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(2164, Launondie)
Et ces deux âmes, sœurs tragiques, s'envoleraient ensemble.
l'ombre de l'une mêlée à la lumière de l'autre.

Vos prunelles se croisaient, elles n'étaient qu'armes acérées qui s'entrechoquaient dans le plus lourd des silences. Et vos mots seulement pour le briser, de vagues gestes, quelques soupirs. Des statuts de pierre, visages de marbres qui ne laissaient qu'à peine transparaître la rage qui vous liait. « Je.. Je veux simplement que tu comprennes qu'il n'était pas ce que tu penses qu'il était. Ca me terrorise de voir que tu ne t'en rends pas compte. » « Je n'ai rien à comprendre. Quand nous nous recroiserons Rita, ce sera dans la cour, je t'y jugerai coupable. » Ces phrases lancées ne voulaient rien dire, s'évaporaient aussi facilement que ses cheveux virevoltaient maintenant sous le souffle d'une mince brise. Alors tu devinais à peine ses traits acérés, avant la quitter. Rita, elle aurait pu être belle. Oh, si belle, si seulement l'atroce n'était venu l'admirer par-dessus de son berceau. Et si elle t'avait un jour arraché quelques sourires, c'était parce qu'elle te tournait le dos, cachait son véritable visage derrière ses rires d'enfant. Derrière cette apparence de prodigue, qu'elle voulait être, qu'elle ne serait jamais. Si doux les moments passés ensemble, lorsque vos âges sur une unique main pouvaient encore se compter. Mais si naïf, tu t'en rendrais compte, trop tard. Tu t'en voudrais, si fort, de lui avoir laissé trop de chances. Et dès lors, haine et haine ne cesseraient jamais de s'affronter. Dire qu'il avait fallu que tu la sauves, par une fois. Tu l'avais arrachée jadis des bras de la mort, et pourquoi ? Pour que ses mains souillées par l'envie finissent par s'emparer sans tourment de l'arme de la faucheuse, pour découronner le seul qui un jour, avait pris le risque de te regarder. Une vie pour une vie. Avais-tu mal fait de préserver la sienne, avais-tu à ce point dérangé le sort pour que bien plus tard il te le fasse si ardemment payer ? Des mains de la réchappé, qui plus est. Des mains de celle qui te devait tout. Des mains de cette ingrate, qui te regardait sûrement t'éloigner, jouasse d'avoir dans ton esprit quelques doutes de plus immiscés. Alors le rythme de tes pas s'accélérait, à mesure que la rage réchauffait ton corps, pourtant toujours tremblant d'aigreur. Seul, le col de ton veston venait épouser ton cou, et le contact froid du tissu te faisait tressaillir. Tu aurais voulu hurler. Tu avais besoin de hurler, mais te contentais de serrer les points. De souffler, fort, et de te répéter en boucle qu'il ne fallait manquer à la promesse que tu venais de lui faire. La chasser, cette vile sorcière. Celle que ton âme pas encore noircie avait décidé de laisser vivre. Mais pourquoi diable ne l'avais-tu laissée périr, avant qu'elle ne t'enlève celui grâce à qui tu vivais. Frédérik, votre père. Pantin de papier qu'il avait animé par le feu, qui maintenant se consumait, se laissait consumer par la même sorte de sauvagerie qui lui avait pris la vie. Qu'avait-elle fait, que continuait-elle de faire, Rita. Et qu'avais-tu fait, pour ainsi attiser la colère de la chimère, au point qu'elle voulait t'enlever tout ce qui te donnait une raison de ne pas te trancher toi-même les veines. Tu la savais sombre, la vipère. Et pourtant pas au point de briser ta vie. Pas au point de rouvrir des plaies qu'elle savait encore béantes. Pas au point de faire voler en éclat tout ce qui te faisait, toi. Et pourquoi n'aiguisait-elle son couteau, pour te le planter une bonne fois pour toute dans le cœur, plutôt qu'ainsi, tout doucement, trop doucement, le briser en milles morceaux. Car chacune de ses paroles ôtaient un fil de plus sur le canevas de ta vie. Si beau, étincellent, autrefois. Car ils avaient su faire de toi cette toile brillante, qu'elle lacérait un peu plus à chacune de vos rencontres. Rita, pourquoi te faisait-elle ça. Pourquoi était-elle revenue et restait dans ton sillage, alors que ton vœux le plus cher serait de ne plus jamais la revoir. Pourquoi te brisait-elle par la simple chaleur de son souffle sur ta nuque, par sa simple prestance, même son ombre que tu devinerais trop aisément au loin entre mille autres toutes aussi ressemblantes. Et pourquoi le simple fait de poser ton regard sur elle, te rendait de plus en plus fébrile. Tu te perdais sur son passage. Tu te perdais dans ses messages. Et si elle devait s'imposer plus longtemps, alors elle t'entraînerait vers le fonds, et vous saignerez à l'unisson. Car rien n'unit aussi fort que la haine. Et celle que tu éprouvais pour elle était immense.