Sourire. Triste il est, son sourire, fragilement accroché à ses lèvres, quand elle fait bonne figure. Sourire quand elle est triste parce qu’elle ne peut que rendre avec raideur la politesse de ceux qui la reconnaissent ; sourire car elle est Griffith et c’est ce que son rang exige d’elle. L’air est dense quand elle quitte les murs du manoir mais elle ne peut supporter rester enfermée un instant de plus. S’empêcher de ressasser les évènements du passé, voilà ce que Lia cherche à faire. Les rues animées de la capitale lui semblent idéales pour cela, alors elle brave sa peur et les inquiétudes de son frère pour enfin vivre comme elle le voudrait.
Mais l’humeur n’est sûrement pas à l’amusement, ce soir. Les sombres nuages continuent de peupler son ciel tandis que son regard se perd dans la foule, laissant le hasard guider ses pas sans vraiment chercher à savoir où elle va. Lia sait que son adiutor n’est pas loin, même si elle ne le voit pas ; sa confiance en lui – peut être trop ? – la rend imprudente mais elle l’ignore, la poupée, bien trop occupée à torturer son esprit par les et si… ? du passé pour lever sa garde. Une main sur son épaule, sursaut de sa part. Elle se retourne pour croiser le regard d’Indira Valaeris et c’en est trop. Pendant un instant elle ne sait plus quoi dire, Lia, avant que ses lèvres s’ouvrent d’elles-mêmes et qu’un souffle ne s’échappe. « Indira. » Prononcé d’un ton presque sec, elle s’applique à calmer son ardeur, la jeune Griffith, avant de fauter. Son cœur tambourinant fort, trop fort dans sa poitrine, elle accepte la douceur et le sourire de cette amie de presque toujours non sans douleur, toute sa rancœur envers sa famille remontant à la surface. Et pourtant, bien qu’elle et Indira ne se soient pas vues depuis bien longtemps, elle ne tenait pas à rejeter la faute sur elle, Lia. Car malgré tout, Indira avait été une personne proche. Très. Si bien que son éloignement faisait mal, mais elle savait que ce ne serait pas la raison première pour laquelle elle se montrerait froide si jamais elle se laissait aller à ses sentiments. Non, si la fureur et la frustration devaient exploser ce soir, elles seraient dirigées vers le nom que portait la jeune femme, celui d’une famille traître et abominable qui n’avait pas hésité à tuer un jeune innocent. Mais Athalia était une noble, une Griffith, et jamais elle ne se laisserait aller à de telles effusions de colère en public. Sa mère s’était assurée que son éducation honorerait toujours l’argent de son sang, et la jeune poupée ne tenait certainement pas à entacher cette réputation ce soir. Respire, Lia. Les mots ne font pas sens depuis longtemps, depuis qu’on lui avait annoncé que les Valaeris étaient responsables du meurtre d’Isaiah, mais elle s’applique à la tâche. Tu sais qu’Indira n’y est pour rien. Calme toi. Et pourtant la rancune est présente, sous une autre forme, pour une toute autre raison, ses griffes fermement plantées dans son palpitant qui reprend un rythme régulier tandis qu’elle reprend. « Quelle bonne surprise de te voir ici. Les Sept ont déjà été plus cléments avec moi, mais je suppose qu’on doit savourer ce qu’ils veulent bien nous offrir. Et toi, comment te portes-tu ? » Formalité étrangère qui découle de ses paroles, de ses gestes, mais elle ne peut s’en empêcher Lia, alors qu’elle regarde cette amie devenue une inconnue familière.