« Il est juste là, au fond de la salle. Ne lésine pas sur les moyens, Yekatarina. Les larmes, les cris, les arrachages de cheveux. Je veux voir ce talent d’actrice qui sommeille en toi. » Un petit rictus mesquin étira les lèvres languides du Vasara alors que son regard bleuté se posa sur son amie et alliée. « Il est question de ton héritage. De ce que tu mérites. Kachi et tout ce qui se trouve autour sera à toi. La première étape d’une longue route. D’une longue route vers la gloire. » Brièvement, il serra la petite main de la rousse. Lui communiquant assurance et force. Pour l’instant qui allait suivre. Et pour leurs longues années de règne à venir. Achille pénétra dans l’auberge pleine à craquer. Comme si de rien était. Comme s’il venait simplement boire un verre après une longue journée de labeur. Même s’il ne savait absolument pas à quoi ressemblait une longue journée de labeur. Au passage, le blond salua quelques connaissances avant de finalement prendre place devant le bar. Jouer la normalité était absolument barbant mais il devait s’y contraindre. Au moins pour le prochain quart d’heure. Parce que ce qui allait suivre serait déterminant. Déterminant pour le futur d’Aeristin. Pour ce monde qu’ils voulaient créer. Ensemble. Une nation libre de toutes emprises. La liberté. Ce mot si cher qu’il ne cessait de prôner. Qu’ils allaient mettre en place, une fois qu’ils seraient les maîtres de ce nouveau monde. Et la magnifique Bolkonsky allait devenir un véritable cheval de Troie. Loup dans la bergerie. S’infiltrant parmi les siens pour mieux les conquérir. Pour faire entrer ses vicieux et corrompus amis, afin de chasser l’opposition. Comme les proies qu’ils étaient. Comme pour une scène parfaitement répétée et au timing incroyable, l’enfant des cieux se retourna alors que la terrible rousse s’approchait de lui. Un immense sourire fendit son visage alors qu’il l’attirait dans ses bras. « Yekatarina ! Par les Sept, ce que je suis heureux de te croiser ici. Cela fait longtemps. Bien trop longtemps, si tu veux mon avis. » Et Achille en rajoutait. Frôlant presque le ridicule. Mais il savait qu’ils étaient épiés, depuis le fond de la salle. Par un homme fermement loyal à leurs adversaires. Alors, la scène se devait d’être crédible. La plus grande dispute de tous les temps en public. L’occasion pour Yekatarina de donner l’impression qu’elle se détachait de son mouvement contestataire. Et pour lui, de donner – encore une fois – sa version des faits concernant la disparition brutale de celle qui, durant une période trop brève, avait été sa femme. « Je ne pensais pas te croiser par ici, que fais-tu en ville ? Une peine de cœur, peut-être, vu ton visage tiré. Un problème quelconque pour lequel je peux aider ? Tu sais que tu peux compter sur moi. Après tout, nous sommes amis, n’est-ce pas ? »