Greenstall

Le couteau flottait au-dessus de lui, comme planant dans un air tranquille, comme s’élevant par une force invisible. Maintenue par la main levée du K’han qui contrôlait désormais le métal, l’arme semblait inoffensive, patiente. Allongé sur son lit, lui la fixait, concentré à la tâche. Sa maîtrise grandissait un peu plus chaque jour, et chaque heure qu’il passait à s’entraîner le rapprochait encore plus d’une symbiose avec ce nouvel élément, qu’il apprenait à aimer petit à petit. Il ne craignait plus qu’on le haïsse pour ce pouvoir désormais, il n’avait plus besoin de se cacher ou de se faire plus petit. Lui comme tous les autres mutants. Ils étaient libres, ils étaient enfin acceptés au même titre que tous les autres. L’ère des parias, l’ère de la religion des Sept avait pris fin, et cela avec l’avènement d’Adonis. Le Griffith avait enfin repris le trône qui lui revenait, qu’il aurait toujours dû occuper, et avec lui, les mutants avaient pu renaître. C’était une consécration pour Gunnar, double même. La cause pour laquelle il s’était toujours battu, lui et tous les alliés du nouveau roi, était enfin arrivée à terme. L’homme qu’il avait toujours suivi et à qui il avait offert sa vie avait été couronné, et Gunnar était enfin en paix, en quelque sorte. Qui plus est, il n’était plus chassé pour ce qu’il était, pour cette perte dont il avait souffert atrocement, mais qui faisait de lui un autre homme. C’était probablement une nouvelle vie qui commençait, une sorte de remise à zéro. Ou presque, puisqu’il se battait toujours pour Adonis, mais en tant que Roi. Il devait toujours le protéger, le servir avec loyauté. Ces choses-là n’avaient pas changé, et tant mieux. Parce que c’était ce que Gunnar savait faire de mieux. Servir, protéger, se battre pour les Griffith quels qu’ils soient. C’était son quotidien au K’han, la vie qu’il avait toujours connue. Et qu’il espérait poursuivre encore longtemps.

Un bruit à la porte le sort alors de ses pensées, tandis qu’il fait tomber le couteau à côté de lui, sur le lit. Il parvenait à contrôler l’influence de ses émotions sur son pouvoir désormais, probablement la chose la plus difficile qu’il avait dû affronter avec la frappe du virus. Mais l’entraînement payait, le soldat l’avait toujours su. Il se redresse alors, se dirigeant d’un pas calme vers sa porte. Il se questionnait, perplexe, ne sachant qui avait décidé de lui rendre visite aujourd’hui. Mais il le découvre bien vite, puisque c’est sur sa cousine qu’il ouvre la porte. Un sourire apparaît instinctivement sur ses traits, en réponse à celui de la K’han. Jamais il n’avait besoin de forcer ses émotions avec elle. Depuis toutes ses années, leur lien avait toujours été très fort, un lien familial auquel il tenait beaucoup. Et la voir lui faisait toujours plaisir, quelle que soit la raison de sa présence. « Je tenais à te faire une petite visite avant de partir. Tu m’as beaucoup manqué, je n’allai pas laisser passer l’occasion. » Profitant du contact, il la serre aussi dans ses bras, heureux qu’elle ait pensé à lui avant de partir. Et pourtant, une petite pointe au cœur vint se faire sentir en apprenant qu’elle repartait encore. Il appréciait sa présence dans les parages, il aimait parler avec elle, passer du temps avec cette cousine qui le connaissait aussi bien qu’il la connaissait depuis leur enfance. Mais il respectait ses décisions, et si elle sentait le besoin de partir, il ne l’en empêcherait jamais. « Et j’avais besoin de te parler…je pense que tu es le plus apte à m’aider, mon cousin. » Il hoche la tête, acquiesçant aux mots de la K’han. Il avait toujours été une oreille attentive pour elle, toujours prêt à l’écouter, à l’aider du mieux qu’il pouvait. Il n’était pas parfait, il le savait, mais il faisait de son mieux. Parce qu’elle était son sang, et que sa famille passait toujours avant tout.

- Bien sûr, entre donc ! Il s’écarte du passage, la laissant rentrer à sa guise dans ses appartements, avant de refermer la porte derrière eux. Il ne voulait pas l’obliger à quoi que ce soit, mais ils seront toujours plus à l’aise que sur le pas de la porte. L’invitant à prendre place sur l’un des fauteuils occupant la pièce, il s’installe face à elle, soucieux de connaître la raison qui avait poussé Evangeliya à venir se confier à lui avant son expédition. - Tout va bien j’espère ? Un regard inquiet ne peut s’empêcher d’apparaître sur son visage. Il ne permettrait pas que quoi que ce soit fasse souffrir un membre de sa famille, et surtout pas Evangeliya. - Tu peux t’ouvrir à moi sans soucis, chère cousine. Je ferais de mon mieux pour t’aider, tu le sais bien. Et c’est un sourire rassurant qu’il lui offre, tentant de faire diminuer l’anxiété qu’elle pourrait ressentir à l’idée d’exposer ses tourments à Gunnar. Mais elle le connaissait bien, elle savait qu’il pouvait tout entendre, qu’il ne la jugerait jamais, et qu’il serait toujours présent pour l’épauler. Les K’han, c’était sacré pour lui.