La nuit. Ce moment où sombrement, la lune, dans toute sa splendeur, prends la place centrale au dessus de vos têtes. Dérangeant les rayons lumineux qui disparaissent petit à petit de vos radars. Et tout comme sa noirceur terrible, un enfer dissimulé, les gens sortent, souvent, pour cacher bien des secrets. Profiter de bien des sommeils, les yeux se fermant sur les vérités criantes, Morphée les prenant doucement par la main pour les mener dans un monde plus supportable que celui dans lequel vous vivez. Tu observes. C'est ce qu'on t'apprends, et te rabâches sans cesse. Seulement et simplement, regarder avec attention. Surveiller les allés et venus de ces âmes en perdition, se voulant énigmatique et reflétant le pêché. Tu n'en perds pas une miette. Tu attends. Patiemment. Tu le sais, tu l'as vu préparer ses plans l'autre soir, tu as entendu par mégarde ce qu'elle avait en tête. Ne fermant pas un oeil de la nuit, tu t'étais décidé à venir en avance, ta furtivité n'étant pas encore l'une de tes plus grandes qualités, tu avais décidé d’être plus malin. Sur la défensive, méfiant, tu gardais en ta possession une dague, caché sous ta cape d'un noir Transylvanie, te confondant avec ces rues, malfamées, dangereuses plus que mystérieuses, obscurs, teinté d'un aura des plus affolantes. Mais tu n'es pas inquiété. Ta cachette est parfaite, à l'ombre, derrière quelques tonneaux, assit par terre. Guettant, l'oreille à l'affût. Et le silence règne en maître dans la ville ; quelque chose se prépare. Tes entrailles remuent sous le coup de l'excitation, elle arrive. Ses pas se font presser, rapide, avec une pointe de méfiance. Tu la vois enfin, sous son capuchon, se traîner, sûr d'elle, pressant ses pas pour atteindre son objectif. Elle se faufile dans la rue, telle une ombre, regardant par moment derrière elle. Elle est maligne. Tu te surprends à le penser, celle que tu croyais sans histoire, pure au possible, dans la bonne grâce pour son élégance. Par sa famille. Mais ta méfiance, n'avait pas été veine la concernant, puisqu'elle se dirigeait tout droit vers le bordel au détour d'une rue. La vue dégagée, tu restes à ton poste, tu patientes encore. Juste quelques minutes de plus. Puis, doucement, tu longes les murs, les frôlent, ne faisant presque plus qu'un avec les ombres qu'elles crées, projetant aux yeux de tous la triste réalité ; l'enfer n'étant jamais très loin de la lumière. Derrière chaque lumière se cachant forcément une part d'ombre. Mauvaise bien souvent. Silence. Tu bouges au bruit du vent, tente de te frayer le chemin le plus secret. Tu arrives finalement, derrière la bâtisse. Les mots s'élèvent, s’entrechoquent, et s'embrassent, tu évites de justesse une jeune femme dans une tenue des plus inconvenantes. Tes yeux te brûlent presque par cette dévergondée contre laquelle tu pestiférais mentalement. Tes oreilles se baladent, cherchent, la conversation. Maladroitement, tu arrives près d'une fenêtre, t'accroupis, et écoutes. Une voix douce, féminine s'élève, pour finalement se lier au silence. Quelqu'un lui dit de se taire. D'abaisser la voix. Les échanges suivants, se firent en chuchotement. Tu fronces les sourcils, attrapant à la volée quelques mots. Mais rien de bien convainquant. Mise à part la preuve qu'elle se tenait ici, dans le boudoir. Et certains payeraient cher, très cher, pour savoir cette information. Une Yinren dans un endroit si malfamé ? Un rictus apparaît sur tes lèvres charnues, l'oiseau si beau et gracieux ne peut voler sans ailes. Tu te chargerais volontiers de lui les couper. Ses ailes.

Patiemment, elle attendait la venue de la poupée Yinren. Que leurs voix se mêlent et que leurs yeux se croisent enfin. Si elle restait distante avec l'enfant de feu, elle prenait pourtant un certain plaisir à converser avec elle, à essayer de rentrer dans sa tête quand son pouvoir restait sous silence. La frustration face à son impuissance la perturbait, mais la vipère ne laissait rien paraître, bluffant parfois les individus en leur faisant croire qu'elle arrivait toujours à lire dans leurs pensées alors qu'elle n'avait qu'à les observer pour deviner. L'être humain était si prévisible, si commun, et elle avait étudié chaque espèce, chaque race. Et si chacun avait ses caractéristiques propres, une chose restait semblable : leur faiblesse d'esprit. Affaiblis par la guerre, par le virus qui les avait frappé, leurs barrières tombaient plus facilement. Ô qu'elle aurait aimé garder ses capacités intactes, elle aurait joué avec leur âme avec malice. Mais la mêlée devait se satisfaire de son ouïe fine et de ses yeux de chat, capables de comprendre les sentiments d'un inconnu d'un simple coup d’œil. Parce qu'avec le temps, elle avait appris à déceler dans les traits de chacun des émotions, et elle les avait raccrochés aux pensées qu'elle percevait dans la pénombre de leur esprit torturé. La douce argentée la retrouvait enfin et elles s'asseyaient l'une en face de l'autre pour se plonger dans une conversation où sourires presque faux et paroles mielleuses se rencontraient. Elle l'aimait bien Thae, parce qu'elle avait cette innocence dans le regard qui lui donnait envie de la bouffer, de la pervertir. Et qu'en bien même elle était cousine de l'ancienne impératrice, Medea voyait dans les prunelles de la jolie un espoir d'union et de magouille. Mais alors que leur rire s'embrassaient dans l'air, l'oreille de la orange se tendit vers la fenêtre quand elle entendit un mouvement. Sourcils froncés, elle baissa instinctivement le ton de sa voix et invita la maître à faire de même pour éviter d'être entendue malgré la banalité de leur conversation. Elles continuèrent ainsi un moment, sans jamais que l'attention de la mêlée ne s'éloigne de cette fenêtre où une oreille indiscrète semblait se tendre. L'enfant finit par regagner les rues sombres de Jhiu N'guri, délaissant la charmeuse dans son boudoir. Pourtant, elle quitta aussi la propriété, retrouvant discrètement la ruelle sur laquelle donnait cette fameuse fenêtre. Et elle l'apercevait, caché dans sa cape, suivant du regard la poupée aux yeux bridés. Un sourire malsain et empli de malice étirait ses lippes maquillées d'un rouge carmin tandis qu'elle l'observait sur le côté. Il semblait patienter pour sortir de sa cachette, attendant que la divine ne puisse pas le surprendre, sans même s'imaginer une seule seconde que le démon le fixait à quelques pas de lui. Et avant qu'il ne sorte de l'ombre, elle le tira par l'épaule pour le bloquer contre le mur de la bâtisse, l'attrapant par surprise. « Est-ce de la curiosité mal placée ? Ou de la pure folie ? » demanda-t-elle sans attendre de vraie réponse. Elle sentit quelque chose tomber sur ses pieds, attirant son regard vicieux dessus: une bible. Machinalement, elle la repoussait d'un coup de pied léger, lançant le livre à un mètre d'eux. L'information remontait jusqu'à son cerveau et elle rigolait la mêlée, d'un rire strident, presque fou. Tout en le relâchant, elle continuait de le regarder, les perles enflammées « Elle n'est pas à vendre mon joli, mais je pourrais te proposer quelque chose d'autre, pour un prix alléchant. » disait-elle, évoquant Thae qui s'en était allée dans la nuit. Un pieu qui venait admirer des courbes interdites ? Un schéma qui avait souvent frappé à la porte du boudoir, et elle riait un peu plus Medea quand elle comprenait, par la qualité de ses vêtements et l'absence de bracelet à ses poignets, qu'il s'agissait là d'un maître à l'esprit égaré.