Une semaine. Une semaine à contempler les étoiles, à laisser l’esprit s’évader alors que les gens agonisent autour de toi. Alors que tu recraches tout ce que tu ingères. Même Aaron n’est pas capable d’expliquer ce qu’il se passe. Même lui est tombé malade. Peut-être plus que tous ceux qui t’entourent. Tu restes au près de lui chaque fois qu’il ferme les yeux, pour t’assurer que son sommeil se passera au mieux. Tu t’occupes des autres quand ses paupières se lèvent et qu’il peut t’appeler. Les pas sont toujours difficiles, mais ce matin tu te sens mieux. Les vomissements ne sont pas venus raccourcir ta nuit, la fièvre n’est plus, tu respires enfin sans encombre. Pourtant ton souffle se coupe chaque fois que tu poses ton regard sur lui, le maître de la terre au visage bien trop pâle pour qu’il en sorte quelque chose de bien. Tu sers sa main alors qu’il la tend vers toi, vers ton visage qu’il aimerait caresser. Il t’attire à lui avec difficulté, t’obligeant à baisser l’oreille jusqu’à son oreille. Il glisse un merci hachuré et tu comprends que rien ne va. Tu restes forte, pour lui, pour eux, mais ton esprit hurle. Tu voudrais être ailleurs, avec lui, loin du mal qui vous ronge. Tu voudrais être dans ses bras, étreinte par son corps, par son odeur fraiche et son amour sans faille. Parce que les jours sont comptés, parce qu’on ne comprend pas et que les langues se délient. L’amour frappe où on s’y attend le moins, il frappe en plein cœur sans qu’on ne puisse lui dire d’arrêter, de reculer. Mais tu vois l’être aimé s’enfoncer un peu plus dans les ténèbres à chaque heure qui passe. Sans pouvoir rien faire d’autre qu’apaiser la souffrance qui anime ses traits. Tu caresses son visage, un sourire de compassion accroché à tes lèvres. La journée passe et la nuit tombée, tu ne peux te résoudre à le trouver dans son lit une nouvelle fois. Tu n’arrives pas à quitter la roche à l’extérieur de Nytthus. A décrocher ton regard des étoiles qui s’agitent, comme un signe, une annonce que tout va changer. Tu ne comprends pourtant pas l’alerte lorsqu’il pose la main sur ton épaule. Il a l’air guérit. Il a l’air heureux. Alors tu le laisses t’enserrer de ses bras. Tu le laisses déposer un nouveau baiser sur tes lèvres. Tu le laisses t’accompagner dans une dernière nuit. Loin des regards. Loin des soupires et des gémissements. Vous vous abandonnez à aimer. Rien que l’autre. A deux.

La lumière de l’aube est passée depuis un moment quand tu te réveilles. Tu laisses le drap glisser sur ton corps pour te tourner vers l’amant. Tu caresses son torse de ta main pour arriver jusqu’à son visage. Tu dessines la courbe de sa mâchoire, le sourire aux lèvres, avant de te pencher contre lui. Prête à embrasser un nouvel amour plein d’espoir. Mais son corps bascule pour laisser découvrir un visage pétrifié, la bouche pleine d’un sang séché. Ses yeux ouverts te fixent sans qu’il n’y ait plus un regard pour toi. Tu découvres la mort les mains tremblantes. Tu hésites. Ne sait pas quoi faire. Par réflexe tu cherches à le réveiller. Tu le secoues pour qu’il te réponde. Mais il n’y aura rien. Plus rien depuis les derniers soupires, les derniers chuchotements et les je t’aime pensés si forts. Il n’y a plus rien que son corps sans vie. Les larmes et les sanglots s’emparent de ta carcasse qui se décale loin du cadavre. Recroquevillée sur le coin opposé du lit, tu n’arrives à détacher ton regard de la mort. Tu n’arrives pas à faire face à la vérité, pourtant tu la pleures et tu finis par la crier jusqu’à ce qu’on vienne te chercher. Jusqu’à ce qu’on t’emporte au loin. Qu’on te sépare à tout jamais de celui qui aurait dû vivre.