Cher cousin,

Je le sais en effet et c'est pour cette exacte raison que voir tes mots couchés sur le papier, à mon attention, me troublent autant qu'ils me surprennent. Je ne m'attendais pas à recevoir une telle lettre, autant à cause du danger encouru, mais néanmoins habilement repoussé, que des vives traces laissées par nos entrevues passées. Nous étions des enfants, innocents peut-être, ignorants surtout, incapables d'imaginer que ces querelles idiotes qui nous semblaient alors horrifiantes n'étaient rien face au monde qui nous attendait. Je ne peux pas vraiment t'en vouloir Idriss, je ne peux plus vraiment, pas quand aujourd'hui de plus grands maux nous guettent, bien malgré nous.

Tu sais Idriss, je n'aurais jamais pensé que de nous tous tu sois finalement celui qui atteigne un jour ce qui est à présent tien, un amour véritable et sincère, une union voulue et chérie. Je pense te devoir alors moi aussi des excuses pour avoir cru que tu ne serais jamais plus que le gamin cruel que j'ai connu autrefois, jamais plus que le dernier d'une fratrie qui ne pourrait jamais vraiment aspirer à plus que la troisième place. Il faut un certain courage, et peut-être un peu de folie, pour se dresser contre lui, contre la couronne et je ne peux être qu'admirative de ton choix, déchirement je l'imagine qui t'aura néanmoins fait gagner ce qui nous sera, à nous autres, toujours interdit...

J'apprécie tes remerciements et pourtant, je n'ai pas réellement l'impression de les mériter. Saeko a été trahie de la pire manière qui soit et il m'est encore aujourd'hui impossible de l'accepter. Il était de mon devoir, par amitié, par dignité, d'être là avec vous, bien que j'estime ma participation bien maigre face à vos actions et surtout, vos sacrifices. Alors n'aies crainte, je suis toujours aussi peu soupçonnée qu'avant, toujours aussi peu considérée, la parfaite petite idiote que ton cher père a toujours voulu que je sois. Et de tous les dangers qui pourraient m'atteindre, tu es certainement l'un des derniers, l'un des moins imminents alors ne te préoccupe pas de moi Idriss, Saeko est celle à protéger aujourd'hui, ne pollue pas ton esprit d'une cause que tu ne pourrais combattre, je saurais sauver ma peau si cela devient nécessaire.

Tu es un Swanson et tu le resteras toujours à mes yeux, sache-le, et ce bien malgré nos différences et nos rancunes qui, je l'espère, finiront par totalement s'estomper, un jour. Il nous faut nous rapprocher Idriss, le temps de nos parents est révolu et ce n'est que dans l'unité que les Swanson réussiront à conserver leur héritage et leur intégrité.
Prends soin de Saeko et passe lui mes salutations les plus affectueuses, j'espère qu'ils vont bien, elle et l'enfant, prends bien soin d'eux Idriss.

Fais attention à toi Idriss, et n'envoie plus ton messager près du manoir Khodja, j'y suis très certainement surveillée, et je ne souhaite pas que nos missives tombent entre de mauvaises mains. Si nécessaire, tu peux faire confiance à Alden, il est avec moi à présent.

Avec toute mon affection,
Marlys.