Un sac en toile à la main et grimaçant à chacun de tes pas, tu te diriges lentement vers la cours du château. Voilà quelques semaines que l’attaque contre le palais des flammes avait eu lieu et tu venais à peine d’échapper à ton séjour forcé à l’infirmerie. La blessure que tu avais reçue à l’abdomen, bien que sérieuse, n’était pas mortelle. Une cicatrice barrerait cependant ta chair blessée, comme un souvenir de la lame s’enfonçant dans ta chair. Cela ne te dérangeait pas plus que ça. Ce n’était pas ta première cicatrice et ce ne serait pas la dernière. Pas plus que ce n’était la plus sévère que tu ais reçus dans ta courte existence. Un simple coup d’œil a ton cou était suffisant pour juger de ce fait. Deux choses découlant de ta blessure t’ennuyaient cependant fortement. Premièrement tu avais été jugé en convalescence par ton chef et tes collègues de travail. Aucune tâche jugée trop « difficile » ne t’était donc attribuée. Et tout leur semblant être difficile, tu étais pour ainsi dire préposé à la vaisselle pour une durée inconnue. Chose qui était particulièrement ennuyante et inintéressante à faire pendant plus de huit heures et cela tous les jours. Et deuxièmement, Nik. Nik et son côté surprotecteur nouvellement découvert. Persuadé que tu allais t’écrouler sitôt qu’il te quitterait du regard, le blond avait donc entreprit de ne PAS te lâcher du regard une seule seconde. Déjà que l’appartement avait à peine survécu à la récente tentative de cuisine du maître du sang, sous prétexte qu’il fallait que tu te reposes, mais par les Sept, si tu le voyais encore une fois t’attendre à la sortie de la salle de bain pour vérifier que tu n’avais pas fait un malaise dans la douche, tu allais lui en foutre une, convalescence ou non !

Une nouvelle grimace de douleur apparue sur tes traits, au détour d’un couloir. Par les Sept, ce que ça pouvait faire mal. Tu n’étais en rien une petite nature et jugeais même être un peu plus robuste que la moyenne, mais tu défiais n’importe qui de se faire embrocher par une épée et d’en ressortir sans éprouver le moindre petit picotement. Toujours était-il que c’était l’heure de ta pause déjeuner, et c’était dans les jardins du palais que tu avais choisit de la passer. Le jardin étant toujours vide à cette heure de la journée, cela ne dérangeait personne, et tu pouvais profiter du calme un instant avant de retourner baigner dans le bruit constant qu’étaient les cuisines du palais. Tu ne passerais pas ta pause seule cependant. Tu allais rejoindre un vieil ami à toi datant de vos années à l’académies. Un mêlé rouge nommé Jon qui lui aussi travaillait au palais. Tu irais même jusqu’à dire qu’il était ton meilleur ami, même si parfois, tu avais juste envie de lui en foutre une pour les emmerdes qu’il avait le don d’attirer. Tu te sentais presque grand-frère à ses côtés, au contraire de Nikolai pour lequel tu te sentais plus nounou qu’autre chose.

Finalement tu arrives aux jardins et qu’importe le nombre d’années passées au pays du feu, la chaleur si différente du climat doux de tes terres natales, t’agresse toujours autant. Tu ne savais pas comment Nikolai pouvait supporter cette chaleur, lui qui venait d’un pays encore plus froid que le tien. Mais dans un sens, ce n’était pas plus mal : devoir s’occuper de lui car il s’évanouissait toutes les cinq secondes à cause de la chaleur t’aurait très vite agacé au plus haut point. Assit près d’une fontaine, tu vois Jon déjà installé tranquillement et tu t’approches aussitôt de lui. Dans un sourire en coin, tu lui montres ton sac en toile et t’adresses à lui de cette façon en guise de salutation : « J’ai apporté le dessert. »

« Tu sais comment me prendre par les sentiments, Airen. » A la vue du large sourire de ton ami, tes lèvres s’étirent plus encore. Tu t’assoies sur le bord de la fontaine, prenant à place à ses côtés, lâchant un soupire de soulagement à la fraicheur qui t’envahie soudainement. Aussi appréhensif des rouges que tu étais, tu acceptais d’admettre l’utilité d’un tel pouvoir quand la température était aussi accablante. « J’espère bien, depuis le temps. » que tu te moques gentiment. Et c’était vrai, vous vous connaissiez depuis longtemps Jon et toi. Depuis l’académie plus précisément. Pas un seul instant tu avais pensé en posant les yeux sur le gamin blond bien trop petit, qu’entre lui et toi, c’était une amitié durable qui allait se créer. Presque un miracle à tes yeux d’ailleurs, toi qui étais pratiquement un enfant sauvage, tu ne devais cette amitié qu’à cause de la cohabitation forcée dont vous fut sujet, ainsi que de l’anormalité sociale qu’était ton ami blond. Quelle drôle de pair vous faisiez et faites encore, vous deux.

« Si j’avais su que c’était compliqué pour toi de marcher, j’aurais préféré un endroit plus proche des cuisines… Tu aurais dû me le dire. » Ouvrant ton sac de toile, tes yeux se levèrent aussitôt au ciel en entant cela. « Tu vas pas t’y mettre toi aussi … Halwyn est déjà suffisamment insupportable comme ça. Je suis en convalescence, pas invalide. » Tu pouvais supporter la douleur, pas la peine de te couver. La douleur était une vieille connaissance pour toi, alors qu’était une cicatrice de plus sur ton corps ? « A moins que… Ce fameux dessert n’ait, de base, pas le droit d’en sortir ? » Ton sourire en coin réapparut de nouveau avec force alors que tu regardas de nouveau le mêlé rouge. « Voyons Jon … Ce serait avouer si je répondais à cette question … » Sortant le fameux dessert alors que tu proférais ces paroles, tu laissas ton ami l’adirer tout à son aise. C’était l’un de ces gâteaux au miel que tu faisais régulièrement, ceux se mangeant avec une tasse de thé sucrée et dont la cour semblait si friande. Ce gâteau-ci ne manquerait à personne, n’étant qu’un reste du repas de ses altesses. Il servirait parfaitement à rassasier deux ventres une fois votre repas fait. Prenant le simple casse-croûte se trouvant à côté de la monstruosité sucrée, tu croquas dedans avec appétit, plus affamé que tu pensais l’être.

Vous mangez tout deux un instant en silence, avant que le blond de brise la tranquillité de nouveau. « J’ai entendu ce qu’il s’est passé au sein du château il y a quelques nuits. Je suis soulagé que tu n’aies rien eu de plus. » Tu mâchas encore un instant avant d’avaler tranquillement et de t’essuyer la douche de ta main. « Moi aussi. » Mourir aurait été bien embêtant. « Mais je préfère encore que ce sois moi qui me sois fait embrocher plutôt que toi. Le résultat n’aurait sûrement pas été le même. » Pas avec son physique frêle et son sang refusant de s’arrêter de couler à la moindre petite blessure. Alors oui, tu es heureux d’avoir prit se coup, comme tu disais, la douleur, tu la connaissais. « C’était vraiment violent, alors je suis content que tu n’ais pas été là. » Pour la peine, tu approuverais presque la possessivité dont faisait parfois preuve l’ancien maître du blond.

« A ce que je vois… Tu n’es toujours pas parti… » Tu avalas la dernière bouchée de ton casse-croûte avant d’entreprendre de couper le gâteau avec un couteau prit pour l’occasion. « Pas encore non. Mais ça ne va pas tarder. » Tu lui tends sa part avant de lui annoncer brusquement : « On part après le remariage de roi. » Après une très longue discussion entre toi et Nik, faite de cris et d’injures, vous vous étiez finalement mis d’accord : vous ne pouviez pas rester ici. C’était juste suicidaire. Et la fin de la guerre était une occasion trop belle pour que vous la ratiez.