur beauté subjuguait. Animal nocturne, Aldora s’éveilla alors définitivement quand la nuit fut tombée, alors, seul le clair de lune venait illuminer sa silhouette et elle se tourna vers celui qu’elle aimait d’un amour aussi inconditionnel qu’interdit. Egalement avivé, son amant scrutait les moindres parcelles de son corps, comprenant pourquoi il était tombé sous le charme de cette divinité. Il se sourirent tour à tour, savourant cet instant unique de communion parfaite. Elle déposa délicatement sa main sur sa joue droite, caressa sa barbe en douceur. Amoureuse attentionnée, Aldora se montrait des plus douces envers la seule personne avec qui elle était certaine de tout pouvoir partager, le seul qui l’écoutait avec tant d’intérêt, le seul qui la comprenait réellement. Car tous deux souffraient du même mal, celui d’aimer l’interdit :
« Je t’aime, lui avouait-elle facilement, convaincue qu’il était le seul qu’elle n’aimerait jamais. Car leur passion était trop forte pour que cela soit un mirage. Elle se savait animé par un seul sentiment à son égard,  une idolâtrie démesurée, un amour sans borne.



Les nuages pleuraient en cette matinée, le paysage entier semblait vivre d’amertume. L’ocre et le brique, tapissant habituellement les contrées de sa tendre région, avaient ternis. La grisaille s’était emparée de sa terre natale et tout autour d’elle semblait avoir perdu vie. Accoudée à la fenêtre ouest de sa chambre, au sein du palais dans lequel sa famille avait récemment pris quartier, elle posait son regard azur sur les alentours. Légèrement vêtue en cette heure si matinale, elle n’avait pas dormi de la nuit. Tout ce qui se déroulait autour d’elle, sans qu’elle n’ait la moindre emprise sur la situation, la terrifiait.
Tous ses repères s’effondraient en l’espace de quelques semaines. Membre de la nation la plus puissante de tout le continent, celle dont la souveraineté n’avait plus été contestée depuis près de trois décennies, la voilà emplie d’incertitudes. Alors que l’empire en lequel elle avait toujours cru se scindait de toutes parts, les nations se déchiraient, les mouvements contestataires naissaient, la quiétude installée avec tant de peine souffrait terriblement.
Se couvrant d’un peignoir de satin nacré aux teintes perles et argentées, ne dissimulant qu’à peine sa peau cristalline, elle s’assit à sa table, en contre-bas de son espace de nuit, se servit une tasse de thé brûlant et recouvrit la porcelaine de ses mains rafraîchies par l’air ambiant. Contemplant la vue que lui offrait ses nouveaux appartements, Aldora sentit que le moment était venu. Il était temps pour elle de dompter la flamme qui dansait en elle. Laissant sa tasse tout juste entamée, elle se leva et sans se vêtir davantage, quitta sa vaste chambre à coucher.

Le palais était des plus luxueux, un couloir ouvert faisait la liaison entre un jardin-terrasse et un petit préau accolé à la porte de sa chambre. L’architecture y était véritablement somptueuse et Aldora se délectait de cet environnement, elle y flânait allègrement chaque matin, humant les parfums des monts balayés par les vents chauds. Elle ne partageait sa terrasse, de plusieurs centaines de mètres carrés et recouverte de multiples arbustes taillés chaque semaine qu’avec son frère jumeau, qui lui avait un accès directe sur le jardin amménagé en ouvrant simplée sa large baie vitrée. Ce havre de paix n’appartenait qu’à eux et à eux seuls.
La pluie ne cesse, les gouttes, aussi fines que le tissu, enveloppent d’un drap humide le corps de la jeune femme savourant la chaleur régionale mêlée à la bruine passagère. La scène est poétique, elle ne peut détacher son regard de l’immensité qui se tient devant elle ; les sommets alpins, les quelques pousses de buis, l’ondée automnale, tout y est une extrême perfection. Inspirant une grande bouffée, elle ferme délicatement ses paupières, jouissant de l’instant. Elle expire, délicatement, profondément.
Les perles chutant contre son corps n’ont pas le temps des absorbées par le satin dont elle est vêtu, elles s’évaporent aussitôt. La pluie disparaît avec une étonnante spontanéité : elle brûle. La flamme qui en elle sommeillait se ravive à une allure folle. Elle est un feu rougeoyant, tout son corps est éprit par une chaleur qui la dépasse. Mais elle le sait, elle sait ce que cela signifie, son élément s’éveille. Elle lève alors ses bras comme un cygne déploierait ses ailes, elle est grâce et pureté, délicatesse et vertu. Elle est une somptueuse association de la brutalité du feu et de la délicatesse du féminin. Son coeur s’accélère, elle trace un arc de cercle sur le sol granuleux et soudainement, relâche ses bras tendus vers le ciel. Ses paumes entrouvertes accueillent chacune une flamme, vive et ardente, dansant dans le creux de sa main. Elle ne réalise pas, son esprit est obnubilé par l’harmonie de son corps et son élément. Elle tournoie sur elle même, se mouve comme jamais on ne le lui avait enseigné, chaque geste s’enchaîne et forme une symphonie unique. Bientôt, ses flammes conjuguées à la vitesse adoptée forment une anneau de feu autour d’elle. Le spectacle est grandiose. Elle est magnifiquement talentueuse.