Tout était allé si vite. Trop vite. Il n'avait pas encore digéré l'information. Il n'avait rien fait. Il s'était tenu les bras ballants, le visage inexpressif au milieu de cette foule d'inconnu lorsque la sentence était tombée. Il l'avait regardé, depuis la distance, sans un mot. Il s'était simplement bloqué, comme une statue. Les murmures de la foule étaient devenus de simple bruit de fond, engloutis par un bourdonnement qui se faisait de plus en plus fort. Non ce n'était pas possible, il ne voulait pas y croire. Et pourtant la situation était bien réelle. Alors il avait préféré ne rien faire. Parce qu'il ne savait pas ce qu'elle comptait faire, elle, sa sœur. Il l'avait vu, grande, impériale, majestueuse. Sa grande sœur. Elle n'avait pas bougé elle non plus, lors de l'annonce. Elle était restée humble, aussi digne qu'elle le pouvait. Son monde était sur le point de changer, radicalement, et elle n'avait montré aucunes faiblesses. Il voulait faire de même, être aussi fort qu'elle, mais dans son esprit c'était la panique la plus totale.

Ses pas se pressent sur le sol froid du palais. Il se dépêchait de la retrouver, aussi discrètement que possible. Il ne voulait pas éveiller les soupçons alors il avait emprunté un chemin de traverse pour atteindre les appartement du fils du feu, celui à la crinière flamboyante. Une journée s'était écoulée depuis la destitution de Saeko. Une journée complète durant laquelle il avait été plongé dans l'obscurité, dans l'incertitude. Il n’arrivait toujours pas à se faire à l'idée, d'être séparé d'elle, son pilier. Il ne voulait pas vraiment y penser et pourtant cela allait se produire. Très rapidement. Il s'arrête, haletant, le corps compressé contre un mur. Des gardes passaient dans le couloir d'à côté et il attendit que leurs pas furent lointain pour reprendre sa course. On l'avait mis au courant, de ce qui s'était passé dans les appartements de sa sœur. Plus ou moins. Il ne connaissait pas encore les détails de cette histoire, mais il voulait s'assurer de son état de santé. Il n'arrivait pas à croire que se serait probablement la dernière fois qu'il la verrait avant longtemps. Non il ne voulait pas y croire plutôt.

C'est à bout de souffle qu'il arriva devant la porte massive. Il dû attendre quelque secondes de reprendre son souffle avant de poser la main sur la poignée en métal. Il lança un petit sourire timide aux gardes gardant l'entrée, en espérant qu'ils étaient à la solde de sa sœur et non de Cal. Il ne voulait pas que cette rencontre s'ébruite, parce qu'il ne savait pas encore ce qu'avait prévu Saeko. Il poussa la porte et rentra précipitamment dans la pièce, sans se soucier de savoir si elle était seule. Il expira un soupir de soulagement lorsqu'il la vit en bonne santé, près de la fenêtre. On lui avait juste parlé d'un feu, alors il s'était imaginé le pire. Il prit quelque instant pour l'observer. Ses yeux noirs brillaient sur son teint pâle et sa chevelure était impeccablement coiffée. Ce n'était pas une femme bafouée qui se tenait devant lui, mais bien une impératrice. Il s'avance timidement, se rapproche d'elle sans un mot et la prend dans ses bras. Il voulait qu'elle sente sa présence. Il voulait lui signaler qu'elle n'était pas seule. Il ne voulait pas la lâcher, parce qu'il savait au fond de lui que cela était leur dernière rencontre et il n'était pas prêt à la laisser partir. Pas encore. Il avait encore terriblement besoin d'elle, à ses côtés. Cela était égoïste de sa part, il en avait conscience, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Alors il resta là, encore un peu, juste un peu, dans les bras rassurant de sa sœur, comme si c'était lui qu'on devait réconforter, comme si c'était lui qui venait de tout perdre.

Impératrice déchue. Reine des cendre. Déesse damnée. Elle ne se laissait pas dépouillée aussi facilement, le menton relevé, dressé, elle accueillait sa chute avec grâce et dignité, refusant de tombé sous les mots d'un tyran. La beauté incandescente ne laisserait pas un homme scellé son destin. Elle avait laissé la nuit la laver de ses tourments, renaissance d'une menace dont ses ennemis ne soupçonnaient pas l'existence, elle usait de ses dernières heures dans ce funeste palais pour battir les fondations d'une rébéllion qui dégagerait les Oshun du trône des flammes. Elle était tombée en disgrâce, mais n'en gardait pas moins quelques fidèle, prêt à dispenser le venin qui empoisonnerait l'existence de ce furieux roi, des lettres abandonnés à des alliés potentiels... Des armes qui se dresseraient devant leur ennemi commun.

Elle s'accordait un répit, laissait son regard se perdre sur ce qui était encore son royaume il a peut. Ses doigts traînaient contre son ventre rebondit, promettant à sa fille à naître que le royaume des flammes seraient à elle, pour toujours et à jamais, qu'importe les divaguations grotesques de son géniteur. Et dans les orbes sombres de la Yinren se reflétaient les flammes azurés qu'elle imaginait en train de consommé ce foutu palais, dévorant ce qu'il restait de la dynastie Oshun. La porte s'ouvre, elle se tourne avec lenteur, laissant son regard couler jusqu'à l'invité. Un sourire qui vient fendre ses lèvres, offrant une lueure dans l'océan de tristesse et de rage qu'était devenu son regard. Elle tend les mains vers son cadet, l'invitant à approcher, à la rejoindre, à se perdre dans l'étreinte de ses bras. Elle l'accueil, venant enfuir son visage contre le torse de ce cadet qui la surplombait, carrure et stature imposante à côté de la jeune femme. Elle s'imprègne de lui, de sa présence, essence rassurante dans cette vie désormais incertaine. Elle inspire, profondémment, le garde contre elle, un temps, pour mieux s'en écarter alors que l'émotion la submerge. Cavlacade d'un coeur qui a trop encaissé, elle s'écarte pour ne pas faillir, ses mains venant s'emparer des siennes. Elle ne montre aucun signe de faiblesse alors que son regard vient croiser celui du benjamin et qu'un sourire vient orner ses lèvres rouges. Ses doigts viennent finalement se glisser contre son menton, réajustant son port de tête, tout en l'imittant, douce et bienveillante. Le plus jeune de la fratrie n'avait jamais eu à subir les ambition dévorante de l'héritière, il n'avait jamais eu que son amour indéfectible, contrainrement à l'enfant du milieu auquel l'ancienne reine avait toujours été confronté. Je ne veux pas voir ce regard, Agus, relève la tête. Ils pensent nous avoir abattu, mais ils ont sousestimé trop longtemps notre famille. Il est temps que la dynastie Yinren montre de quel feu elle est faite.

Il sent sa présence. Il sent sa main affective, protectrice, posée sur son dos. Et pendant un bref instant, un millième de seconde, il a l'impression que tout allait pour le mieux, que le monde autour de lui n'était pas en train de s’effriter. Elle se défait de son étreinte, lui relève le menton, comme lorsqu'ils étaient petits. Agus se tient très mal, il le sait, il essaie de faire des efforts, en vain. Alors que ses yeux sont plongés dans les orbes noires de sa grande sœur, il retient ses larmes. Il ne voulait pas se montrer faible, il ne le voulait plus. Il allait devoir grandir, se débrouiller seul, sans personne sur qui compter. Ça le terrifiait, oui, mais il n'avait plus le choix. Il avait passé trop de temps dans ce cocon, dans cette bulle impénétrable, protégé par Saeko. Elle devait s'en aller et lui rester. « Je ne veux pas voir ce regard, Agus, relève la tête. Ils pensent nous avoir abattu, mais ils ont sous-estimé trop longtemps notre famille. Il est temps que la dynastie Yinren montre de quel feu elle est faite. » Il se recule, affichant un sourire triste sur son visage. Il se sentait con de s’apitoyer sur son sort alors qu'elle restait si forte. Il n'avait pas la force de sa sœur, sa présente. Il considérait Kalei bien meilleur que lui dans tous les domaines. Il était le petit dernier, celui qui n'avait rien de spécial, celui à qui tout avait été tendu sur un plateau d'argent. Il n'a pas eu à surmonter d'épreuves. Non, il n'avait rien de spécial et rien de spécial ne lui était jamais arrivé. « Je sais... » Il se comportait encore comme un enfant. Désormais cela devait cesser.

Il prit une grande inspiration, le jeune Yinren, pour se vider l'esprit, pour retrouver une certaine contenance. Il avait oublié que sa sœur avait été prise dans un feu. Il avait oublié qu'elle était sur le point de tout perdre. « Je suis pas fort comme toi Saeko. » Non il ne l'était pas, il ne le serait certainement jamais. Il posa ses orbes sombres sur le ventre rebondie de sa sœur. Cette nièce qui était sur le point de naître, cet enfant qui avait déjà tout perdu avant de voir le jour. Il savait que Saeko se battait pour elle, pour lui offrir le meilleur avenir possible. Elle avait un but, et il voulait l'aider à l'accomplir. Parce qu'il aime sa sœur, Agus, probablement plus que ses parents. Elle avait toujours été la seule à lui accorder de l'attention, à prendre en compte sa présence dans une pièce. Sans elle à ses côtés, il allait redevenir invisible. C'était peut-être pour le mieux. « Nan je suis pas fort comme toi, mais je veux t'aider. Toi et ta fille, parce que vous êtes tout pour moi... » Sa voix se casse un peu, juste un peu. Il ne voulait pas craquer, pas maintenant, pas encore. Il avait assez pleuré, il s'était assez apitoyé sur son sort. Il devait se ressaisir, pour lui, pour elles. « Dit moi ce que je peux faire pour t'aider. »

Je suis pas fort comme toi Saeko. Un soupire fend les lèvres de la fille des flammes alors que son minois se penche doucement sur le côté. Et ses mains se mouvent, glissent contre sa peau pour encadrer son visage avec une infime tendresse. Nan je suis pas fort comme toi, mais je veux t'aider. Toi et ta fille, parce que vous êtes tout pour moi... Il se désillusionne l'enfant Yinren, elle le sait, elle se sent, il s'est gavée de la certitude grotesque et absurde qu'elle valait plus que les autres, il l'a hissé au plus haut, persuadée qu'elle était cette poupée parfaite qui leurs parents avaient habilement façonnés pour en faire une reine. Mais elle n'était rien de tout cela, une môme qui avait été affublés d'une couronne, poussée dans la cours des grands alors qu'elle n'y était pas réellement préparée. Son cœur s'était consumé, d'un amour interdit, alors qu'elle était tombée sous le joug d'un empereur qu'elle croyait différent de tout les monarques qu'elle avait connu, qu'elle pensait pour changer les choses.... Mais il s'était avéré terriblement tyrannique, suivant les pas de sa maudite mère. Dit moi ce que je peux faire pour t'aider. Un sourire tendre emprunt d'une infime tristesse vient se faufiler sur les traits de l'impératrice déchue. Ses mains glissent, quittent les joues du jeune homme pour retomber mollement le long de son corps. Je ne suis pas aussi forte qu'il n'y paraît. C'est un masque que tu apprendras à porter, un masque très utile pour ne pas qu'ils puissent voir à quel point ils nous ont atteint. Elle s'écarte de lui doucement, s'avançant du petit bureau contre lequel repose quelques lettres sur le point d'être envoyée. Des missives envoyés à des alliés éventuelles. Elle devra bientôt quitter ce maudit palais dans lequel elle n'était clairement pas la bienvenue. Une indésirée qui demeure dans les murs austères d'une nation qui l'a bafoué. Ses orbes noisettes se redressent vers le jeune homme. Mh. J'aurais besoin de toi, ici, au palais... Kaleil se range au côté de ce foutu roi... Fais de même, en apparence seulement... Elle s'arrête, revient vers lui pour venir prendre sa main. Une pression de ses doigts contre sa paume. Mais promets moi de partir, au moindre soupçon, au moindre danger. Je ne pourrais supporter qu'il t'arrive quelques choses.