(Le 9 Septembre 2164, à la veille du mariage impérial) Ton regard écrase chaque recoin de ta petite chambre. Au milieu de tes affaires, du lit et des étagères, l’éclairage trop criard à ton goût réduisent tes pauvres rétines  en cendres. Aveuglée, tu plisses les yeux afin de t’offrir une meilleure vue. Un flou artistique sur les rétines, tu cilles à plusieurs reprises et tentes de reprendre ta lecture. A la manière d’un récif qui se fissure après son tremblement, l’inconfort se fait intense sous la peau. Comme un souffle venu se heurter à la chair, tu pousses les doigts à venir tirer légèrement sur le col blanc de ta robe. Eviter l’asphyxie en éloignant d’un geste quelque peu malhabile la pression contre ta gorge. Il est quinze heures et tu n’en peux plus petite Historia, il faut que tu ailles faire un tour dehors. Ta respiration est haletante, tes yeux tressautent frénétiquement à la recherche d’un point d’ancrage. Tu te sens comme submergée, perdue en pleine mer, tu suffoques. Et cette pièce trop bien rangée n’arrange en rien les choses. Tes idées noires ne s’évaporent pas, mêlant ton impatience à le revoir, Cal et cette appréhension devoir à nouveau le quitter. Toujours lui et votre attachement maladif. Ce blanc parfait, ce rangement ordonné, cet alignement de matériels pour ton passe-temps préféré –la peinture à l’aquarelle. Toute cette vision qui s’étale sous ton regard égaré te laisse perplexe. Sans aucune hésitation, tu quittes ta maison pour te rendre chez une jeune femme que tu aimerais beaucoup voir, car tu as envie de faire la route avec elle pour te rendre à cet évènement que tu appréhendes d’une certaine manière : le mariage de ton meilleur ami.

Tu marches, petite Historia, tu marches dans les rues de Greenstall. Des froissements à peine distincts, des recommandations que l’intuition chuchote contre ton oreille. Un frisson pour ton échine, une démangeaison pour ta nuque. Les pavés se calent adroitement sous ta semelle quand ta cadence s’intensifie. Ennemi sans visage qui te pourchasse depuis dix bonnes minutes maintenant. Hydre indivisible pour tes pensées morcelées, égarée dans l’ombre avilissante. Les hypothèses s’entassent, se fractionnent dans les nouvelles théories à creuser. La comédie s’entretient dans une démarche faussement assurée. Duperie vaine, sans grande nécessité. Tu ne crains pas qu’on remarque ta désorientation, ni qu’on te questionne vis-à-vis de cela. Sans le poids de l’âme, sans la présence du cœur, que demeure-t-il ? Seul l’instinct te préserve de nouvelles pulsions irréfléchies : comme celle de frapper au porte de son Palais. Les mœurs d’une petite paysanne en haillons, sans nom ni valeur, déclenchant ainsi ces automatismes fortuits malgré toi. Les gardes se riront de toi avant de te jeter dehors. Reste encore à savoir quel rôle tu tentes d’endosser, celui d’une pauvre fille en manque d’un ami trop royal pour elle, ou celui de la raison qui te préserve de toute erreur fatale. La peur ne taraude pas ton esprit tandis que tu empruntes les voies familières avec un flegme indéfectible. Tu mènes tes pas dans le cheminement de ton itinéraire, t’implantes dans la rue quotidiennement fréquentée. A quelques pas seulement du logis de la belle Hissa Griffith, le mirage se brouille. Tu t’arrêtes un instant, une main au-dessus de la sonnette, l’autre sur la sangle de ton sac à main que tu as pris l’habitude d’emporter. Deux options pour une seule issue. Une simplicité très vite écartée quand le contact survient contre ce bouton qui laisse échapper une mélodie annonciatrice de ta venue.