Elle était belle la mariée. Le satin de sa peau une étoffe plus sacrée que le tissu enlaçant son derme et ses formes avec une harmonie céleste. Le sourire ourlant ses lèvres était une violence que le mêlé peinait à s’infliger, son cœur perdant la cadence alors qu’il laissait ses espoirs reposer au pied de l’autel où elle épousa un autre. Au pied de l’autel où il goûta l’ampleur de ses fautes. Désespéré traversant le royaume pour mettre un terme à ces folies, il perdit de sa superbe quand aux portes de l’édifice il fut frappé par l’interdit. La triste vengeance du cœur humilié consumant son esprit, le Jagger contemplait le poids des mots qu’il allait poser, du silence qu’il garda malgré tout. Le mêlé n’avait jamais été qu’un lâche subsistant sous les talons de la princesse, il trouvait dès lors dans cette situation une certaine justesse. Le sublime grotesque d’un cœur spolié d’un amour qu’il n’aurait jamais dû posséder.
Prisonnier des geôles de sa propre chair, l’insensé arpentait les couloirs de ce palais auquel il n’aurait jamais dû revenir. Portant avec amertume le costume de ces lambdas forcés au labeur, le brun faisait les cent pas. Il portait en lui une rage que rien ne pourrait endiguer, l’amertume d’un cœur peinant à redémarrer. Il portait en sa bouche un fiel ne demandant qu’à couler, s’écouler le long de ces murs en gerbes vermeilles alors qu’il laisserait au monde voire l’étendue du trou en sa cage thoracique. Alors qu’il offrirait à l’assemblée de contempler la bête qu’ils avaient créée, ces Oshun condamnés. Se perdant dans le dédale de ces couloirs, c’était sous l’égide de l’anonymat qu’il avait fait son entrée, un plateau de boisson vaillamment perché sur sa main. C’était toujours à une distance solennelle qu’il la contemplait, naufragé souffrant de ne pas avoir rendu son dernier souffle. Elle parlait, parlait, parlait. Elle tournoyait, tournoyait, tournoyait. Et son nouvel amant, sa funeste moitié, la possédait de toutes ces manières dont il n’aurait jamais pu la posséder. L’amertume était corrosive, elle lui rongeait l’intérieur sans qu’il ne puisse lutter contre son brûlant. Elle délassait tout en dedans et Naos peina à battre en retrait. Il peina à conserver contenance alors qu’il s’éloignait de ces convives l’enjoignant de leurs prunelles ivres de se rompre à leurs pieds.
Une fois hors de portée de leurs prunelles avides, le brun posa son plateau de service sur un chariot avant d’entreprendre de finir le contenu des verres à sa portée. Avec le manque de grâce d’un enfant de sa caste, le mêlé avala une première coupe d’une traite avant de grogner. Il regrettait l’amertume de ses boissons alambiquées qu’on trouvait dans les ruelles de la capitale. Il regrettait leur brûlant et la vitesse à laquelle elles pouvaient l’enivrer. Se gorgeant d’un autre verre, puis d’un troisième, ce n’est qu’une fois les cinq flutes de champagne avalé que le brun entreprit de quitter son purgatoire. Délassant le premier bouton de sa chemise, il offrit un sourire tendre à une lambda passant par là et contemplant celui que beaucoup n’avaient pas encore reconnu sous son apparat émacié et ce visage éternellement tourné vers le sol. Prêt à reprendre la route, conscient d’avoir effacé ses doutes concernant la princesse, c’était plus vide et pourtant plus lourd qu’il portait désormais le néant en sa carne. Le pas vif, le regard fuyant, celui qui avait vécu de trop longues années en ces lieux souffrait sa nostalgie.
Il ne le vit que bien trop tard, se déplaçant sensiblement sur la droite alors que ce dernier arrivait abruptement à une halte. Alors que le liquide s’écoulait de la coupe de l’autre, Naos s’apprêtait à essuyer son poing sur la mâchoire trop parfaite de l’énergumène. Découvrant le maître de la terre, celui-là même qu’il avait vu à trop de reprises venir et quitter les appartements de son maître, son ancien maître, le Jagger grimaça alors que le Griffith tapait toujours là où ça faisait mal. « Et moi je pensais que tu aurais d’autres passetemps que venir voir ton ex-fiancée se marier en plus de subir cet adorable Cal Oshun en chaleur. » Il n’y pouvait rien le Jagger, c’était plus fort que lui. Ces Oshun lui avaient pourri la vie et pourtant il ne pouvait s’empêcher d’instinctivement poser ses yeux sur eux dès qu’ils étaient à portée. Sans cérémonie, le mêlé subtilisa la coupe du maître avant de boire la fin de son contenu. « Ma liberté ? Je pensais que tu étais censé Adonis. Pour quelqu’un comme moi, il n’y a pas de liberté qui soit. » Juste cette même course contre l’univers, chaque seconde passée à vendre sa peau plus chère encore dans l’espoir de subsister sous ces cieux contraires. Un sourire amer lui lacérant les lippes, il planta ses prunelles dans celle de l’ancien prince tombé de bien haut. « Si je ne me trompe pas, on est là pour toutes les mêmes mauvaises raisons. On est amer, mais on peut pas s’empêcher de les désirer. »