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Ce sont les derniers examens. J'observe Nathaniel et ses mouvements gracieux. Il n'a aucun mal à commander son élément alors que de mon côté, je peine à faire bouger un caillou. Tous les autres étudiants sont en parfaite harmonie avec leur élément mais pas moi. Coincée avec les pratiques de base, mon regard tombe sur mes pieds. J'entends les conversations, les rires amusés et l'excitation. La cérémonie de l'union approche mais je sais déjà que je n'en ferai pas partie. Je ne suis personne. Je suis invisible. J'ai beau avoir les meilleures notes dans toutes les autres classes, celles de maîtrise m'échappent. Je sers les poings, mes ongles s'enfoncent dans ma paume et c'est la voix enjouée de Nate qui me sort de mes pensées. Il attrape ma main, pour que j'arrête de me mutiler inconsciemment. Il me fixe et je ne réagis pas. Ce n'est qu'après un court instant que je fais un pas vers l'arrière pour qu'il me lâche. Parfois, je me demande ce qu'il fait à continuer de traîner avec moi. Moi, la simple fille de paysans, celle qui n'sait pas où est sa place. N'a-t-il pas honte d'être vu en ma compagnie ? Je ne serais jamais une maître aux pouvoirs terrifiants. Je ne serai jamais de ceux qui peuvent faire trembler la terre à la force de leur volonté. Il me demande si ça va. Bien sûr que non. Pas besoin d'être un orange pour le deviner. Pourtant, c'est un doux sourire qui apparaît sur ma lippe. Je le rassure. " Oui, oui, j'étais perdue dans mes pensées. " Que je me contente de lui dire. Ce ne serait pas la première fois. Il retourne avec ses camarades après un bref regard inquiet et je l'observe s'entraîner. Quel spectacle fascinant. Je dois me contenter d'être laissée de côté, comme c'est toujours le cas. Au final, je ne m'en plains pas car je ne supporterais pas toute l'attention.

Les reflets de la lune viennent caresser ma peau laiteuse et bien que toute la capitale soit endormie, je n'arrive pas à fermer l'oeil. Je peine encore à croire qu'Adonis est étendu juste là, à mes côtés. Si je tends la main, mes doigts pourraient venir effleurer sa peau. Lui, il réussit à dormir, mais moi... ce n'est pas mon cas. Les draps sont encore chauds de cette passion nocturne que je n'aurais jamais cru voir se produire. La chambre immense du noble m'oppresse car je n'ai pas l'impression d'y être à ma place. Une intrus venue se faufiler dans ce monde doré, ce lit interdit, pour une simple nuit volée. Mais je ne peux pas revenir en arrière. La marque invisible de ses caresses est imprégnée sur ma chair à jamais. Je glisse hors du lit et enfile mes vêtements éparpillés un peu partout dans la chambre. Je me sens comme une criminelle cherchant à fuir les lieux du crime. Un crime délicieux mais un crime quand même. Sans qu'aucune âme encore éveillée ne me surprenne, je me glisse dans les couloirs pour regagner mes appartements dans l'aile des serviteurs. Pourtant, mes pensées sont encore dans ce lit, près de lui. Mon innocence, je l'ai perdue dans ses bras. Cette vie simple à laquelle je m'accroche depuis toujours, elle s'évapore à chaque minute qui s'écoule. À son sourire charmeur, des regards en coin... C'est tout ce qu'il a suffit pour changer ma vie à jamais. Je ne le sais pas encore mais je ne serai plus jamais seule pour le reste de ma vie...

Les cris du bambin viennent briser mon sommeil peuplé de rêves paisibles. Je sursaute au milieu de mes draps et courent vers la chambre d'Aurora, certaine qu'on tente de me l'enlever. Mais quand je rentre dans la petite pièce peinte de rose, il n'y a que le bébé qui pleure dans son lit. Aucun monstre venu me l'arracher au milieu de la nuit. Pas de voleurs d'enfants pour m'enlever mon bien le plus précieux. Un bien qui n'a pas de prix. Je soupire de soulagement et vient prendre cette petite boule de vie affamée dans mes bras. Je m'installe dans la chaise bercante et nourrit l'enfant. Sa chaleur et la douceur de sa peau blottit contre ma poitrine fait glisser l'ombre d'un sourire sur mes lèvres. Il n'y a qu'Aurora et moi dans ce monde. Je ne peux compter que sur elle. Une partie de moi craint l'avenir. Je crains qu'un instant calme et chaleureux comme celui-ci se dérobe si jamais la vérité venait à éclater. Tout ce que je désire, c'est son bien. Son bonheur. Je m'en fiche d'avoir des cernes sous les yeux, de passer des nuits blanches à prendre soin d'elle. Elle est peut-être qu'une bâtarde, mais à mes yeux, c'est une princesse. Une reine. Je sais que je devrai me lever tôt le matin suivant mais je reste ainsi pendant presque une heure, à la regarder s'endormir de nouveau lovée dans mes bras. Je ne laisserai rien lui arriver, je m'en fais la promesse. Le meilleur moyen pour y parvenir, c'est de cacher son existence, la garder jalousement pour moi comme un trésor. Mon trésor.