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Son corps svelte repose parmi les draps. Le grand espace à ses côtés est vide, mais elle pourrait jurer voir les traces de ses larges épaules éternellement marquées sur les tissus d’un blanc aveuglant même au milieu de la nuit. Ses doigts fins glissent à la surface. Si elle ferme les yeux, elle le voit. Juste là, étendu contre elle. Elle frissonne à imaginer son souffle chaud au creux de sa nuque où il aurait trouvé refuge. Les flammes de ses boucles lorsqu’elle se réveille le matin. Mais son immense lit est vide. La sirène est l’unique créature échouée dans les vagues de satin. L’absence prolongée de l’amant la tourmente et la ronge. Où es-tu, cruel compagnon ? Par quel droit te permets-tu de venir hanter mes nuits de solitude ? Pour échapper aux questions qui l’assaillent, elle s’abandonne aux bras de Morphée. Mais le sommeil ne fait que l’effleurer lorsqu’elle prend conscience d’une faible lumière dans la pièce et de la présence du colosse dans le cadre de porte. Elle ouvre lentement les paupières, ramenée vers la réalité. Elle dépose ses iris sombres sur l’élusif voleur de son glacial myocarde. Elle trouve appui sur ses coudes et laisse le silence tomber. Et si quelqu’un l’a vu se faufiler jusqu’à chez elle ? A-t-il été suivi ? L'amante qui se languissait de son fantôme reste de marbre devant l'apparition de chair. Les cheveux d'ébène de la nymphe cascadent sur la moitié de son visage, couvrant la soudaine étincelle de reproche dans ses pupilles abyssales. « You should be here, especially not in the middle of the night. » La même histoire, la même danse. Un instant, elle s'accroche et ne veut plus jamais le laisser disparaître par cette même porte. L'autre, elle se sent rassurée de le savoir loin, et ne pouvant menacer sa montée fracassante vers les cieux d'une royauté fermée. La rejection de la ténébreuse ne semble pas atteindre le rouquin qui s'approche. Le voile lumineux de la bougie tout juste allumée laisse entrevoir le rictus sur ses lippes. Toujours ce même air malicieux, cette attitude inébranlable. Elle croise les bras, appuyant le dos contre la tête de lit. Tout dans l'attitude cherche à le chasser alors que quelques songes plus tôt, elle rêvait de la chaleur rassurante de ses étreintes. Il vient la rejoindre dans les draps, fait glisser ses mèches foncées derrière son oreille. Elle reste immuable jusqu'à ce qu'il sussure ;  « I missed you too. » Le coeur de la sirène s'emballe, offusquée par son charisme insolent. Le visage de l'humain n'est qu'à quelques centimètres du sien alors qu'elle le défie du regard. Le temps s'arrête. Toutes les résistances de la brune s'effrondrent. Il est si proche mais si loin d'elle à la fois.

Il causera sa perte.
Mais cette nuit, elle se perd dans la promesse brûlante,
de ses lèvres venues se sceller aux siennes.
Abandon.

Escortée jusqu’à une salle à la lumière blanche et aveuglante, la ténébreuse est forcée de s’asseoir. Bras croisés sur sa poitrine, cette mascarade ne lui plaît clairement pas. Elle sait très bien la raison de sa présence ici. C’est derrière son bureau, vêtue de ses apparats du jugement qu’elle devrait se trouver. Pas ici alors qu’elle est scrutée et interrogée comme une vulgaire fugitive. On la fait attendre, prisonnière de sa solitude. Un des magistrats qui travaille avec elle entre alors, suivi de ce que la belle peut deviner n’être rien d’autre qu’un capteur de pensées traîtresses. « War is coming. I hope you understand we have to make sure people like you are still loyal to the rightful emperor. » Il n’y a personne comme moi. Mais s’il veut dire des enfants de l’eau, alors il n’a rien à craindre. Elle a choisi son camp quand elle a dénoncé l’impétueux rouquin, et les nouveaux bouleversements politiques entre nations ne viendront certainement pas chambouler son allégeance. Elle invite du regard l'orangé à oser pénétrer les barrières de son esprit. Elle n'a rien à cacher. Elle est même insultée d'être conviée à cette interrogatoire sans fondement. Constamment, elle prouve sa dévotion pour la couronne. Constamment, elle vend un peu de son âme pour eux. Elle donne, elle donne et elle donne. Est-ce tout ce qu'ils ont à offrir ? Des soupçons et de la méfiance ? « Go ahead, get inside my mind. You'll see nothing. Only emptiness. » Elle leur a tout donné, ils ont tout pris. Il ne reste plus rien. Ou presque. Quelque part, y'a le désir de fuir les erreurs passées. « Beside, if I wanted to burn your kingdom down, I would have left Launondie. I would not stay here. That would be a pretty stupid move. » Son ton suffisant souligne l'ironie de la situation. Les armées de télépathes au service de la couronne aurait eu tôt fait de la démasquer. Les deux hommes s'échangent un regard et la ténébreuse comprend que cette rencontre arrive à sa fin. Il ne sert à rien de chasser les traîtres là où il y en a pas. L'unique personne qu'elle a trahi est l'ennemi numéro un des maîtres. Oui... l'existence de la Laeddis ne semble plus être constituée que d'ironies à présent.

Les rêves de ses bras puissants autour de son corps, de ses mains parcourant amoureusement ses courbes sont remplacés par ses doigts se refermant avec violence autour de son cou. La respiration courte et bientôt impossible n'est plus le produit d'ébats passionnés et délicieux mais est plutôt symptôme de la peur d'une vengeance terrible. Peut-être le mérite-t-elle... Alors, elle ne se défend pas. Elle laisse l'amant maudit serrer plus fort. Bientôt, elle suffoque et ses poumons s'enflamment pour protester contre l'absence d'oxygène. Les ténèbres l'entourent, le monde chavire. Dans un sursaut, elle se réveille. Les perles de sueur coulent le long de sa colonne et plaquent sa chevelure de chocolat sur son visage. Elle enfile un châle translucide pour ensuite s'aventurer sur le balcon. L'air frais de la nuit vient rassurer son instinct mis à l'épreuve par les cauchemars de plus en plus percutants. Serait-elle dotée de nouveaux dons de prémonitions ? Est-ce sa mort prochaine qu'elle distingue dans ses rêves ? Même éveillée, elle doit fermer les yeux et tenter de se calmer car les ombres de la nuit ressemblent beaucoup trop des loups à ses trousses. Loups qui peuvent prendre la forme de n'importe qui... même ses amis les plus proches... Elle jette un coup d'oeil derrière son épaule, certaine d'avoir entendu le rire cristallin d'Astrid. Un écho lointain, venu du monde des morts pour venir la tourmenter. Elle n'arrivera pas à aller dormir de nouveau, elle le sait. Les draps de son lit risquent de se transformer en corde autour de son cou. Submergée sous le courant de craintes trop vives, elle reste recroquevillée contre la rambarde de marbre. Le front appuyé sur la pierre, elle observe le paysage de la capitale et se demande ce que demain apportera.