Un recrutement. Encore une foutue mission de recrutement. Ida en avait par dessus la tête, vraiment. Elle aimait l’armée et la sensation d’appartenir à un mouvement important, elle adhérait à toutes les idées que les polluxiens lui mettait dans la tête, mais ces derniers temps elle éprouvait une sorte de culpabilité à faire tout cela. Ramener des gens innocents dans leurs rangs pour commettre des actes impardonnables, elle n’était plus certaines d’aimer cela. Ida avait changé, elle avait grandi. Elle avait beau en vouloir aux maitres, vouloir mettre les mêlés au pouvoir, elle était las. La Verte était convaincue que ce moment n’arriverait pas de ci-tôt, si ce n’est jamais. Et Alexei. Ô Alexei. Son prince, le gentil prince aux idées utopistes qui avait le don de la faire rêver. Elle s’était surprise à se laisser aller, à rêver d’un monde égalitaire comme Alexei en rêvait lui aussi. Plus le temps passait, plus elle se rendait compte que ce maitre de l’air, son maitre, avait une très grande influence sur elle. Trop grande, certainement. Et étrangement, elle ne ressentait plus ce dégoût qu’elle ressentait au début de leurs relations. Il la faisait changer, il la rendait meilleure, mais ça, elle n’était pas prête à l’avouer.

Elle tentait de rester concentré, elle devait chasser son prince de son esprit et chercher des âmes en peines qui pourraient facilement se laisser convaincre. C’est dans les bas fonds que la reine des glaces avançait, la tête haute avec une démarche presque royale. Focalisée sur sa mission, elle ne se rend pas compte qu’elle marche vite et qu’elle dépasse une personne qu’elle ne connaît que trop bien. Ce n’est que lorsque ses cordes vocales vibrent qu’elle se fige. « Ida. » Pas lui. Ce n’était vraiment pas le moment. Elle reste immobile un instant, et se tourne vers le Yinren, affichant un air faussement joyeux. Ses prunelles sombres se posent sur la silhouette frêle du jeune homme, son ancien rival avec lequel elle aimait être en compétition. « Je doute que tu te trouves à Céréza pour voir ton cousin. » Elle scrute le moindre de ses mouvements, inquiète d’être tombée dans un piège. Néanmoins, cette angoisse retombe bien vite lorsque Kohaku remet sa capuche et tout devient clair aux yeux de la Verte : il ne veut pas être repéré, lui aussi, il se cache. Ses yeux s’illuminent lorsque l’adrénaline se décharge dans ses veines. Son palpitant bat vite, trop vite. « Après les événements qui sont arrivés, je ne pensais pas te voir ici mais plus au côté du prince. » Elle ressent un pincement au cœur à l’idée d’être loin du prince, Ida. Cependant, le glaçon qu’elle est ne laisse rien transparaitre. Elle finit par briser le silence dans lequel elle était plongée depuis qu’elle avait posé les yeux sur son rival. – Kohaku. Moi aussi, je suis ravie de te voir. – Ironise-t-elle face au manque de tact et de politesse du maitre du feu avec un sourire moqueur sur ses lippes. – Mais puisque tu tiens tant à passer outre la politesse, faisons cela. – Elle ne bouge pas, ses iris d’un noir profond plongés dans les siennes. – Quelle perspicacité. Même un esclave illettré saurait que je ne viens pas ici pour voir cette brute qui me sert de cousin. – Elle rit, Ida. Elle cherche à le provoquer en critiquant cet abruti qui lui sert de cousin. – Et saches que le Prince sait se défendre seul. – Dit-elle avec une pointe d’amertume. Alexei savait se battre, mais l’idée de le savoir seul entre les quatre murs du palais la rendait folle d’inquiétude. – S’il te plait, ne gâches pas l’un de mes seuls moments de liberté en me parlant de mon maitre. – Elle est plus froide, Ida. Elle est dans l’exagération, car elle n’en pense pas un traitre mot. Et en disant mon maitre alors qu’il ne l’était plus, elle venait de se faire prendre à son propre jeu.