La décision avait été prise. Le prince eartanarien allait emmener quelques hommes vers Foushin. La ville était proche de la frontière avec Aguarinui, et de celle avec Aerinstin. Le père d’Adonis ne s’était pas opposé à cette décision, après tout il ne souhaitait pas avoir ce fils trop ambitieux dans ses pattes trop longtemps, et préférait le voir loin. Persuadé que le jeune homme se satisfaisait de son statut de prince, il ne semblait pas se rendre compte que l’homme avait un plan en tête et qu’il allait bientôt le mettre à exécution. La lettre d’Elizaveta venait de lui parvenir, et il était désormais temps pour lui de sortir de l’ombre et se faire sécession avec son père une bonne fois pour toute. Ce qui voulait dire que Greenstall lui serait bientôt interdit. Le palais qui l’avait vu grandir serait temporairement un territoire ennemi, quand il aura trahi son père. Adonis avait déjà donné l’ordre d’empaqueter ses affaires. L’homme ne se contentait pas de quitter le palais quelques jours : il déménageait. Et pour cela, il devait réunir les hommes et les femmes qui lui avaient prêté allégeance. Sa colère toujours vive envers Eros le força à ne pas aller le voir en premier. Il se rendit d’abord sur les terrains d’entrainement, dans le but d’y trouver Gunnar ou Kaz, afin de les informer de sa décision. Il aurait pu les faire venir à lui, mais Adonis se voulait encore relativement discret. Le jeune homme avait même enfilé des vêtements d’entrainement, même si il ne comptait pas réellement s’entrainer, du moins pas avec sa maîtrise. L’homme était effrayé par ce nouveau pouvoir qu’il s’était découvert. Il avait tué un homme, et le lendemain à peine, il se disputait avec Eros et avait fondre l’autel sacré sur lequel son frère faisait ses offices pour le peuple de Greenstall. Adonis savait qu’il devait apprendre à maîtriser ce terrible pouvoir, Aléa n’avait de cesse de le lui dire, mais il refusait de le faire si quelqu’un se trouvait trop proche. Même la bleue n’était pas conviée. Vivre sans elle n’avait jamais été une option, et pourtant désormais il était possible qu’il lui fasse de mal et soit obligé de vivre avec ce fardeau. Et ça, il en était hors de question. Le Griffith se rendit donc sur le terrain d’entrainement malgré la fatigue qui lui collait toujours à la peau après un mois de maladie. Il glisse ses doigts contre sa joue où une fine barbe persiste, et aperçoit Kaz Ravenscar au milieu du terrain. Il s’approche avec un léger sourire, mais ne va pas trop près. S’approche d’un soldat en plein entrainement n’est pas la chose la plus avisée à faire. « Kaz. » il laisse sa voix l’atteindre sans forcer dessus. Adonis est conscient de son propre charisme, du pouvoir qu’il a forgé au fil du temps, qu’il a cultivé grâce à sa position d’ambassadeur et de Griffith issu de la branche héritière. Le prince Eartanarien attend que son ami l’ait vu et entendu, avant de s’approcher. « Alors, comment tu t’en sors ? » demande l’homme en avisant une petite pile de vieux métaux en face de lui. Certains avaient perdu leur maîtrise de la terre, avec ce virus. Les Griffith avaient pris connaissance de tous les nouveaux dons, ou presque. Il y avait encore quelques soldats qui ignoraient leur destinée. Adonis faisait partie de ceux qui disaient ne pas savoir. Il avait peur que ça se sache, qu’on le traite en monstre et qu’on refuse de le suivre dans son combat pour obtenir le trône. Il n’était plus un maître de la terre après tout. Si son cœur battait toujours pour Eartanera, il n’était pas certain de pouvoir toujours se considéré comme Eartanarien.

Son ami et fidèle soldat l’accueillit comme toujours : d’un sourire radieux. Adonis ne lui répondit pas de la même manière. Depuis sa sortie de prison, l’homme souriait beaucoup moins souvent et avec beaucoup moins de joie. Il semblait toujours préoccupé, toujours ailleurs. Quelque part, il l’était, puisque son plus grand ennemi s’était emparé d’une partie de son âme et la conservait jalousement sans espoir d’un jour la lui rendre. Il avait pris tout ce qu’il y avait de beau en Adonis : sa joie de vivre, sa légèreté, sa générosité et une confiance parfois candide. « Tu devrais faire gaffe, je m’en sors tellement bien que plusieurs personnes sont déjà venues me voir pour me dire qu’elles me verraient bien sur le trône. Si tu m’épouses, le problème est réglé, cependant. » Adonis ne put s’empêcher de sourire, amusé. Autrefois, il aurait lâché un rire sonore et se serait peut-être même emparé de la bouche de Kaz, juste pour lui clouer le bec. Adonis n’en fit rien. Il avait moins ce genre d’envies, ou d’impulsion. L’homme secoua la tête. « Ça te ferait beaucoup trop plaisir. » Fit-il avec un ton tout de même amusé. « J’ai parié avec Aléa que c’est la maîtrise du sable, que tu finiras par développer. Comme ça, toi et moi, on part en voyage romantique sur la côte et tu pourras construire des milliers de châteaux éphémères. » Le vague sourire de l’homme s’effaça alors que Kaz, sans le savoir, avait mis le doigt sur ce qui le dérangeait : il n’était plus capable de rien, avec la terre, si ce n’est de la brûler. Douce ironie. Celui qui s’était longtemps approché des maîtres du feu leur ressemblait désormais bien plus qu’il ne l’aurait jamais cru. Son ami remarqua son changement d’humeur, le manque de joie en lui. Elle devait être visible comme le nez au milieu du visage. Nez qu’il avait d’ailleurs légèrement déformé. À nouveau, ses doigts glissèrent sur l’arrête tordue, l’os s’était mal ressoudé à cause du virus et Adonis ne retrouverait jamais la forme originale de ce trait sur sa figure. « T’as une petite mine, Adonis. Qu’est-ce qui se passe ? Des ennuis ? » L’homme soupire profondément et déglutit, le regard posé sur Kaz et puis qui glisse sur la pile de métal plus ou moins tordue. Il s’approche et attrape un bout de ferraille, l’observe un instant alors qu’il remarque que ce qui devait être une plaque d’une armure avait une forme un peu… Étrange. « Toujours. » Fait-il en laissant tomber la plaque sur la pile à nouveau. À nouveau, l’ambre se pose contre le regard avenant du Ravenscar. « Je ne maîtrise pas le sable, désolé de te faire perdre ton pari. » Fait-il avec un léger sourire, à nouveau. L’homme ne va pas plus loin, cependant, et reprend sur sa lancée pour répondre à la question de Kaz. « Je quitte Greenstall pour Foushin. » Commence l’homme. « J’aimerais que tu viennes avec moi. Je ne vais pas te l’ordonner, mais j’aimerais vraiment que tu viennes avec moi. » Il se rapproche du soldat. Il pourrait le lui ordonner, après tout ils sont un prince et son soldat. Aussi fort qu’ils aimeraient être des égaux, ils ne le sont pas. Le carmin du Griffith est dit d’un bleu profond, alors que celui de son fidèle soldat est bronze. « J’y organise un diner avec mes plus proches amis. » Partout, tout le temps, quand il n’est pas protégé des murs qui lui appartiennent à lui et réellement à lui, Adonis fait attention à ses mots. Ses plus proches amis, ce sont ses alliés, ceux qui ont ployé le genou. Il sait que Kaz le comprendra.

« Ca ne se voit presque pas, tu sais. Pour ton nez. » Adonis du résister à l’envie de repasser ses doigts sur l’arrête de son nez cassé, il eut une légère grimace, cependant. « L’autre gars est pire. » fait-il dans un souffle. Le brun plie et déplie ses doigts, nerveux. Il n’aime pas penser à son combat avec Maven. Il n’a eut que de la chance, face au guerrier que le prince Oshun est. Il ne comprend pas encore comment il a fait pour s’en sortir vivant, mais le brun sait une chose : il ne peut pas affronter le blond une nouvelle fois en combat singulier. La chance du débutant, c’est une fois, pas deux. « Il serait totalement inapproprié que tu t’amuses sans moi, alors que je viens tout juste de retenir. J’irais avec toi. Comme toujours. » Lui assure son ami. Adonis hoche la tête, il ne s’attendait pas à un refus mais est heureux d’entendre Kaz confirmer ce qu’il pensait. « J’espère simplement que tu as prévu un plan de table qui ne me placera pas trop près de certaines personnes qui aimeraient voir mon corps séparé de ma tête. » Une légère grimace se peint sur la figure du prince de granit. Il sait que son ami a quelques soucis avec certains des enfants avec qui il a grandit. Gunnar étant tout en haut de la liste. Adonis ne peut pas ne pas emmener son protecteur et fidèle allié, mais il fera attention de ne pas mettre ces deux là trop près l’un de l’autre. « Tu lui as parlé ? A Gunnar. » Le brun déteste savoir que les deux hommes sont en froids, alors qu’ils formaient un groupe si soudé. Mais le passé et le passé, et Adonis sait autant que Kaz qu’il est impossible de revenir en arrière pour effacer ses erreurs. « Tu as besoin que je transmette l’invitation à quelqu’un ? Que je fasse quelque chose avant notre départ pour cette fête qui restera probablement dans les mémoires ? » Adonis réfléchi un instant, avant de hocher la tête. « Prévient Cedraella pour moi, et dit lui de venir. Autrement, je n’ai que besoin de ta présence. Si jamais tu as l’impression que l’un ou l’autre de tes amis veut se joindre à nous, fait moi signe. » Il parlait des soldats de l’armée. Si un seul d’entre eux voulait rejoindre le mouvement du jeune maître de la terre, celui-ci voulait le savoir. Il cherchait à augmenter la taille de son petit groupe, afin d’avoir plus de force et de poids.