bitter are the wars between brothers. (eronis)

La colère l’inonde, comme une coulée de lave qui vient brûler tout son être. Il est un volcan prêt à exploser, et alors que le magma en fusion monte en température au sein de ses entrailles, le brun se lève brusquement de son bureau et quitte la pièce. La porte est claquée avec violence contre les murs en pierre. Le Griffith vient de lire cette lettre, qui est arrivée au palais il y a déjà quelques jours. Trop malade que pour consulter son courrier, il s’est attablé à son bureau il n’y qu’une heure à peine. Les pas du prince martèlent le sol, vivement, comme l’on martèle un tambour de guerre sur le champ de bataille. Jamais il n’a ressenti une telle haine envers l’objet de sa colère. Jamais il n’aurait cru pouvoir ressentir une telle aversion envers son sang, envers ce frère qui lui fait croire qu’il est divin, céleste.

Il n’est ni divin, ni céleste, le démon. Fils des enfers, le voilà comme un nouveau-né qui découvre un monde qui lui appartient. Autrefois froide, sa colère est bouillonante, désormais. Elle émane d’un feu qui n’aurait jamais dû se mêler si étroitement à la roche qui le constitue. Abomination parmi les siens, Adonis laisse pourtant la roche en fusion imbiber son sang et le brûler de l’intérieur. Si son frère est une montagne, il est un volcan. Prêt à pousser la terre sur son passage alors qu’il libère la colère de ses entrailles. L’homme ouvre la porte des appartements de son ainé sans prendre la peine de toquer. Il voit Hissa, dans un coin, qui lit un livre et qui lève la tête sur son passage. Adonis ne dit rien, les épaules droites et le regard de feu. Il se dirige vers d’autres pièces, la chambre : personne. Le petit salon : personne. Adonis le cherche avec minutie et impatience, la lettre froisée au creux de son poing. Il quitte cette aile du palais, descend les escaliers et va vérifier un autre endroit : le temple qui se trouve à l’arrière du palais. Adonis ouvre la porte sans révérence ni respect. Il la laisse claquer derrière lui alors qu’il voit le dos du frère adoré devant lui. Le prince eartanarien s’avance. « Eros. » sa voix est forte, dure, et résonne contre les murs de ce temple toujours silencieux. Un homme est là, dans un coin. Interrompu dans sa prière, il se lève et quitte précipitamment la pièce quand le regard féroce du prince blessé le touche. Adonis écrase le papier contre le torse de son frère, son regard brûle si fort que l’ambre de ses iris est encore plus clair que d’habitude, à la faveur des milles bougies allumées à la gloire des Sept. « Est-ce vrai ? Tu nous as TRAHI ?! » Il ne peut croire les mots de la sorcière qu’il a autrefois appelé amie, mais il y croit tout de même, parce qu’il sait qu’Eros n’aimait pas Isaiah comme Ariane et lui l’aimait.

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wars between
brothers

Le cœur bat, fait boum boum dans la cage thoracique, alors que le voilà de retour depuis quelques jours de son altercation avec la démone. Un fils, ou une fille, il n’en est pas moins le fruit de ses entrailles. Quelques jours à se noyer dans ce temple avec pour question : que faire ? Mais la réponse ne vient jamais, car celle-ci reste muette entre ses dents. Il pourrait le dire au monde entier, il pourrait se refuser de reconnaître l’enfant, mais en est-il capable ? Est-il capable de tourner le dos à son amante, à tout ce qu’ils ont construit, à cet enfant qui malgré la rage et la colère, reste le résultat d’une idylle qu’il ne saura jamais oublier ? Les poings serrés, le ventre grouillant de fatigue et d’épuisement il lie ses mains dans une énième prière, là où ses dieux ne lui répondront plus, car il les a déçu. Il s’est engoncé dans un tunnel fait de faux pas et d’erreurs et contre toute attente, il ne sait en sortir, il ne sait en s’échapper. Eros qui a solution à tout, n’a à présent solution à rien. Les cheveux complètement décoiffés, les yeux vifs, il ne dort plus, ne mange plus, ne fait que prier pour un résultat qui reste le même : l’angoisse qui le ronge, et la peur qui l’éveille.
C’est de sa faute, la seule personne qu’il peut accuser et pointer du doigt, c’est lui-même et il n’imagine pas même la montagne de chaos qu’il créera en dévoilant la vérité. Son histoire avec une Valaeris, avec LA Valaeris, le cauchemar de tant, le rêve d’un seul ; et puis un enfant bâtard alors qu’il est marié à une autre. Et ça venant d’un prêtre, un Sacerdos qui après ces erreurs devra sans aucun doute rendre sa tenue d’or et d’argent, la troquer contre celle du soldat qui l’appelle véhément. Parce que les Dieux ne parlent plus et peut-être que ça veut dire ce que ça veut dire : Eros n’a plus rien de l’élu, il est déception sur déception, mensonge sur mensonge. Il n’est plus rien. Il s’exaspère, souffle haut et fort et rejette sa tête en arrière, observant les belles frasques du temple. C’est son monde à lui cette endroit, une potence qui l’a pourtant toujours accueilli avec foi. Si même ici il ne se sent pas chez soi, alors où est sa place ? Sa place a toujours été auprès des Dieux, mais même eux se refusent à l’épingler. Il se lève, continue à marcher et s’arrête au centre de la bâtisse, posant une main sur le cœur. Il est toujours leur servant, il est toujours leur humble suiveur et rien, rien ne pourra jamais venir absorber ce fait. Concentré dans sa promesse donnée, il entend derrière lui des pas qu’il préfère ignorer. Hélas, la voix qu’il entend lui fait directement tourner les talons. – Eros. – ô Dieu, il reconnaît dans ses yeux la colère indigne, ô dieu, Adonis sait. Il sait tout, et Eros n’a besoin d’entendre la raison de cette rage, qu’il entend chuchoter ; Elvira. Il trouve ça plutôt ironique d’avoir été présent lors de colères noires d’Adonis mais de n’en avoir jamais été la cause. A présent il sait, à présent il ne peut oublier. – Est-ce vrai ? Tu nous as TRAHI ?! – Le mot est grand, peut-être exagéré. Eros lève passivement la main et porte ses yeux au parchemin. Les secrets gardés, une aventure malencontreusement continuée aux bras de l’ennemi. Hypocrisie sur hypocrisie, si seulement la colère dans les yeux de Adonis ne le rendait pas immobile, il lèverait les yeux au ciel. Elvira était, est, sera toujours un véritablement démon. – Je ne sais pas si trahir est la bonne tournure de phrase mais – Il se bouffe la lèvre, pas trop agile dans ses mots, pas trop agile dans sa posture. – Oui. Je savais pour Isaiah, je savais pour Elvira, j’ai effectivement eu une liaison avec elle. Que j’ai immédiatement arrêté après avoir découvert son implication dans le meurtre de notre frère. – ô il ne dit rien sur l’enfant, car le temps n’est pas encore venu ; le châtiment viendra bien assez vite.

Il ne voit pas, Adonis, que son frère a un quelque chose de changé. Il ne voit pas parce qu’il ne veut pas le voir. Le sauveur, le frère céleste qui l’a rendu grand, et le rendra encore plus grand. Son modèle depuis qu’il est en âge d’en avoir un. Son sang, sa chaire, quelque part : son tout. C’est cet être qui l’a trahi, et c’est comme si c’était lui qui avait poussé Isaiah par-dessus un balcon du palais des flammes. Comme si il avait décidé lui-même que leur cadet ne méritait pas de vivre. « Je ne sais pas si trahir est la bonne tournure de phrase mais » Adonis le dévisage, la colère brûle toujours en lui, elle coule, ardente, dans son sang. Eros se mord la lèvre, signe d’une nervosité qu’Adonis refuse d’interpreter. Il bloque tout, seule la colère parlera. « Oui. Je savais pour Isaiah, je savais pour Elvira, j’ai effectivement eu une liaison avec elle. Que j’ai immédiatement arrêté après avoir découvert son implication dans le meurtre de notre frère. » Adonis reste un instant interdit. Cette phrase, ou une claque de son frère, ça aurait fait le même effet. Le brun regarde son ainé sans le voir. La colère l’embrase tant et si bien que ses doigts tremblent. Il les glisse contre son front, et se retourne pour faire dos à Eros. Le temple est vide, et l’autel en pierre devant lui est plein de bougies et de fleurs et d’offrandes. Adonis a du mal à respirer, tant la colère étreint tout son être et compresse sa cage thoracique. Finalement il se retourne à nouveau vers Eros. « Et si c’était moi, qu’ils avaient tué, Eros ? » Il regarde autour de lui, ce temple, c’est ici qu’Eros entend ses dieux lui dire qu’il est l’élu et qu’il doit mettre son frère sur le trône. Adonis lâche un rire nerveux, plein de colère. « Isaiah était notre FRERE ! NOTRE FRERE QUE TU AS LAISSE TOMBER. » Il crie, et abat son poing sur l’autel, près de lui. Tout un pan du meuble sacré fond et glisse en lave brûlante aux pieds de son maître. Adonis n’avait pas encore révélé à son frère sa déformation, il secoue ses doigts, le geste n’était pas voulu et montrer son abominable déformation comme ça à son frère n’était pas voulu non plus. A nouveau, la main se pose contre son front, et ses doigts glissent dans la chevelure d’ébène. Le volcan s’est exprimée, la colère est un peu retombée, comme si chaque coulée de lave le déchargeait de ce magma brûlant de haine. Mais il ne hait pas son frère, non. Au contraire, il l’aime tellement que la moindre trahison est la plus douloureuse de toute. Eros avait été son premier allié, celui qui croyait le plus en lui. Il ne pouvait pas le perdre, et pourtant on le lui volait. Le démon de l’air le lui volait, et Adonis je pouvait pas l’accepter. « Si c’était moi qu’ils avaient tué, est-ce que tu n’aurais rien fait, comme tu l’as fait pour Isaiah ? » L’ambre glisse contre les iris plus foncées de son frère. S’y attarde. « Est-ce que tu aurais continué à protéger cette diablesse venue tout droit des enfers ?! Elvira n’a rien de bon en elle, rien. Et crois-moi, je suis le prochain sur sa liste. Et après moi, Ariane. Et il ne restera plus que toi, avant qu’elle ne te tue aussi. » souffle-t-il, plein de haine et de rage.

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Il a si mal calculé, il a si mal joué, qu’il en rit presque. C’est ironique, si ironique ; Parce que finalement il a menti pour le protéger, pour tous les protéger. Mais il aurait dû troquer hypocrisie contre une toque de franchise, parce que ça retombe comme une gifle, une gifle salée qui n’est qu’une mince part de la vérité. Parce que le frère ne sait pas pour l’enfant, ne sait pas pour les troubles, les doutes qui se sont si doucement insufflées dans les songes de son frère. Eros est perdu, et dieu il a besoin d’Adonis pour le remettre dans le droit chemin. Mais même le cadet ne répond pas, alors à quoi peut se raccrocher le gosse ? A rien. Parce qu’il a joué avec une entité trop grande et dans la défaite, il a tout perdu, allant jusqu’à lui-même. Alors il décide dans l’adrénaline, dans l’angoisse de déblatérer cette vérité qu’il aurait dû crier il y a bien des semaines. Il n’aurait pas dû cacher ce meurtre, il aurait dû cracher sur les mots de sa bien-aimée, mais ça semble si loin, si éloigné de ce qu’il est à présent. Et c’est peut-être pour ça que les Dieux ne lui parlent plus, c’est peut-être pour ça qu’ils ont compris ; qu’ils ont compris qu’il n’était pas digne. Il voit dans les prunelles de son frère, cette rage qu’il a lui-même ressenti en découvrant la réalité sur Elvira. Et pourtant, et pourtant il n’a, à l’époque, pas réagi. Alors il attend peut-être la claque, l’attaque, qu’il accueillera comme une vieille amie. Qu’on vienne ravager les maux, qu’on vienne faire taire les frustrations, qu’on tue l’homme ou le tas qu’il en reste. – Et si c’était moi, qu’ils avaient tué, Eros ? – Il secoue la tête, c’est impossible, ça le sera toujours. Adonis n’est pas fait pour mourir, Adonis est vivant et le sera toujours. Il est écrit dans les futurs livres, il est inscrit dans l’histoire, il est un roi, il n’est pas une déception. Isaiah n’était rien, et même s’il était son sang, le sien n’était qu’un sacrifice à tenir, pour les amener à aujourd’hui, un aujourd’hui prenant, promettant un futur où leurs ambitions seront enfin assouvies. Alors oui, une part de lui pleure la mort d’un cadet qu’on leur a arraché, une seconde préfère hocher de la tête avec indifférence. La Mort arrive, elle frappe, et contre celle-ci, jamais Eros ne pourra se battre, car c’est un destin qu’il ne saurait faire taire. – Isaiah était notre FRERE ! NOTRE FRERE QUE TU AS LAISSE TOMBER. – Eros secoue négativement la tête. Il n’a laissé tomber personne, pas même son frère. Il ne l’aurait pas laissé le tuer, ou du moins c’est ce qu’il aime se répéter. Parce que même s’il était aveuglé par sa douce chimère, il n’en était pas si fou que de la laisser toucher de ses doigts le nom Griffith. Et il a envie de gueuler à Adonis qu’il n’en savait rien, mais les mots restent givrer dans sa gorge. Avant même de pouvoir agir, le poing d’Adonis vient s’écraser sur l’autel du temple, alors que la pierre fusionne en lave et vienne glisser au sol. Les yeux doivent trahir l’étonnement, ou le choc. Un entre-deux qui s’entrechoque sur ses traits tirés, les épaules tendus, les mains prêtes à intervenir si le danger vient l'attaquer. Il n'y comprend rien, mais dieu, qu'est-ce qu'Eros comprend encore que la colère noire de son cadet? – Si c’était moi qu’ils avaient tué, est-ce que tu n’aurais rien fait, comme tu l’as fait pour Isaiah ? – Il secoue à nouveau la tête, les bras baissés en guise de défaite. – Est-ce que tu aurais continué à protéger cette diablesse venue tout droit des enfers ?! Elvira n’a rien de bon en elle, rien. Et crois-moi, je suis le prochain sur sa liste. Et après moi, Ariane. Et il ne restera plus que toi, avant qu’elle ne te tue aussi. – Et Eros ne peut s’empêcher de penser qu’il a probablement raison, qu’Elvira viendra bien assez tôt pour lui, mais il sera prêt ; prêt après tout le chaos qu’elle a créé, qu’elle a provoqué. O il est colère, ô il est tonnerre, il range pourtant cette rage bien profondément, pour ne pas laisser la terre parler avant ses mots. Il ne contrôle peut-être qu’une mince brèche de son élément, mais les explosions sont encore communes, elles sont encore dangereuses et terribles. Il ne pourrait se le pardonner s’il venait à briser le frère, à cause de ses méfaits, de ses actions. – Tu parles comme si j’avais tué Isaiah de mes propres mains. Je ne savais pas qu’Elvira allait participer au meurtre, si j'avais su je l'aurait arrêté. Mais Isaiah était le plus faible de nous tous, s'il était à sacrifier pour que nous survivions tous, alors soit. – Et il marque une pause, bien conscient que sa voix paraît passive, si indifférente. La voix du prêtre extérieur, si objectif, et pourtant si subjectif. – Lorsqu'elle m'a avoué son implication dans le meurtre, je ne pouvais pas la tuer Adonis, j'étais juste capable de la chasser. Toi, plus que quiconque, devrait savoir qu’on a chacun notre démon. Le tien est l’empereur, le mien est Elvira. Nous les aimons, nous ne les tuerons pas, point. – Un fait, une vérité, un truc qu’ils ne peuvent pas nier. – Et j’aurais dû te le dire, mais j’en étais incapable. Je suis désolé. – Il serre les dents, siffle entre celles-ci, espérant peut-être pouvoir éclaircir la prochaine vérité avec une voix confiante, une voix qui ne viendra pas trahir les trémolos du futur. – Elle a une chose de bien en elle. Mon fils. – Qu’il dit à mi-voix, un chuchot, un murmure. Il implore que le frère pardonne ; alors qu’il n’est qu’un chaos indéniable.

La surprise peint les traits familiers, le choc est si reconnaissable sur la face de son frère. Adonis le voit lever les bras, sans comprendre la signification de ce geste destiné à se protéger. Si il avait compris, il aurait peut être ri à nouveau. Que peuvent des maîtres de la terre contre lui, désormais ? Alors qu’il peut fondre leur élément et se l’approprier ? Mais Adonis n’a pas encore eu ce raisonnement, il n’a pas encore compris le potentiel de sa malédiction et n’y voit pour l’instant qu’une fatalité à cacher, à dissimuler aux yeux d’Eartanera. « Tu parles comme si j’avais tué Isaiah de mes propres mains. Je ne savais pas qu’Elvira allait participer au meurtre, si j'avais su je l'aurait arrêté. Mais Isaiah était le plus faible de nous tous, s'il était à sacrifier pour que nous survivions tous, alors soit. » Adonis ferme le poing, et la lave à ses pieds bouillonne un peu plus fort, elle fait fondre les pieds d’une chaise à portée, le métal est avalé tout cru par le magma, mais Adonis ne peut pas s’arrêter, il ne peut pas contrôler ce que sa rage dévore. La coulée se fait lente, cependant, elle attend un geste de son maître, elle attend qu’il desserre ce poing et lui ordonne de s’emparer de tout le temple, et de couler, de coller, de brûler, de tuer. Jamais Adonis n’ordonnerait ça, car perdre un frère lui faisait suffisamment mal. Il connaissait cette douleur, et même si cela faisait maintenant presque un an et demi, elle n’était pas passée. Elle ne pourrait jamais passer, alors jamais il ne réitèrerait l’expérience. « Lorsqu'elle m'a avoué son implication dans le meurtre, je ne pouvais pas la tuer Adonis, j'étais juste capable de la chasser. Toi, plus que quiconque, devrait savoir qu’on a chacun notre démon. Le tien est l’empereur, le mien est Elvira. Nous les aimons, nous ne les tuerons pas, point. » Il est tellement choqué, le prince, qu’il ne dit rien. Il observe Eros, la rage tordant ses traits, les rendant laids de colère et de frustration. Comment osait-il comparer leurs démons ? Cal n’avait jamais tué l’un des sien, il n’avait pas ploté pour assassiné un membre de sa famille (il avait fait pire, il l’avait condamné à mort lui) alors qu’Elvira l’avait fait, elle, et en temps de soi-disant paix. « Et j’aurais dû te le dire, mais j’en étais incapable. Je suis désolé. » La voix d’Eros est passive, lointaine. Elle est presque faible, à côté de la colère ardente du cadet. Adonis desserre le poing, presque prêt à l’écouter, peut-être, quand Eros lui assène le coup de grâce. « Elle a une chose de bien en elle. Mon fils. » C’en est trop. Il doit reculer, pour ne pas prendre de risque de le blesser plus avec son élément instable. Adonis fait quelques pas en arrière, la lave durcit, elle redevient pierre, alors que la source de sa chaleur s’éloigne. Il fini par heurter le mur, dans son dos, mais ne quitte pas son frère des yeux. Il a imposé une distance entre eux, tire sur le fil invisible qui les relie et menace de le briser. Mais si ce lien se brise, alors tout se brise. Tout ce qu’il est, tout ce qu’Eros a forgé malgré lui. Adonis ne serait pas le même homme si son ainé n’avait pas été Eros. Il serait différent, moins ambitieux sans doute, car ses ambitions sont nourries par les murmures et les promesses de ce frère, qui lui dit depuis toujours qu’il est promis à un destin qui dépasse l’entendement, et qui dépasse la vie des simples mortels. Il lui murmure que les dieux les ont choisi, l’un en tant que prophète, l’autre en tant que roi. Le droit divin est le leur, alors sans Eros, Adonis n’est rien, il ne peut rien faire. Il ne peut pas perdre cet allié, et plus encore, sa chaire et son sang. « Tu… » Il a du mal à respirer, et regard autour de lui. Encore et toujours, il glisse ses doigts contre son crâne. Qui est-il pour lui faire la morale sur un bâtard, alors qu’hier encore Wanda Oshun était enceinte et qu’il était le père ? « Cet enfant, il ne peut pas passer avant nous. » souffle Adonis. Son regard est presque cruel. « Ne m’approche pas. » fait-il avant même qu’Eros puisse esquisser le moindre geste, il le prévient, le frère a vu ce dont il était capable et si il le blessait lui, il ne se le pardonnerait pas. « Tu n’as rien fait, même en sachant. Ne rien faire, c’était tuer notre frère une seconde fois. Même Ariane est plus réactive que toi. Même elle ! Cette… Mollassonne qu’est notre sœur est plus réactive que TOI. C’est ELLE qui a obtenu la tête d’Oleg Valaeris de sa fille, pas toi. » Il bouillonne tellement, Adonis, ses mains tremblent, tout son corps tremble. Il essaie de ne pas bouger, car il a peur que le moindre geste fasse fondre la pierre. « Comment peux-tu être sûr que c’est TON fils ? Elvira ne t’es pas fidèle. » Et qu’en sait-il, lui ? Il n’a jamais partagé la couche de la démone, et il en est bien heureux. Elle aurait pu l’y égorger. « Elle te manipule, comment peux-tu ne pas le voir ?! » La haine tord ses traits, encore. Il s’avance, c’est plus fort que lui, mais la pierre fond à nouveau et se transforme en lave, devant son pied. Il jure en reculant, la rage refusant de le quitter. La rage est comme celle lave, elle le touche, le colle, l’englobe, le brûle, façonne son corps et prend sa forme, pour ne faire qu’un avec lui. « Et ne mentionne pas l’Oshun. » il fait comme si, comme si il le haissait et au fond, Adonis le hait. Cal n’est pas le monstre que tout le monde croit : il est pire. Du moins pour lui. Incapable de s’exprimer, il aime son corps pour haïr son être, il possède son enveloppe charnelle, pour rejetter tout le reste. La comparaison est faible, et pourtant si bien trouvée. Leurs démons contre qui ils doivent se battre, mais que ni l’un ni l’autre ne tuera un jour. Les frères Griffith sont perdus depuis le jour où ces démons sont entrés dans leur vie. Et Adonis est injuste de lui en vouloir, mais quelque part, en vouloir à Eros lui permet d’oublier le dégout qu’il a envers lui-même, cette colère, incessante, qui brûle en lui tant et si bien qu’elle oublie la terre et épouse le magma de l’enfer. Cette colère qu’il a contre une seule personne, depuis des mois. Au fond la personne qui entretient le plus la colère d’Adonis est Adonis. Parce qu’il est incapable d’oublier ses sentiments, de s’échapper d’ue relation toxique et malsaine. Parce qu’il est incapable d’ouvrir les yeux et d’écouter.

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La lave sous les pieds, la terre ancestrale brûlée, Eros n’a pourtant d’yeux que pour son cadet. Il a fait du mal à Adonis, c’est indéniable, c’est un fait, et dans ses yeux il voit le même dégoût que dans ceux de ses ennemis. Ceux qui le croient fou, fou allié. Et peut-être qu’il l’est, à croire en une chimère, à une illusion, à un enfant pas encore né. – Tu.. – Qu’il lui dit dans un murmure, alors qu’Eros a la langue liée, la gorge sèche. Le regard vidé de toute émotion, on le croit fantomatique, stoïque, ne trahissant aucune émotion. Parce qu’il a l’impression que c’est la chose à faire, que s’approcher et s’excuser davantage, ça serait aggraver le problème, ça serait provoquer. Eros il ignore la lave, le nouveau pouvoir de son frère, celui qui fait de lui un truc différent, un Maître sans l’être. Le gosse est pas près de l’accepter ou même de le remarquer, parce que ça voudrait dire qu’à présent il ne se batte plus pour la même nation, plus pour le même élément. Et c’est séparer ce qui est déjà brisé, c’est se torturer encore un peu plus. – Ne m’approche pas. – Et c’est une insulte, c’est une phrase prononcée pour l’accabler, pour faire éclater cette vile culpabilité, ce terrible poids qui vient lui insuffler qu’il a fauté, il a fauté sur toute la ligne. Il anticipe plus, il contrôle plus, il est perdu, une épave, et pourtant le visage ne bouge pas. Les lèvres sont pincées, incapables de sortir de cette transe, à croire qu’il rêve, à croire que les yeux observent mais que l’âme a quitté le corps. – Tu n’as rien fait, même en sachant. Ne rien faire, c’était tuer notre frère une seconde fois. Même Ariane est plus réactive que toi. Même elle ! Cette… Mollassonne qu’est notre sœur est plus réactive que TOI. C’est ELLE qui a obtenu la tête d’Oleg Valaeris de sa fille, pas toi. – Et les accusations sont vraies, il aurait pu dire quelque chose, il aurait pu la dénoncer, mais Eros n’a rien fait pour la protéger, pour préserver son secret plus longtemps ; pour pouvoir peut-être encore feigner l’innocence et la naïveté. Et c’est un mensonge qui lui crève le cœur, tous ces mois à fermer sa gueule, à mentir à Adonis, il mérite probablement son gourou et sa colère. Il mérite qu’on l’accuse d’avoir été passif, indigne de son nom, de cette gloire, de la bravoure qu’on reconnaît dans son sang. Il a courbé l’échine face au mal, et il ne peut en vouloir qu’à lui-même. Même si au fond il ne regrette pas, ne regrettera jamais. – Comment peux-tu être sûr que c’est TON fils ? Elvira ne t’es pas fidèle. – Eros fusille son frère du regard, car il sait que c’est hypocrite, que finalement peut-être Adonis et Eros n’ont jamais été plus que semblables, influencés par leurs cœurs, par la faiblesse de leur amour pour la mauvaise personne ; pour ces erreurs qui leur collent à la peau. Mais le gosse sait qu’Elvira n’est peut-être pas une enfant de cœur, loin de l’ange qu’elle laisse paraître, elle ne le trompera pas. Si elle l’a jamais aimé. Petite brèche dans son masque invisible, il se reprend pourtant vite, car il se souvient qu’Adonis a le droit d’être en colère, de l’attaquer, de le provoquer, quand Eros a lui-même utilisé les mêmes armes. – Elle te manipule, comment peux-tu ne pas le voir ?! – Eros rit, un rire sans âme et sans émotion, le visage stoïque, le regard de biais, il observe son frère, bien conscient qu’à tout instant il pourrait faire brûler la pierre à ses pieds. – Oh parce que notre cher empereur ne fait pas de même Adonis ? – Parce qu’il veut bien reconnaître son tort, mais Eros n’est pas naïf, il n’est pas bête, il connaît Elvira, il la connaît mieux que personne, et il savait, il sait que pendant toutes ces années elle s’est jouée de lui. Mais il le savait et il l’a laissé, parce qu’au moins, au moins elle lui donnait l’impression d’être vivant. – Et ne mentionne pas l’Oshun. – Eros cesse de sourire, son visage se fond dans l’obscurité, alors qu’il serre les dents pour ne pas lui balancer une pique sanglante. Fais ce que je dis, mais pas ce que je fais ; et ça l’énerve, ça l’exaspère, parce que c’est parler contre un mur, alors que l’un comme l’autre n’écoutera jamais. – J’accepte tout ce que tu as à dire sur Isaiah Adonis, j’ai mal réagi, j’ai été un lâche. Ca je peux l’accepter, car c’est vrai, je ne peux pas le nier. – Il marque une pause. – En revanche, tu n’es pas en position de venir critiquer ma relation avec elle. – Il soupire, parce que c’est voué à l’échec, que la réconciliation semble s’évaporer dans la lave qui bouillonne. – C’est mon enfant, j’en suis sûr, je ne te permets pas d’en douter. Tu n’aimes peut-être pas Elvira, et je sais qu'elle est terrible, que c'est un poison, mais c’est mon fils dont nous parlons. – Et il le défendra, le défendra jusqu’à la mort. Qu’on le crame, il le fera au moins le menton levé.

Le moindre geste est un danger. La moindre émotion trop vite, la moindre pique de volonté pourrait faire partir cette lave en direction de la source de tous ses maux, aujourd’hui : Eros. Il laisse sa rage choisir les mots qu’il lancera à la figure de son frère, sans permettre à sa raison de lui dire d’arrêter, sans lui laisser la moindre petite chance de venir poser cette barrière pourtant vitale à leur relation fraternelle. Adonis s’en prend à Elvira, parce qu’Elvira est un monstre. Un monstre d’ambition, avide de sang, et surtout du sien. Parce qu’elle n’avait pas réussi là où lui avait réussi, elle avait décidé de le faire tomber et ça, Adonis ne l’avait jamais oublié. La trahison de celle qui avait appelé amie pendant des années était amère, et il ne la pardonnerait jamais. Mais Eros rend les coups, il en a probablement assez de plier l’échine face à son cadet. « Oh parce que notre cher empereur ne fait pas de même Adonis ? » le choc se peint très clairement sur le visage du brun, qui ouvre légèrement la bouche sous le coup que lui inflige son frère. « J’ai aimé Cal, mais il ne passera jamais devant un Griffith. » souffle-t-il, dégouté que son frère puisse ne serait-ce qu’y penser. La famille avant tout. Ariane, Eros, Isaak et Izolda. Aucun ne passera après ses sentiments… Ou du moins c’est le conte qu’il aime se raconter, quand il pense un peu trop au blond qui hante sa vie. «J’accepte tout ce que tu as à dire sur Isaiah Adonis, j’ai mal réagi, j’ai été un lâche. Ca je peux l’accepter, car c’est vrai, je ne peux pas le nier. » Le frère marque une pause, et Adonis attend, la lave bouillonant toujours à ses pieds. « En revanche, tu n’es pas en position de venir critiquer ma relation avec elle. » Le brun secoue la tête, la colère est visible sur ses traits et elle est visible dans le magma qui ne semble pas vouloir se durcir Il continue de grignoter des pans du marbre qui forme le sol du temple. « C’est mon enfant, j’en suis sûr, je ne te permets pas d’en douter. Tu n’aimes peut-être pas Elvira, et je sais qu'elle est terrible, que c'est un poison, mais c’est mon fils dont nous parlons. » Adonis sent la colère remonter, plus puissante. « Ton fils… » Une grimace de rage déforme ses traits. « Cinq ans avec Hissa et tu la dénigres complètement pour faire un FILS à une femme qui a voulu la mort d’un de tes frères et a obtenu celle de l’autre frère. » C’était vrai, Elvira l’avait voulu mort, et il ne serait pas étonné de savoir qu’elle le voulait encore une fois mort. « Et tu oses comparer ça à mes sentiments pour Cal ? » Il l’admettait maintenant : oui il l’aimait encore. Adonis s’avança vers Eros, la lave suivant ses pas. « Et tu OSES me dire que je ne peux pas critiquer ta relation avec le démon ? » Un rire mauvais s’extirpe de sa bouche, juste quelques instants. Il glisse une main contre son crâne, et de rage, il oublie, le maître de la lave. Il oublie qu’il contrôle un élément puissant, dangereux, mortel, il fait un geste trop brusque, quand sa main redescend de son crâne. Un geste qui envoie un peu de lave, comme les projectiles de cailloux qu’il savait envoyer jadis, vers Eros. Et ce projectile vient frapper son bras, et bruler le vêtement, et toucher la peau.

Et Adonis fixe la blessure, avant de se précipiter vers son frère. La colère retombe, d’un coup. Elle s’évanouit, remplacée par la peur. La lave durcit, s’oublie de son maître, et le cadet redevient un frère en un éclair. Il pose ses mains tremblantes sur le bras de son frère, autour de la blessure. « Eros. » Sa voix meurt, alors qu’il observe la blessure. C’est léger, très léger, mais ça aurait pu être bien pire. « Pardonne moi. » qu’il demande, l’homme redevenu enfant.

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