pseudo et prénom ‹ Dante, j'ai pas de pseudo, pas de prénom, même pas de numéro de sécu. âge ‹ Super vieux. comment as-tu trouvé le forum? ‹ Je saurais plus dire, vous m'excuserez. pays ‹ Heure de Paris. fréquence de connexion ‹ Tous les jours, et presque autant pour le RP. votre avis sur le forum ‹ C'est assez fou, comme densité d'univers, mais franchement bien fichu, organisé, on retrouve les infos qu'on cherche dans la multitude. Bref, je ne suis qu'amour et conjonctivite. smiley préféré‹  gif qui décrit le mieux votre personnage ‹ J'ai pas su choisir, donc :

Spoiler:

I.

Le garçon observe son frère par le-dessous. Une pointe lui chatouille la poitrine. Bien qu’il ne l’ait jamais tutoyée auparavant, il devine qu’elle porte le nom de la jalousie. C'est nouveau, en effet, cette défiance pour son propre sang, cette acuité sur les attentions maternelles suivant qu'elles le négligent ou qu'elles le comblent. Léonte a remarqué les pupilles qui coulent sur lui, aussi indifférentes que l'eau d'un torrent sur les pierres, mais s'attardent sur la figure admirable de son cadet ; elles dévorent d'un amour inconditionnel. Par moment, il le hait avec une ferveur enfantine – qui lui passera mais sans bordure. Léonte se demande ce qu’il a de spécial, se surprend à le déprécier. Ne devine-t-il pas le seul confident qu’il aura ? et quelles vilaines blessures leurs trop fréquentes séparations lui infligeront ? Pour le punir ou se protéger, l’enfant se réfugie plus fort, plus entièrement, dans l’ombre paternelle. Son admiration, qui ne connaît déjà aucune limite, est doublée par une affection exclusive. On n’a pourtant pas dressé les deux frères à se battre, et l’aîné n’est-il pas le favori du père, le plus savamment façonné ? C’est ainsi, sans doute : celui qui jouit déjà d’un privilège craint toujours qu’on l’ampute. Heureusement, la honte obligera Léonte à refouler le sentiment qui les aurait conduit à une mortelle rivalité, avant qu’il n’en retourne les éclats amers contre sa mère. Elle l’aime moins que son frère (ou même cette sœur qui n'a encore aucune forme et si peu d'existence). Il ne saurait dire d’où cela vient, sinon qu’il le sait.

II.

Lestée à la garde mais sèche et légère comme un fouet à la pointe, la baguette s’abat sur le bout des doigts. Si elle avait été faite de métal, elle aurait tranché propre et net. « Je suis fatiguée. » « Moi non, rétorque celui qui se remet en position. » « Tu ne l’es jamais ! » Métis se masse les phalanges en même temps qu’elle agence une moue qui se lamente. Ses jointures sont rouges, brûlantes, écorchées en plusieurs endroits qui, pour certains, suintent le sang. À l’inverse, Léonte est impeccable, le souffle maîtrisé, les cheveux presque en ordre et, en dehors d’une estafilade au-dessus de la pommette, il est aussi indemne que s’il venait de sortir du ventre maternel. Cela exaspère d’autant plus la mêlée qu’elle sait qu’elle ne peut pas le vaincre et le soupçonne de prendre plaisir à sa domination sans condition. « On pourrait décréter que tu as gagné. » Un feulement déborde de la bouche de l’Oshun. Le mouvement d’humeur n’échappe pas à Métis, qui n’oublie pas que Léonte ne se l’autorise qu’avec elle. « Ce n’est pas à propos de gagner… C’est à propos d’être prêts. » Appuyée sur sa baguette, l’adiutor se fend d’un sourire si ironique, tellement moqueur, que son maître se verrait l’effacer d’une coupe latérale. « S’il y a une attaque, jamais, je m’attends à ce que ce soit toi qui me protège, Léo. » Elle devine qu’il méprise avec quelle facilité elle se contente de cet état de fait, mais s’en fiche. « C'est dans tous les autres domaines que je te surpasse, elle ajoute avec une innocence bien fausse. » Léonte, qui pliait les genoux avec l'intention que l'entraînement vire à la correction, se redresse d’un seul coup. « Et lesquels, je te prie ? » « Tous, elle insiste. Les échecs, les mathématiques, l’équitation… Pisser debout. » Devant la trombine écœurée, elle rit franchement. « Tu es d'une vulgarité, il relève, sentencieux, comme si cela l'éclaboussait. » « Que veux-tu, mon bon prince... » Soulevant le bois du sol telle une épée, Métis pose la main sur ce qui serait le pommeau puis exécute une révérence aussi malhabile que grotesque – et volontaire à l'être. « Tu es la soie, et moi la suie. »

III.

Les voûtes et les arcades de la salle contemplent leur solitude. On entend le froissement du papier, le tempo des respirations. Toujours rigoureux, Léonte n’a plus été aussi studieux depuis Koldoveretz ; en tous les cas, pas dans les disciplines académiques. Ses doigts prennent garde de ne pas gâcher l’encre ni ne corner le moindre feuillet. Il a plus de précautions qu’avec quelque bijou et, cependant, une avidité plus coriace qu’un marin pour le litron. Les heures dilapidées – rarement plus d’une à la fois – sont soigneusement intégrées à son emploi du temps de sorte qu’il ne se passe plus de deux jours entre chaque rendez-vous, séance dûment honorée à l’heure dite. Et, l’instant à peine révolu, déjà Léonte se languit-il du prochain. « Que raconte ce passage ? » Prenant l’index déposé en travers de la page pour repère, l’archiviste tire doucement l’ouvrage à elle. « C’est écrit dans la langue commune, remarque-t-elle avec une précaution mêlée de perplexité. » « Je sais, répond Léonte à voix basse quand même n’y a-t-il personne à déranger, mais j’aime mieux quand c’est vous qui le racontez. » Après un moment de flottement, elle n’objecte pas. Elle s’exécute. Après tout, c’est un Oshun installé sur l’autre versant de la table : il a le sang bleu et droit à ses extravagances. Tant qu’il ne demande pas à la lire, elle, de plus près, elle s’estime plutôt bienheureuse. « Depuis le début ? elle demande. » « Depuis le début. » C'est ainsi qu'elle a commencé à lui faire la lecture, sans y penser. Il revenait chaque fois avec de nouvelles notes et références, qu'elle cherchait dans les archives ou qu'il faisait venir suivant leur possesseur et leur lieu de dépôt. Elle a fini par guetter ses visites. « Vous avez dû lire tout ce qui existe sur la Grande Guerre, lui fait-elle remarquer, un jour. » « Même si c’était possible, nous n’aurons qu’à remonter à avant cela. » Ce qu’ils ont fait.

IV.

La sueur trempe le front, et la bile les lèvres : « Je devrais être en train de me battre… Marcher sur Greenstall… » Voilà plusieurs nuits – depuis l’ordre de mouvement – qu’il rêve à soulever la poussière dans le sillage de son cousin. Ce n’est pas Cal qui le retiendrait de mettre la main au fourreau. « Et non tenir le crachoir à ces p-pontes… » Aucune injure ne monte assez bien à sa bouche. Pas suffisamment fortes ou suffisamment acérées, Léonte manque cruellement de la créativité qui apaiserait sa rage. « Technocrates… profiteurs de toutes les sortes et de toutes les tailles ! Ils sont si pleins de graisse qu’on doit leur tenir les gencives quand ils mangent et la bite quand ils baisent ! » La lame perfore tout le vêtement juste au-dessus du pelvis. Heureusement, il s’agit d’un mannequin de bois garni de paille et de coton. Cela n’empêche pas Métis de se tenir le ventre comme s’il venait de lui sortir les boyaux. Talons ramenés l’un contre l’autre, Léonte lui rend son œil mauvais, avec un petit éclat ironique pour intérêts. Cela convainc la mêlée de se détourner. Elle longe le mur jusqu’à l’ouverture dans la pierre, jette un regard au soleil sans pitié. Voilà des semaines qu’elle ne s’entraîne plus avec lui. Elle refuse simplement. « Qu’est-ce que tu fais encore là, demande-t-il à propos de l’instant autant que dans l’absolu. » Après la propagation du virus et la récupération de son maître, Métis aurait dû suivre le fleuve, de Dragondale jusqu’à Dryang. Elle n’a pas même essayé. N’a rien demandé à Léonte. Elle est restée. « Je supporte tes caprices, répond-elle avec le ton traînant d’une nourrice pour un enfant spécialement ingrat. » Un léger sifflement tranche dans la bouche avant que l’Oshun ne se remette à persécuter l’empaillé. Il lui fait cracher son rembourrage, stère après stère. Le fait est qu’il ne se sent pas mieux, jamais. Toute cette vaine violence ne le tempère plus.

V.

Il scrute ses mains comme deux sombres étrangères. Ce ne peut être les siennes tandis que le sang chaud – non, tiède – qui se répand dans les stries de sa paume, lui, ne peut être le sien. On l’accroche sous le bras, on le met sur ses jambes « Bravo l’ami ! beugle un homme au revers poinçonné d’une étoile à sept branches. Le Guerrier s’rait fier d’toi, il ajoute d’une bourrage dans l’épaule. » L’instinct de se défendre frôle Léonte à la nuque mais sa dague bat mollement contre sa cuisse. « En plein-coeur, siffle l’admiration du fanatique. On peut dire que tu connais ton affaire ! » L’haleine avinée lui entre dans les narines. L’estomac se retourne et il s’accroche à l’arrête d’une pierre taillée. Pupilles et lèvres closes en ont après les pognes poisseuses, rouge-noir par la nuit qu’il fait et le peu de lumières que la troupe diffuse dans son sillage. « Allez ! » Léonte n’entend pas l’ordre de sortir et d’aller, deux bâtisses plus loin, écourter la vie d’un autre mutant. C’est temps de purge, cette nuit, comme depuis quatre jours. Plus tôt, le fils d’Hector Oshun s’exfiltrait d’une maison cossue par une fenêtre malencontreusement fracturée. La lame bien astiquée après qu’il a commis les forfaits commandés, Léonte s’est simplement retrouvé là, dans un flux d’enthousiastes, de frustes, d’insanes et d’alcooliques. L’éclat d’assassin dans le fond de son regard les aura convaincu qu’il était de leur espèce. Comme il est seul, désormais, Léonte est effrayé que ce soit le cas. Comment le nier, cependant, à la vue de cette gorge si bien tranchée qu’on peut apercevoir le coeur ? C’est là-dedans, dans le puissant organe, qu’il a frappé, après qu’une douzaine d’autres se soient distraits de piqûres plus ou moins profondes dans le thorax, l’abdomen ou les jambes. Ce n’était pas de la pitié. C’était un meurtre, bien volontaire, bien net. À présent que ses esprits lui reviennent, il le sait. Il le regrette. Trop tard. Tout de même, Léonte le regrette avant que de se mettre à pleurer.