Elle contemple le portrait familial, et se tourne ensuite vers sa mère. Effondrée. Elle ne voyait plus le bout de cette guerre, ne comprenait plus ce qui lui arrivait. C'était comme ça depuis la mort d'Aymeric, son aîné, son premier, son préféré. Son bébé. Et ça avait continué ensuite, avec les pertes de l'attentat de Launondie, et la capture d'Atalante, sa belle-sœur. Optimiste et joyeuse, agréable et charismatique, Anne-Marie n'était rien d'autre que le fantôme d'un passé. Une banshee épleurée, annonçant la mort des siens. La princesse pose ses prunelles ambrées sur sa mère, toute vêtue de noire et s'approche d'elle. Elle l'enlace et lui caresse les cheveux, alors que la régente du royaume d'Aguarini se met à pleurer. Ses larmes tombent, telles des comètes sur les bras de l'Héritière. Acides, elles semblent vouloir brûler sa chaire, s'insinuer dans les ports de sa peau. Chut, chut. Je suis là. murmure Diana dans l'oreille de sa mère. Elle dépose un baiser sur son front, protection qu'elle y appose. Besoin maternel qui naît et qui pulse à travers son palpitant. Les rôles étaient désormais inversés. C'était à elle de la protéger, à elle de protéger sa mère des démons du passés et de ceux à venir. Sa mère l'écarte doucement et se redresse. Elle pose ses mains sur sa robe noire, qu'elle époussette et s'éloigne. La princesse la regarde partir, le cœur tiraillé par une myriade de sentiments, avant de se retourner sur la table ronde et de regarder les derniers plans. Elle devait récupérer sa tante, elle devait la sortir des cachots du palais. Le mariage de Cal et Saeko Yinren, était le moment propice. Il fallait qu'elle en parle aux résistants, qu'elle les briefe tous sur leur mission. Et elle avait ses cours à donner, de maîtrise. Il fallait aussi qu'elle gère les missions en cours, et celles à venir. Et tout un tas d'autres responsabilités qui lui incombaient aussi, jusqu'au retour – l'espérait-elle – de sa tante. Elle ne pensait pas que sa tante avait tant à faire, mais les épaules pourtant encombrées par le poids du monde, elle se sentait prête à pouvoir tout endurer. La place qu'elle possédait désormais, était de choix. Elle inspire profondément. Elle avait atteint le sommet en peu de temps, et elle le savait, le prix de cette ascension incommensurable viendrait avec de grandes responsabilités. Mais aussi, avec surtout la peur constante, de chuter de son piédestal. Elle observe le tableau une dernière fois, et plonge ses prunelles dans celles peintes de son frère aîné. Aymeric. Elle aurait aimé avoir remarqué à temps ce qu'il était en train de devenir. Elle aurait aimé, pouvoir changer le fil du temps et celui du destin. Lui offre une seconde chance, ou une épaule qui lui aurait permit de garder la tête hors de l'eau. Mais elle n'avait pas réussi, elle n'avait pas vu les symptomes. Et son frère, était passé de généreux à égoïste, de bon à malhonnête. Et elle s'en voulait, et s'en voudrait toute sa vie. « On se sent nostalgique? » Elle continue de regarder la toile un moment, avant de se retourner vers Lazar. « Va cracher ton venin autre part, Dragomir. » elle n'avait pas le temps pour l'hydre en face d'elle, le démon revenu des enfers. Résurrection. Elle l'avait éloigné, l'avait banni de son palais et d'Aguarini à la minute où elle avait découvert ses penchants les plus sombres et ses envies les plus noires. Et sa trahison. Il avait maintes et maintes fois mit sa vie en danger, à elle. Aujourd'hui, si elle avait accepté de revenir sur la peine qu'elle avait auparavant prononcé, leur relation était toujours étrange et conflictuelle. Loin d'être acquise. « Rends toi utile, tu veux. Je veux que tu ailles voir Circe et que tu lui annonces que je ne reviendrai pas ici avant demain. » Il fronce les sourcils. « C'est lui ton adiutor, ou c'est moi? » Elle arque un sourcil avant de lever les yeux au ciel, ou tout du moins, là où elle pense que le ciel se trouve. « Il se passe quelque chose entre toi et lui? » Elle relève la tête, visage inexpressif. « La jalousie ne te va vraiment pas au teint, Lazar. » Il plisse les lèvres, agacé qu'elle utilise ce surnom, qu'elle raccourcisse ainsi son prénom si cher à ses yeux. Il s'apprête à dire quelque chose mais elle quitte la pièce sans dire quoique ce soit de plus. La lune était haute dans le ciel, cachée malgré tout par les sombres nuages et il était temps pour elle de quitter Launondie.

Sa cape noire vole autour d'elle, suivant le gré du vent. Elle frissonne un bref instant, avant de replacer ses cheveux correctement. Elle remet sa capuche, et s'avance dans les rues de la capitale d'Aerinstin. Elle n'avait jamais eu beaucoup de loisir à venir ici, le climat la dérangeant quelque peu. De plus, depuis le meurtre d'Isaiah Griffith, et le fait que les Valaeris les avaient montré du doigt, les Osanos n'étaient plus les bienvenues dans le royaume. Oleg avait cependant été destitué, et Elizaveta était devenue la régente de sa nation. Diana avait attendu ça durant une éternité. Elle avait cherché des alliés, sans se rendre compte, que ses plus grands alliés pouvaient être ceux de l'époque. Elle le savait, la maîtresse de l'air était fiancée à un Oshun, ceux-là même contre qui elle était en guerre. Mais Elizaveta avait été son amie, et il fut une époque, les deux nations étaient alliées. Alors elle lui avait écrit, tentant le diable, parce qu'elle aurait pu être découverte. Et elle avait accepté de la rencontrer. Elizaveta devait s'en douter. Une alliance était ce qu'elle recherchait, elle ne venait pas ici, risquant de se faire capturer par des gardes alors qu'il était arrivé la même chose à sa tante quelques jours plus tôt, pour simplement rattraper le temps perdu. Elle se dirige dans les vestiges d'un vieux temple, autrefois dédié à la cigogne mystique, emblème de l'air. La végétation y a reprit ses droits, et malgré le froid, elle a poussé en abondance. Diana se rend compte qu'elle est seule, que l'aube pointe le bout de son nez, et que les créatures commencent doucement à se réveiller. Elle s'agenouille et se met à rendre ses hommages à la créature autrefois vénérée de la nation de l'air, priant cette dernière de sa bonté et de la réussite de sa mission. Son père n'était pas au courant, et s'il savait la trahison qu'elle s'apprêtait à mener, il lui ôterait sûrement la tête lui même. Les bruits légers du bruissement des vêtements sur l'herbe, la font se retourner. Instinctivement, elle lève ses bras et l'eau du bassin sauvage, près de l'autel, s'élève dans les airs. Marée montante qu'elle créée d'instinct, pâle démonstration de ses réelles capacités. Elle se retrouve face à la Reine de l'air, maîtresse des vents. Eli. Lentement, elle abaisse ses bras. L'eau retombe dans un bruit léger, « Je n'étais plus certaine que tu viendrais. » Elle n'en doutait pas en vérité, elle avait juste eu cette méfiance de la voir débarquer avec des soldats. « La convenance voudrait que je fasse une révérence, je suppose. » Elle s'exécute de manière polie, pliant les genoux légèrement, et tirant sur sa cape. Elle passe une main dans ses cheveux, et regarde la beauté froide en face d'elle. Comment avaient-elles fait pour s'éloigner, pour arrêter de s'écrire ? Elle s'était trop enfoncée dans la résistance, oubliant ses relations sociales et sa vie. Mais sa vie désormais, était de récupérer sa couronne. Et plus encore. Elle abaisse sa capuche et pose ses ambres dans les iris de la majestueuse. Elle semblait épuisée, comme si le poids de ses actions était devenu un fardeau. Pourtant, elle restait fière, et le charisme qu'elle dégageait était perceptible sans qu'elle n'ait à ouvrir la bouche. « J'ai appris pour ton père. Je sais que la décision que tu as prise a dû être difficile. » Elle ne la quitte pas des yeux. Elle comprenait en effet, parce qu'elle était face aux mêmes réflexions. Elle même, savait que son père était nocif, et qu'il était un mal qu'il faudrait un jour ou l'autre éradiquer. Elle n'était juste pas encore prête. Parce qu'elle l'aimait, plus que tout. Et parce qu'elle estimait énormément sa famille. Était-elle prête à la faire passer avant tout, au détriment de son peuple ? Cela n'était plus probable, plus maintenant. « J'en suis désolée. Il ne se passe pas un jour sans que je ne regrette les erreurs du passé, de nos ancêtres, comme celles de nos parents. » Elle se tourne vers l'autel, emplie d'une grande gratitude envers cette divinité. Elle était fervente de l'ancienne religion, n'ayant jamais inculqué les principes de celle des sept dans son esprit qu'elle ne considérait que comme biaisée et hérétique. « Mais nous ne sommes pas nos parents, et même si nous payons les conséquences de leurs actes, nous pouvons changer les choses. Faire mieux qu'eux. » Elle inspire doucement, se rapproche d'Elizaveta. La tête haute, altière. « Je ne viens pas au nom de mon père, Elizaveta. » en d'autres termes, elle ne venait pas réellement au nom de la résistance. Oh, bien sûr, cette dernière allait faire parti de la discussion. Mais les intérêts iraient pour son peuple, et pour elle. Pour sa couronne.