« Je dois aller voir Cal. » La divine Osanos hocha la tête, avant de passer une main réconfortante sur la joue balafrée de celui qui, depuis peu, était devenu son fiancé. Un rêve de jeunesse, qu’ils avaient évoqué de très nombreuses fois. Mais qu’ils avaient cru cantonné au domaine des chimères. Et finalement, le rêve se concrétisait. Enfin. Enfin le vent tournait en faveur du terrible prince Oshun. Il avait quitté cette maudite tour, source de tous les maux des royaux du feu. La paranoïa s’était apaisée, depuis que Merle lui avait annoncé les bonnes nouvelles. Leur union prochaine. Leur enfant à venir. Maven était revenu à la raison, doucement mais surement. Il avait compris les raisons de ce confinement forcé. Et il avait besoin de l’expliquer à ses deux aînés, les prunelles de ses yeux. Son propre sang. Ceux pour qui il était prêt à tout. Le terrible prince voulait prouver à Cal et à Isaure à quel point il les aimait. A quel point il était leur serviteur dévoué, leur Chien si jamais ils avaient de nouveau besoin de ses létaux services. Le belliqueux déposa un baiser sur les lèvres carmin de sa promise avant de s’engouffrer dans ces couloirs qu’il connaissait par cœur. L’endroit où il avait grandi. Sa demeure. Malgré toutes les trahisons, le palais des flammes était son foyer. Là où il avait grandi avec ce frère qu’il haïssait et qu’il avait appris à aimer ; avec cette sœur qu’il vénérait et qu’il avait suspecté de traitrise. Cet endroit où il avait aimé, été déçu et trahi. Mais maintenant que son regard sur le monde avait changé, grâce au concours de la Reine de son Cœur, l’impétueux était apaisé. Ses démons se faisaient petits grâce à l’influence lumineuse de Merle. Ses tourments s’envolaient face à cette promesse d’une vie meilleure, enfin heureuse. Le balafré pénétra finalement dans le bureau de son aîné, l’Empereur d’Aksana. Celui à qui il ressemblait, indubitablement. La même peau pâle, les mêmes yeux dorés, les mêmes cheveux blonds. Celui dont il avait tellement, tellement, tellement, souhaité la destruction et la déchéance. Celui pour qui il était prêt à tout, désormais. « Cal ! » Sourire franc et sincère sur son visage désormais marqué à jamais par la lame d’Adonis Griffith. Le cadet vint étreindre l’aîné alors que son cœur se dilatait de bonheur. D’une joie qu’il ne pouvait réprimer et qui s’inscrivait clairement sur ses traits altiers. « J’suis si heureux d’te revoir. » Maven se recula de quelques pas, contemplant son frère. Son regard était porteur d’une bienveillance et d’une douceur sans précédents. Parce qu’il était profondément transformé. Il avait trouvé une certaine quiétée intérieure. Et ce, grâce à l’aide de tous ces précieux sur lesquels le cadet veillait étroitement. Un équilibre. Désormais, un doux sourire étirait perpétuellement ses lèvres gercées et ourlées de diverses cicatrices. L’Oshun était toujours ce guerrier impulsif et vindicatif. Mais hors des champs de bataille, il devenait Agneau. Se laissait même aller à rire. « J’voulais te dire que … Tu sais, ben … Je t’en veux pas pour la tour. Ni à Isaure, ni à toi. J’ai compris pourquoi j’devais aller là-bas. » Aucune rancœur. Aucune envie de vengeance. Maven avait accepté les raisons de cette autarcie prolongée. Il avait mis en péril l’équilibre déjà précaire de l’Empereur. Et pour cela, il s’en voulait. « J’suis désolé si j’t’ai causé des problèmes. Mais maintenant, je suis là. Je suis là pour de vrai. Et j’suis avec toi, quoi qu’il arrive. Tu peux compter sur moi. Les Oshun, ensembles. Tous ensembles. » Il posa une main amicale et protectrice sur l’épaule de Cal, signe de la véracité de ses paroles. Il ferait tout pour assurer la stabilité et la protection de son frère, irait faire la guerre pour lui. Parce qu’il se devait de lui montrer sa loyauté. Cette fidélité qui ne demandait qu’à s’exprimer. Et aussi parce que … « Et j’voulais t’remercier. D’avoir pris soin de Merle pendant que j’étais pas là. D’avoir accepté qu’elle et moi, on soit liés pour toujours. C’est c’que j’voulais plus que tout et, grâce à toi, c’est devenu réalité. » Et pour cela, il ne pourrait jamais assez lui montrer sa reconnaissance.

« Moi aussi je suis heureux de te revoir, surtout comme ça. » Etreinte sincère. Fraternelle. Exorcisant par-là même tous leurs démons passés. Leur inimitié violente qui avait ravagé les premières années de leur vie. Frères de sang mais ennemis viscéraux durant bien trop longtemps. Du temps fâché, perdu, à faire la guerre à cet aîné qu’il avait diabolisé dans son esprit si embrumé par les voix venimeuses de tous ces autres. De tous ces autres qui s’amusaient à utiliser le chien Oshun pour leurs propres avantages. Mais désormais, le fils du feu était revenu à la raison. Voyait les choses sans voiles mesquins devant ses prunelles dorées. Les relations avec Cal s’étaient grandement améliorées. Surtout lorsque le terrible avait cru que sa précieuse Isaure l’avait trahi. Il avait alors ployé le genou devant cet Autre dont il avait compliqué l’existence au possible. Jamais Maven n’aurait pu croire qu’un jour, son frère aîné lui manquerait. Qu’il irait jusqu’à le prendre dans ses bras. Un grand sourire étirant son visage balafré, ourlé de cicatrices. Un monstre face aux jumeaux qui étaient deux véritables canons de beauté. Mais le cadet s’accommodait de cette place qu’il occupait. De celle de créature dangereuse, impulsive, imprévisible. Il n’était pas reconnu pour son intellect, ses bonnes manières ou sa conversation. Mais après tout, il n’avait pas été formaté ainsi. Initié, dès son plus jeune âge, au maniement des armes, il avait été élevé dans l’idée qu’il était une arme. Rien de plus, rien de moins. Pas d’humanité, pas d’importance, pas d’affection. Le fer ne devait rien ressentir. « Je suis heureux de t’avoir à mes côtés à nouveau. Surtout dans ces moments difficiles. » Le sanguinaire hocha la tête. Même s’il n’en comprenait pas toutes les subtilités, il savait que la position actuelle de Cal était plus que précaire. Empereur devenu roi, l’hystérie collective contre les mutants, les montagnes qui l’empêchaient de se trouver au côté de son précieux Griffith, les menaces qui se profilaient tout autour de lui. Et Maven ne pouvait rien y faire. Rien y faire, sauf s’il était question d’ôter la vie à un ennemi. Homme de l’ombre, main armée, chevalier servant son propre sang. A la solde des terribles jumeaux Oshun. « Merle est une amie et elle sera bientôt de la famille, même si c’est toi qui prendra son nom. Alors c’est normal, tu n’as pas à me remercier. » Un immense sourire naïf, idiot, vint étirer ses lèvres. En quittant cette horrible tour, dans laquelle il avait été enfermé durant plus de deux semaines, Maven avait eu l’impression de se mettre à vivre réellement, pour la première fois de son existence. A être maître de son destin, de cet avenir qui s’annonçait chatoyant. Parce que tout allait bien avec les membres de son clan. Parce qu’il allait bientôt épouser le grand amour de sa vie. Parce que cette haine mortifère qu’il nourrissait à l’encontre du genre humain semblait se dissiper, petit à petit. Le terrible redevait humain. Laissait de côté ses pires instincts pour succomber à une doucereuse joie de vie. Une attitude qu’il découvrait pour la première fois. Parce que jusqu’à présent, le blond avait l’impression de n’avoir connu qu’une lancinante douleur qui ne semblait pas vouloir prendre fin. « Je pense que cette union est une bonne chose pour toi, comme pour elle. » Flamme de sincérité et de reconnaissance qui brûlait au fond des yeux dorés du maître du feu. Il devait à Cal plus qu’il ne pouvait l’exprimer, plus qu’il ne pouvait le calculer. Parce que son aîné lui offrait ce rêve qu’il n’avait jamais osé partager avec quiconque. Se marier avec la seule femme qui ait jamais su conquérir son cœur. Son prime amour. Son âme-sœur. La reine de ses nuits. Déesse de ses jours. « Merci, Cal. Vraiment. Même si je change de nom, je serais toujours un Oshun. Toujours prêt à t’aider. » Il lui devait tout. Maven le concevait, désormais. Ce séjour forcé dans une autarcie parfaite avait finalement été bénéfique. Lui avait permis d’ouvrir les yeux sur ce qui comptait réellement dans sa chienne de vie. « Je sais que t’es fatigué, en c’moment … » Il le voyait sur les traits altiers de son aîné. « Si jamais j’peux t’aider, tu m’le dis, d’accord ? » Même s’il ne pouvait pas faire grand-chose, le prince terrible voulait que Cal sache qu’il pouvait compter sur lui. « Même si c’est par rapport à Ad… Lui, je le ferais, tu sais. Isaure et toi, vous êtes ma famille. Vous êtes tout. »