Il glisse le linge dans un seau d’eau de fortune avant de l’extirper calmement de ses doigts. Assis sur le bord du lit, le rouquin ne se presse pas. Il n’y a pas de feu, pas aujourd’hui, pas alors qu’
il a besoin de lui. Pour une fois, le leader met son rôle en veille pour devenir ce qu’il sait pertinemment être dans certaines situations particulières comme celles-ci. Il se fait le gardien du sommeil précieux, l’apprenti guérisseur pour lui offrir ce qu’il y a de mieux. Ce virus a contaminé bien du monde, et Anders lui-même saura profiter de cette chose qui accable les maîtres et les rend plus faibles, il a pour ainsi dire mis la machine en marche. Il sait que ses actions ne seront peut-être pas bien vues, mais tôt ou tard ils finiront par comprendre, tout comme ils comprennent le besoin de rester au chevet de quelqu’un qui est bien plus qu’un simple bras-droit à ses yeux. Le linge humide se tord sous son traitement puis il vient délicatement l’appliquer sur le front du contaminé. De par son humanité, Pollux ne craint absolument rien, raison pour laquelle il s’évertue d’une main de maître à prendre soin de celui qu’il considère comme
sa tête pensante. Ils se complètent si bien que c’en est presque effrayant, et Yerim est surtout bien trop jeune à ses yeux pour mériter de souffrir ainsi. Et pourtant les Sept savent qu’il sait se débrouiller comme un chef, une chose qu’Anders ne remettrait jamais en question. Nul ne sait combien de temps s’écoule entre le moment où il pose le tissu qui sèche un peu trop vite sous la fièvre, et celui où il s’éloigne un bref instant pour observer par la fenêtre du cabanon les bras croisés. C’est en silence qu’il attend, patiente, surveille chaque geste du jeune homme qui s’agite parfois entre les draps fins. Le temps d’un instant, le rouquin se demande s’il ne ferait pas mieux de l’emmener
en ville, mais il se rappelle alors que la contamination est partout et qu’il n’y a rien à faire hormis attendre.
Est-ce vrai que le lien entre mêlés et maîtres se brisent dans ces conditions ?. Murmures qu’il a commencé à entendre ci et là ou qu’on lui a ramené. A en juger par la souffrance que cela procure, il n’y a pas de véritable doute possible. Quoi qu’il se produise, cela n’est pas agréable, ni pour Yerim, ni pour le leader qu’il est.
Le soleil à son zénith signe la fin de la matinée sans guère plus de progrès. Pollux sait être patient quand il le souhaite, et il ne s’alarme pas. Lorsque la silhouette finit par s’agiter à nouveau, il retrempe le linge calmement et se met à chantonner l’un des chants de chez lui. De ceux qu’il avait l’habitude de fredonner à Sasha afin qu’elle s’endorme sereinement et ne pense pas à la nuit venant. En règle générale, cela fonctionnait plutôt bien et semble d’ailleurs avoir plus ou moins le même genre d’impact sur celui qui est allongé dans ce lit depuis bien trop longtemps à son goût. Epongeant son front, le plus âgé des deux lâche un profond soupir. «
Bats-toi. Il est hors de question que cette saloperie ne te ronge. Tu vaux beaucoup mieux que ça. M’oblige pas à venir à poil dans tes songes pour te forcer à te réveiller. ». Laissant finalement le linge frais sur le front du jeune homme, un sourire en coin vient étirer ses lèvres. «
Qui plus est… Je risque fort de finir par gribouiller sur tes cartes et ça… Ca tu n’aimerais pas vraiment. ». Les secondes défilent, toujours plus silencieuses les unes que les autres sans que rien ne se passe. Aucun progrès constaté. Pas même un geste indiquant un regain d’énergie quelconque ou même rêve éveillé. Alors il veille, l’homme plus âgé, demeure éternellement à son chevet. «
Reviens-moi Yerim. Reviens-nous. Ne me force pas à dire s’il te plait. ». Seulement, il se lève du bord du lit, file en direction d’un des coins du cabanon et se serre un verre d’alcool aux couleurs d’ambres. Les iris bleutées observent l’océan du coin de l’œil, de ce bout d’île qu’ils ont fait leur. Qu’il a voulu libre pour son armée. Et lorsque finalement il se remet à chanter, il sent en son for intérieur que bientôt Osyris va se réveiller et probablement lui dire de la fermer. Ses cheveux roux ont d’ores et déjà bien trop repoussés, telle une provocation supplémentaire à l’encontre de celui qui a déjà tenté une fois de lui faire
la fameuse remarque. Pour l’heure, il donnerait n’importe quoi pour l’entendre, ce qui prouverait au moins qu’il est en voie de guérison.
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