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Comme souvent, Lazar est seul. Il n’est pas du genre à chercher la compagnie des autres enfants. Déjà, il se dit qu’ils ne sont pas faits pour lui. Il est assis sur les marches du haut temple, ses petits genoux encore frêles serrés contre sa poitrine, son regard clair vagabondant sur les passants, dans la rue, juste en dessous. Il y avait des gens de toutes les couleurs et de tous les âges, de tous les sexes et de tous les milieux. Mais aucun n’intéressait l’enfant, pour une raison qui échappait à tout le monde, même à lui. Son regard est attiré par un garçon de son âge, qui se dresse fièrement du haut de ses quatre ou cinq ans, la main agrippée à celle de son père. Il se prenait déjà pour une grande personne, alors que sa peau était encore toute lisse, et ses mains, encore toutes potelées. Lazar ne le lâche des yeux que quand il remarque un rongeur, qui court sur les pavés – et c’est à ce moment qu’un sourire s’incruste sur son visage tout jeune. Il le regarde courir vers le piège qu’il avait élaboré, ingénieusement grâce à ses pouvoirs qui commençaient à se développer. Il regarde l’animal courir tout droit vers sa mort, son sourire carnassier toujours flanqué sur ses lèvres. Il est prêt à se lever quand il entend la voix du sacerdos dans son dos. L’enfant soupire, ses épaules s’affaissent, ses yeux roulent. Il devrait attendre encore un peu avant de pouvoir admirer le rongeur coincé dans son bocal. Peut-être serait-il déjà fatigué par ses tentatives pour sortir, résigné à continuer de fournir le moindre effort supplémentaires. Peut-être même verra-t-il Lazar comme une main l’aidant à le faire sortir, avant de regretter de lui avoir fait conscience et de sentir ses os se briser un par un sous son pied. Cette perspective était le seul réconfort qui lui donna la motivation nécessaire pour se lever, pour suivre les pas du sacerdos qui le menèrent à l’intérieur du haut temple, et survivre aux heures travail qui l’attendaient. Il avait bientôt fini – c’était ce que le sacerdos lui répétait depuis quelques semaines déjà. Il fit rapidement la connexion avec son cinquième anniversaire qui approchait à grand pas, et aux dons, découlant de son sang, qui devenaient assez puissants pour déterminer la couleur du bracelet qu’on lui enroulerait bientôt autour du poignet.

Ses yeux n’étaient restés fermés qu’un quart de secondes. Ses sens toujours en alerte, même alors qu’il est couché sur le ventre, il s’empresse de s’appuyer sur la paume de ses mains pour se redresser. En deux en trois mouvements, il se retrouve debout sur ses deux jambes, les genoux courbés, prêt à se remettre à courir. Il donne un coup de pied sur le sabre dont il avait été affabulé aujourd’hui, tombée sur le sable de l’arène faisant virevolter l’arme assez haut pour pouvoir enrouler ses doigts autour du pommeau. Il ne fait pas attention à la petite foule amassée autour des deux gladiateurs, dont les encouragements s’élèvent. Il n’y fait plus attention. Il faisait partie des coqueluches, de ceux que l’on aimait trop voir se relever après un coup comme celui que cette insatiable orange venait de lui asséner. Il crache le sang qui inondait sa bouche, essuie celui qui s’était incrusté au creux de ses lèvres, et adresse à l’orange un sourire qu’elle ne pourrait pas interpréter comme amicale. Il lisait partout sur son visage qu’elle était énormément déçue de ne pas pouvoir utiliser ses pouvoirs sur son esprit vert. Il n’avait, d’ailleurs, pas manquer de lui faire remarquer, avant même qu’on leur donne le signal pour commencer à attaquer. Rien ne marchera sur moi, chérie. Elle n’avait que ses membres et son arme, alors que lui avait sa logique aiguisée. Il n’avait qu’à la regarder pour savoir ce qu’elle allait faire – elle avait simplement su le feinter, une fois, une seule, mais assez pour le faire voler sur quelques mètres et lui égratigner tout le côté gauche de son visage. Mais elle ne fait rien, se contente de le regarder en retour sans dessiner le moindre geste. Les sourcils du mêlé se froncent, et il écarte les bras, émet un léger rire avant de commencer à s’avancrer. Fatiguée ? Déjà ? Chérie, on commence à peine à s’amuser ! Le regard de l’autre ne quitte pas son visage, et il a presque l’impression qu’elle le brûle. Il sent qu’elle essaie de s’infiltrer, de le transformer en marionnette, malgré la loi de la nature qui faisait qu’elle ne pouvait absolument rien contre lui. Cette pensée lui arrache un nouveau rire, et il continue d’avancer. On va finir par s’ennuyer, trésor ! Allez. Encore un petit eff – Il n’a pas le temps de finir sa phrase qu’elle s’était remise à bouger, et aussitôt, il comprend, anticipe chacun de ces mouvements. Il sait qu’elle va courir à en juger par ses genoux pliés, en presque exactement le même angle que ses propres genoux quelques secondes à peine plus tôt. A en juger par la position de ses bras, dans lesquels il la voyait reléguer toute la force qu’elle pouvait rassembler, elle lui assènera probablement deux coups de poings un la suite – dont un, sans aucun doute, en plein dans son abdomen, et l’autre au milieu de son visage. Fort heureusement, il n’était pas seulement vif d’esprit. Ses donc lui permettent d’éviter l’attaque alors qu’elle fond sur lui et que la foule exulte, et il n’attend pas le moindre millième de seconde pour abattre son pied dans le dos de la jeune femme, d’au moins dix ans son aînée, la projetant à terre, à plat ventre. Il ne lui laisse pas le temps de se relever, s’accroupissant sur son dos. Il prend un malin plaisir à la voir grimacer alors qu’il empoigne l’épaisse masse que forment ses boucles rousses, la forçant à relever la tête, provoquant certainement une douleur aigüe à l’arrière de sa nuque. Il passe la langue sur ses lèvres, essuyant le sang qui n’y avait pas encore tout à fait sécher. Le goût métallique de l’hémoglobine ne lui fait plus aucun effet. Il le connaît depuis son plus jeune âge, s’y est accoutumé ; il est même parfois déçu de se rendre compte qu’il le l’apprécie plus autant qu’autrefois. C’est en un geste agile, expert même – trop, pour l’adolescent qu’il est encore – qu’il glisse la lame de son sabre le long de la fine peau qui recouvre la gorge de la mêlée. Il sait exactement ou couper pour qu’elle souffre le plus possible, pour que sa mort soit lente et pénible, pour qu’un maximum de sang vienne tâcher le sol poudreux de l’arène. Fais de beaux rêves, chérie. Et la lame glisse dans l’autre sens, alors qu’il appuie plus fort. Il lâche les cheveux de la mêlée, dont la tête retombe comme celle d’un pantin. Il se redresse, n’adresse pas le moindre regard à la foule qui l’acclamait, dont une partie criait son nom. Il cherche le regard d’Aymeric et, quand il le trouve, ne peut résister à l’envie de lui envoyer un sourire et un clin d’œil. Le prince des flots allait toucher un beau petit pactole pour cette redoutable orange, que le jeune Salazar, du haut de ses dix-sept ans, venait de réduire au silence.

Debout parmi les mêlés, qu’il méprise tous, Lazar peine à faire comme s’il ne la voyait pas. Comme s’il n’avait pas passé les dernières années à faire glisser son regard sur sa silhouette, à chaque fois qu’il la voyait. Comme s’il n’avait pas retourné ciel et terre pour apprendre à la connaître sans même leur adresser un seul mot – ou très peu, les premiers adressés un an à peine auparavant. Comme s’il n’avait pas fait tous les efforts nécessaires pour surpasser le reste de ses camarades opprimés, pour s'assurer de figurer parmi les meilleurs et d'avoir la liberté de choisir le maître qu'il voudrait. Comme s'il n'avait pas lutter pour ne pas laisser son regard scruter son visage pendant trop longtemps. Il fait attention à chaque mêlé qui s'avance, prie à chacun de leur passage devant l'impératrice pour qu'aucun d'entre eux ne se retrouvent devant elle. Il fait attention à la couleur des bracelets portés par ceux qui se retrouvent liés à d'autres argents, et il a un instant peur que le matchmaker qu'il était allé voir, suppliant, ait refusé de lui octroyé le privilège qu'il lui avait demandé à cause de sa propre couleur, si peu représentée chez les adiutors des nobles. Mais quand il voit l'un des siens prendre place aux côtés de l'une d'entre elle, il ne sait réprimer un léger sourire qu'il parvient tout de même à faire disparaître presque instantanément.

Bientôt, son nom résonne dans la grande salle, et il s'avance vers l'impératrice. Il ne lui adresse qu'un regard rapide, lui qui n'aimait pas trop la voir sur le trône. Il est étrangement calme, ne bouge pas d'un millimètre, et ferme même alors que le Cercle est dessiné sur son front. Il finit par se retourner, sans manquer de s'incliner devant Sa Majesté, inquiet à l'idée de briser cette règle. Ses pas sont lents, ses jambes bougent toute seule, et il pince les lèvres pour s'éviter de sourire quand il prend conscience de l'endroit où elle le mènent. Diana Osanos. Une beauté froide comme il en avait rarement vue, un charisme auquel même lui ne peut échapper, un regard dans lequel il ne demandait qu'à se perdre. Il ne réalise qu'il se tenait désormais debout devant elle qu'au simple moment où il lui tend la main et qu'elle l'attrape, son regard clair rivé sur lui. La poignée de main se transforment en étreinte ; et si Lazar avait été prévenu des picotements qui s'empareraient de son corps tout entier, il n'est pas certains que ce qu'il ressentait n'avait à voir qu'avec le sortilège qui les enveloppaient. Leurs deux corps se trouvent, leurs deux corps se lient, comme ceux des couples précédemment formés – et il sent toute sa force, toute la vie qui la forme.

Il avait réussi.

Un coup de pied dans l'abdomen, et Lazar fait s'écraser au sol le vert qu'ils cherchaient depuis déjà plusieurs semaines. Il était rare pour les deux redoutables de nécessiter autant de temps pour une traque. Des jours durant, leur proie s'était jouée d'eux – mais ils avaient fini par le trouver. Comme à chaque fois. Le bronze qui les avait employés leur avait expliquer qu'il s'agissait de l'adiutor de sa femme, avec lequel elle entretenait une liaison depuis plusieurs années. Quand ils l'avaient averti que supprimer la vie du mêlé reviendrait à arracher celle de son épouse, le maître n'avait rien trouver à y redire. Il avait demandé la pire mort possible, et les deux cruels qu'ils étaient avaient échangé un regard et un sourire lourds de sens. La pire mort possible ; là était-ce qu'ils savaient faire de mieux.

Le bleu possédait un nom dont Lazar ne se souvenait même pas. Il se rappelait, cependant, l'avoir trouvé ridicule et ne pas s'être gêné pour le lui faire savoir. Maintenant qu'il était là, le dos contre le sol, le poignet apparemment brisé, ses bras et son visage parsemés d'entailles faite au couteau, il avait l'air beaucoup moins malin qu'ils l'avaient tout d'abord trouvé. Il avait, certes, réussi à les semer à plusieurs reprises. Mais il n'empêchait que c'était lui qui allait bientôt mourir. Cette pensée arracha  au jeune homme un sourire dont il était le seul à posséder le secret – un mélange d'enthousiasme et de cruauté, de joie et de froideur. Il les regarde tous les deux depuis le sol duquel il semble ne plus pouvoir se relever, peut-être tétanisé par la peur que tous deux répandaient sans même le contrôler. Ils s'approchent, Salazar se penche, comme pour mieux l'observer. Feyre ? L’intéressée répond par un oui assez langoureux pour faire s'agrandir le sourire du chasseur et pour lui faire tourner le regard vers le visage de l'orange ; long, encadré de longues boucles brunes, il était le seul visage familier autour de lui, désormais – et il mentirait s'il disait qu'il n'appréciait pas de pouvoir le regarder sans cesse sans qu'elle n'en soit dérangée. Bien au contraire. Diana l'ayant si gracieusement banni d'Aguarinui, mettant par la même occasion fin à leur presque romance clandestine qu'il chérissait tant, Lazar était plus que ravi d'avoir croisé le chemin de la Mormont, autre déesse qui suscitait chez lui des sentiments et sensations presque identiques à ceux que sa princesse n'était plus en mesure de lui procurer. As-tu la moindre envie de te salir les mains, ce soir ? Il savait qu'elle dirait non. Feyre ne ne salissait jamais les mains. Le sourire qu'ils échangent alors est presque sauvage, traducteurs de leur soif de douleur. Et si on fracassait son crâne contre un mur ? Il clappe des mains, une seule et unique fois, et reporte son attention sur le bleu qui demeurait immobile. Il n'avait qu'à le regarder dans ses yeux pour savoir qu'il n'avait plus le moindre contrôle sur son corps, et que la terrible s'était emparé de son esprit aussi facilement que si elle avait pris sa main. Excellente idée. À peine avait-il fini de prononcer ces deux petits mots que la proie s'était levée, ses jambes activées par une force qu'il ne maîtrisait pas, et qui le dirigeait vers le mur le plus proche. Il pose les paumes de ses deux mains sur la paroi refroidie par la nuit dans laquelle ils baignaient, et y abat sa tête une première fois, puis une seconde, puis une troisième. Il essaie de résister, ça se voit partout sur son corps tendu et tremblant. Un rire s'échappe de la gorge du bâtard, mais très vite, ça ne lui va plus. Plus fort. Il se délecte de voir le sourire de Feyre s’agrandir et d'entendre le son des coups que le bleu donne sur le mur s'amplifier. Il y a du sang, il a des sons dont il savoure la symphonie, il est sonné, il s’affaiblit – mais il ne meurt toujours pas. Et Salazar s’impatiente. Alors il avance, ses pas rapides qui sonnent comme la mort, et attrape une poignée des cheveux du bleu quand il arrive à sa hauteur. Son visage est méconnaissable, après à peine quelques coups contre un pauvre mur. Ça ne suffit pas. Pas à Lazar. Il prend le temps de lui sourire, espérant qu'il peut le voir, derrière ses prunelles ensanglantées, avant de serrer les dents et de rassembler toute ses forces dans son bras droit. Il lui fait prendre le plus de recul possible ; un seul coup suffit pour briser le crâne du mêlé, et lui prendre la vie. Il laisse la carcasse s'effondrer sur le sol, y laisse son regard pendant quelques courts instants. Il n'a qu'à faire quelques pas pour se retrouver aux côtés de Feyre, et pour pouvoir passer son bras autour de ses épaules. Allons chercher notre or.

Chaque fois qu'il fermait les yeux, un bout de sa dernière nuit passée en la compagnie de Feyre lui revenait en mémoire – court et vif, comme un intrus ne désirant pas être attrapé. Cette nuit n'avait rien eu à voir avec les précédentes ; cette fois, ça n'avait pas été le désir qui l'avait brûlé, mais les coups qu'elle lui assenait, sans relâche, lui faisant payer les propos qu'elle n'avait pas accepté. La seule mention du nom de Diana avait réussi à la mettre hors d'elle, et il avait suffit qu'il lui annonce que jamais elle ne l'aimerait pour qu'elle perde le reste d'humanité dont elle faisait encore preuve envers lui quelques jours auparavant. Il s'était vite retrouvé enchaîné, enfermé dans une pièce qu'il n'avait pas reconnu dans le noir qui y régnait. La cruelle ne l'avait pas quitté une seule seconde, n'avait eu de cesse de l'insulter, encore et encore, sa jalousie pour la princesse de l'Eau l'emportant sur l'estime qu'elle lui avait portée pendant ces dernières années. Ils n'étaient plus, à cet instant, le duo infernal qu'il avaient été, dont les noms mis côtes à côtes pouvaient faire trembler n'importe qui. Elle le détestait, et elle le faisait rire. Il ne savait pour qui elle s'était prise, mais elle avait l'air de tomber de haut, et bizarrement, le simple fait de la voir dans un état pareil arrivait à lui faire oublier la douleur qui animait chaque parcelle de son cœur, douleur apportée par ses soins. Arriva tout de même un moment où il ria moins ; celui où les forces le quittèrent, où elle cessa de l'amuser, où il lutait contre l'épuisement. Son cerveau, lui, ne sommeillait pas. Son don toujours actif ne cessait de réfléchir, et Lazar mit un certain temps avant de bien vouloir le consulter. Il l'écouta sans broncher, des heures après que la torture de Feyre ait commencé. Habiles de ses doigts, il avait laborieusement réussi à défaire les liens qu'elle avait noués autour de ses poignets, et l'avait frappée assez fort pour la faire valser sur plusieurs mètres et l'assommer. Il la connaissait. Il savait qu'elle ne se serait pas arrêtée tant qu'il n'aurait pas cessé de respirer. Il savait qu'il venait d'échapper, in extremis, d'une mort certaine. Ainsi commença sa marche – affaibli, dans un premier temps, puis vite affamé.

Il mit quelques temps à rejoindre le palais qu'il connaissait mieux qu'il ne s'en doutait lui-même. Le sang de ses plaies avait séché sur sa peau, ses yeux étaient soulignés de valises violacées, et ses membres tremblaient. Les portes ne s'ouvrirent pas tout de suite ; il dû crier, aussi fort qu'il le pouvait, pour assurer à qui voulait l'entendre qu'il était bien celui dont il avait l'air. Le Salazar qu'ils connaissaient, se ce n'était avec quelques années de plus, au cors plus sec, aux épaules plus larges, au visage plus ferme. Le bruit des portes qui pivotèrent sur leurs gonds fut comme un signal pour sa conscience. Il succomba avant même de savoir à qui appartenait la silhouette qui s'approchait de lui, non certain de si elle courait ou marchait, de s'il la connaissait ou non. Il s'en fichait. Il espérait, quelque part, que ce soit elle, mais il s'en fichait. Il se contenta de fermer les yeux, soulagé, sans même être sûr qu'il était en sécurité.

Il était déjà revenu depuis quelques temps, et c'était à peine si elle le regardait. Envers Lazar, Diana n'était plus que froideur et cynisme. Ses sourires se faisaient rare. Il n'était plus qu'un étranger, qui s'efforçait de faire son travail pour une femme qui rejetait sa mission avec un simple coup d'oeil. Mais il s'en fiche, Lazar, comme il se fichait de beaucoup de choses. Il se fiche de savoir qu'elle savait se défendre et prendre soin d'elle, qu'elle était loin d'avoir besoin de son aide pour survivre. Il s'en fiche, et c'est pourquoi il ne parvient pas à arrêter de la regarder, alors qu'elle est allongée sur le sable, vidant l'eau de ses poumons. Il porte une main à son épaule, que la lance d'un de ces foutus soldats du feu avait quittée, et ne porte pas la moindre attention au sang qui colorait le sable de rouge. Il ne pense plus à la mort qu'ils avaient tous les deux frôler, du meurtre qui s'était produit juste devant eux, du combat contre les chiens de l'empire. Il ne se préoccupe que du souffle court de Diana, de la vie qui l'habitait toujours malgré la panique qui l'avait saisi. Lui aussi, peine à respirer. Mais il s'en fiche. Tout ce qui importe, c'est qu'elle est vivante. Il ferme les yeux pendant quelques secondes alors que la princesse pleure, alors que la princesse crie. Il sait, Salazar, que son cœur vient d'être déchiré. Il revoit la tête d'Aymeric tomber sur le sol de marbre, coupé d'un geste expert que sa folie n'avait pas pu s'empêcher de trouver admirable. Aymeric, il ne s'en occupait plus. Il avait été celui qui les avait séparés, et il avait été hors de questions qu'il ait quoique ce soit à faire avec lui une fois encore, peu enthousiaste à l'idée de ruiner sa relation avec Diana une seconde fois. Il devra faire bonne mesure, il le sait. Il devra faire comme s'il était peiné d'avoir perdu son ami. Mais il s'en fiche. Il ne pense qu'à Diana qui semble vouloir s'essouffler plus encore, qui semble se casser en mille petits morceaux. Il n'ose pas la toucher, il n'ose pas lui parler, alors il ne fait que la regarder. Il cherche le longs de ses traits encore trempés un signe qui lui ferait savoir qu'elle arrêterait un jour de pleurer. Et enfin, elle se calme, se force à retrouver un rythme respiratoire normal. Il se sent lui-même plus serein à mesure qu'elle reprend contenance, mais refuse toujours de retirer ses yeux de sur son visage. Il la suit du regard quand elle se redresse, qu'elle se tient debout, droite, royale sur cette foutue plage. Il ne fait pas le moindre geste, ni le moindre effort pour changer d'expression, quand l'émeraude de ses yeux croise le saphir des siens. Il serre les dents quand elle pose sa main sur son épaule, à la fois parce que la douleur s'éveille légèrement, et parce qu'il avait bien longtemps que leurs peaux avaient été si proches. Il prend une grande bouffée d'air, pince les lèvres pour éviter de soupirer trop fort. Il n'y avait qu'en face de Diana qu'il ressentait se besoin maladif de contrôler les émotions qu'il laissait transparaître. Elle le connaissait par cœur, mais après presque dix ans passés à être liés pour l'éternité, il n'avait toujours pas envie qu'elle lise en lui comme dans un livre ouvert. Nous devons les prévenir. Et je te promets Lazar, leurs crimes ne resteront pas impayés. Il trouve suffisamment de forces pour hocher la tête, et il lève son bras valide pour venir poser sa main sur celle de Diana, aussi tendrement qu'il lui est possible. Tu peux compter sur moi. Une phrase qui s'échappe, une promesse qui se grave. Et puis, pour faire bonne mesure : On commence quand ?