Quelques mots pour faire plonger un Empire. Quelques mots, pour marquer la fin de tout. Cal a toujours du mal à y croire, et pourtant, c'est lui qui a prononcé ce discours. Il est l'architecte de sa propre destruction, le seul responsable de son propre sort. Il n'a plus la rage de vaincre, l'Oshun, il l'a perdu quelque part là-bas, sur cette estrade. Il l'a perdu lorsqu'il a pris la décision de dissoudre l'Empire. Il l'a perdu lorsqu'il a choisi de mettre un terme à son mariage. Il l'a perdu lorsqu'il a choisi de rejeter son épouse et leur héritière. Et pourtant, c'est lui qui a pris ces décisions, lui qui a fait ces choix, en connaissance de cause. Mais désormais, il se sent vide, et désespérément seul. Il ne sait plus pour quelle cause il se bat, quelles sont ses motivations. Il ne sait plus qui il est, lorsque son regard se pose sur le reflet que lui renvoie le miroir. Ça n'est pas ça, qu'il souhaitait pour son futur. Ça n'est pas cet homme, qu'il souhaitait devenir. Il s'est perdu en cours de chemin, l'Oshun, aveuglé par le pouvoir, mais aussi par l'amour. Il n'est pas sûr d'avoir fait les bons choix, mais existe-t-il seulement une telle chose?
Il s'éternise auprès de ses conseillers afin d'essayer de prévoir le chaos qu'engendrera son annonce. Isaure et Laurel sont présentes, comme toujours, elles conseillent, elles avisent, et lui écoute. Ce soir, il n'a pas envie de parler. Il sait pourtant que les cernes qui soulignent son regard, que l'expression tendue de son visage parlent pour lui. Mais les deux jeunes femmes s'abstiennent de tout commentaire. Finalement, la réunion s'achève, et Cal s'éclipse sans un mot de plus. Il ne prend pas le chemin de ses appartements, pas ce soir. Il se rappelle des mots du messager qui est venu les interrompre un peu plus tôt, pour lui signifier qu'il était attendu dans les appartements de sa maîtresse. Rae. Ce qui aurait dû n'être qu'une couverture pour son véritable poste au palais s'est transformé en vérité, au fil des mois. Mais la bronze représente bien plus que ça, en vérité, bien plus qu'une femme qui partage uniquement son lit. Une alliée, une amie, une amante. Il lui fait confiance, aussi étrange cela puise paraître. Il s'est pris d'affection pour cette femme qui a su tirer profit des difficultés que la vie a mis sur son chemin. Elle l'impressionne, la Skonos, elle qui n'avait rien à la naissance, mais qui se promène désormais dans les couloirs du palais la tête haute, qui évolue dans les plus hautes sphères de la société, qui a su construire son propre Empire. Un Empire de l'ombre, le seul qui tienne encore la route aujourd'hui. Cal ne sait pas pourquoi il a décidé de la rejoindre, ce soir. Sûrement car au fond, il n'a pas envie de passer la nuit seul, à ressasser. Même s'il sait que ses décisions lui reviendront en tête dès la première occasion, il a besoin d'autre chose, besoin de chercher à oublier. L'Oshun finit par arriver dans l'aile où s'est installée la bronze. Il pousse la porte, n'aperçoit qu'une ombre qui file dans son champ de vision en direction de la chambre. Il la suit, et son regard se pose alors sur la silhouette de Rae, allongée sur le lit dans une position théâtrale, semblant prise de court par l'arrivée du Roi. Il arque un sourcil, aurait probablement ri dans d'autres circonstances, mais il n'a pas le cœur à ça, ce soir. La brune descend du lit, s'approche de lui, prononce quelques mots avant de venir s'emparer de ses lèvres. Les bras du blond viennent encadrer sa taille, l'une de ses mains se perdant dans le bas de son dos, la pressant de s'approcher un peu plus de lui. Des baisers qui ont le mérité d'apaiser la peine écrasante qui s'est emparée de son cœur, mais qui n'effacent pas sa mémoire, rien ne le peut. « Il n'y a rien à dire. » Pourtant, il en aurait des choses à dire, mais il choisit de laisser son cœur souffrir en silence. Un instant, il laisse son regard s’attarder sur le visage de Rae, s’accrocher à ses iris, puis il pose à nouveau ses lèvres sur les siennes, avec douceur. Ses baisers sont imprégnés par la fatigue et la lassitude qu’il ressent, la passion semble s’être évanouie, mais qu’importe.