Le cadran tourna, et les clics de l’appareil brisèrent le silence. Il avait composé le numéro sans réellement réfléchir, n’avait pas cherché à connaitre la raison de ses actions. C’était machinalement, comme un besoin avide l’appelant à le satisfaire, qu’il s’était avancé vers le téléphone et avait décroché le combiné.
Un bruit sec annonça qu’à l’autre bout, on avait décroché. « J’aimerais parler à Vilanelle, » commença-t-il, la voix sobre et posée. Il fit fi des titres, se déroba de l’habit princier pour revêtir celui de l’homme, de l’ami. En cet instant, il n’était qu’Andrei. « C’est de la part d’Andrei Bolkonsky. » On lui demanda de patienter, qu’on partait chercher la demoiselle. Un soupir s’échappa d’entre ses lèvres alors que le silence se faisait roi.
Du bruit le réveilla de sa morosité, il releva la tête soudainement — comme s’il pouvait la voir se tenir devant lui. « Vilanelle ? C’est Andrei. » Banalités indignes d’un prince, mais aujourd’hui, voilà tout ce qu’il voulait être : inconnu, banal. « J’espère que je ne te dérange pas. A vrai dire, je ne sais pas vraiment pourquoi je t’appelle, je-- » Ses doigts tapotèrent le cadran du téléphone, alors qu’il cherchait ses mots, pesait le pour et le contre. « J’avais envie d’entendre ta voix, je crois. » Un temps, dans lequel il se perdit dans ses songes, scannant son âme à la recherche d’indices. « Ma sœur est morte. » Rien, si ce n’est le néant. « Liza est morte. » qu’il répéta, à la recherche d’un quelconque sentiment. Mais il ne trouva en son sein que le vide absolu.