Eartanera

Le soleil levant dardait à peine ses rayons sur la peau claire du K’han qu’il fut réveillé. L’aube pointait, il ne fallait pas qu’il tarde. Il se leva d’un geste énergique, reposé de cette nuit à l’auberge qu’il avait imposé à leur petit groupe de deux. Il savait à quel point le sommeil était primordial pour affronter le reste de la journée de manière optimale. Après une rapide toilette, seulement le strict nécessaire, il s’habilla, se demandant si Adonis était lui aussi debout. Il n’aurait pas besoin de se questionner bien longtemps, il allait de suite en découvrir la réponse. Sortant de la chambre que l’aubergiste lui avait donnée, celle juste à côté du jeune garçon - il avait insisté -, il se dirigea directement vers la grande chambre, se postant derrière la porte en bois. Tant pis s’il le réveillait, il était temps manger un bout, et de partir au plus vite. Il frappa deux fois, pas de réponse. Il soupira et leva les yeux. Était-ce réellement le moment de dormir comme un loir ? Sans plus de cérémonie, il ouvrit la porte, pour s’arrêter brusquement devant le spectacle. Rien. Personne. La chambre était vide. Gunnar ferma un instant les yeux, tentant de respirer calmement, tentant de mettre ses idées en place. Adonis était parti sans lui, Adonis était sans protection à ce rendez-vous, Adonis lui avait échappé. Tant de conséquences, tant de problèmes, tant de dangers. La promesse qu’il avait faite à Aléa lui revint en tête, il avait promis de le protéger. Que se passerait-il s’il lui arrivait quelque chose ? Gunnar s’en voudrait toute sa vie de ne pas avoir été assez vigilant, et il devrait rendre des comptes à beaucoup de gens, et particulièrement au père du Griffith, à toute sa famille, mais aussi à Aléa. Il passa lentement une main dans ses cheveux courts, donnant un violent coup de pied dans le meuble le plus proche de lui, soit la chaise en bois. Plus Gunnar réfléchissait à ce qui pourrait se produire en son absence, plus la colère commençait à monter en lui. Colère qu’il tournait vers Adonis, mais surtout vers lui-même. Une chose est sûre, Adonis l’entendrait lorsqu’il le retrouverait.

Mais c’est d’abord l’aubergiste qui en prendrait pour son grade, bien que le malheureux n’ait pas fait grand-chose. Gunnar était inquiet, et ça ne lui réussissait pas vraiment. « Vous ne l’avez pas vu ? Il s’est donc volatilisé, comme par magie, c’est bien ça ? » Il rit jaune, plus par agacement que par envie de rire d’ailleurs. Mais de son côté, l’aubergiste n’était pas très rassuré. Le protecteur de Son Altesse, Capitaine de l’armée n’était pas forcément la personne qu’il fallait irriter sur certains sujets d’importance capitale, comme par exemple, la disparition de l’Altesse en question. L’aubergiste ne savait pas, n’avait rien vu, ce qui ne fit qu’empirer l’état de Gunnar. « J’espère pour vous qu’il ne lui arrivera rien. » Plus un reproche qu’une menace, le K’han se sentait presque fautif d’avoir passé ses nerfs sur le pauvre homme. Il n’y était pour rien, il n’était pas payé à surveiller chaque fait et geste de ses clients. Mais quand il s’agissait de la sécurité d’Adonis, il ne pouvait pas prendre ça à la légère. S’emparant de ses affaires, il se mit en selle, faisant route vers la ville. Il retrouverait probablement Adonis là-bas, du moins, il l’espérait. Si tout s’était passé comme prévu, le Prince de la Terre n’avait pas dû changer de programme. Dans le cas contraire, la situation se compliquerait bien plus. Pourquoi Adonis devait-il toujours lui donner du fil à retordre ? Heureusement que sa loyauté était aveugle et sans faille, sinon, il aurait abandonné depuis bien longtemps. Chevauchant à vive allure, il arriva assez rapidement à sa destination. Mais la tâche devint plus compliquée, puisqu’il ne connaissait pas le lieu exact de la rencontre, Adonis n’ayant pas voulu lui partager. Gunnar n’avait d’ailleurs pas insisté, il savait se taire lorsqu’il le fallait. Mais maintenant, il était bien embêté. Enfin, c’était peut-être un mal pour un bien, puisqu’il n’était pas sûr qu’Adonis aurait accepté sans broncher le fait que son protecteur débarque sans prévenir en plein milieu de la conversation. Un tel geste aurait même pu compromettre totalement le rendez-vous, puisqu’il aurait pu être vu comme une menace, une provocation. Mais soit, il retrouverait son compagnon de route par un autre moyen.

Les palefreniers. Le K’han n’était pas stupide, il se doutait bien qu’Adonis avait continué son chemin en ville à pied. Ce qui impliquait qu’il avait forcément dû laisser son destrier quelque part. Et même si ce raisonnement était faux sur toute la ligne, c’était un début de piste. Gunnar ne pourrait tout simplement par supporter de rester les bras croisés à s’inquiéter pour toutes sortes de raisons. Il commença donc sa tournée des palefreniers, jetant un œil aux bêtes, se renseignant auprès de ceux qu’il rencontrait tandis qu’il payait parfois pour obtenir des informations. Chance ou pas, c’est au bout du troisième palefrenier qu’il aperçut un cheval ressemblant à celui du Griffith. Bien évidemment, il n’était pas un professionnel, et il dut tout de même se renseigner quant au propriétaire de l’animal. Touché. Le palefrenier lui avait décrit précisément les traits du garçon qu’il connaissait si bien. Il n’avait plus qu’à attendre patiemment que le brun revienne à sa monture. À ce moment précis, il pourrait le confronter, puis se renseigner sur la rencontre qu’il avait loupée. Attelant donc sa propre bête, il s’adossa à une barrière en bois, les bras croisés sur son torse. Le temps passait, mais son attente fut enfin récompensée. Adonis finit par pointer le bout de son nez, comme prévu. Gunnar se redressa, affichant un air des plus sévère. Il devait être ferme et dur avec Son Altesse, partir sans aucune protection n’était pas quelque chose de très sage. Il fallait qu’il comprenne que sa vie était bien trop importante pour la négliger autant. Enfin, il n’arriverait peut-être pas à être en colère très longtemps, mais il le serait bien assez pour lui faire la morale. Tapant du pied, il attendit que le garçon approche, puis après quelques secondes d’un silence plutôt pesant, il ouvrit la bouche. « Adonis. » Sa voix était neutre, sans aucune émotion apparente, pourtant, il était tout de même soulagé de voir qu’Adonis allait bien. « Tu m’expliques ce qui t’es passé par la tête ? » Gunnar n’était pas du genre à faire de long discours, il se contentait d’aller droit au but. « Crois-tu que je t’accompagne seulement pour que tu aies un compagnon avec qui discuter ? » La colère, motivée par l’inquiétude, s’échappait de ses paroles. « Je suis là pour te protéger, figures-toi ! Je suis responsable de ta sécurité, mais tu n’y mets vraiment pas du tien. Si tu files sans rien me dire, nous allons avoir un gros souci ! Il aurait pu t’arriver n’importe quoi Adonis, est-ce que tu te rends un peu compte ? » Il prit une grande inspiration, laissant retomber la tension dans sa voix pour faire place une constatation dépitée. « Je n’en ai pas l’impression. » Puis il se tut. Adonis devait comprendre lui-même les enjeux, ce n’était pas à Gunnar de lui rappeler que sa sécurité primait sur beaucoup de choses. C’était peut-être agaçant d’avoir toujours quelqu’un sur le dos, mais c’était pourtant plus que nécessaire en ces temps.

Eartanera

Adonis était là, en vie, intact. Le K'han ne put retenir un soupir de soulagement malgré la colère qui l’avait animée en découvrant la fuite de son maître. Le plus important restait la vie d’Adonis, qu’il soit insolent ou pas. Après tout, ce n’était que le rôle du protecteur qu’il était. Suivre le fils de la Terre comme son ombre, assurer sa sécurité, préserver sa vie, lui obéir. Adonis pouvait bien faire ce qu’il lui plaisait, Gunnar n’aurait jamais qu’un pouvoir des mots sur lui. Il n’était que son défenseur, pas son père, pas son frère. Malgré tout, il ne laisserait jamais quelqu’un poser la main sur lui. Même s’il s’enfuyait, même s’il ne respectait pas ses mises en garde, même s’il refusait de suivre ses conseils, il mettrait à feu et à sang n’importe quelle ville, n’importe quel royaume si on touchait un seul cheveu de son prince déchu. Quitte à créer une guerre. Il ne pourrait se permettre de le perdre, il en serait probablement détruit, perdrait ce à quoi il croyait depuis toujours, son repère depuis le départ de celle qui lui donnait le sourire. Mais faire couler le sang ne serait apparemment pas nécessaire aujourd’hui, bien heureusement. Adonis était vivant, il ne semblait pas blessé, Gunnar pourrait se détendre. Légèrement. Il ne préféra d’ailleurs pas réagir à la grimace du prince, peu soucieux que le moment soit désagréable ou pas pour le fuyard. Tandis qu’il prononçait son petit laïus, il ne quitta pas des yeux le brun qui finit par récupérer son destrier. Si son interlocuteur avait été un de ses hommes, jamais il n’aurait permis qu’on lui tourne le dos, jamais. Mais le fait est, Adonis n’était pas de ceux-là. Soit, Gunnar savait très bien qu’il l’écoutait de toute façon, seulement par le geste de la tête qu’il aperçut. « Je sais, Gunnar. Je n’avais pas le choix. » Il aurait presque pu rétorquer qu’il avait toujours le choix, mais il n’était pas venu jusqu’ici pour provoquer une dispute, sûrement pas.

La main d’Adonis sur son épaule ne le fit pas ciller, et pourtant il la sentait rassurante. Plus qu’un devoir ou une mission qu’on lui avait confiée, c’était de son propre chef qu’il offrait sa vie au prince déchu des Griffith. Parce que le garçon n’était pas qu’un noble à ses yeux, une cible à protéger, il était une sorte de bouée qui l’empêchait de sombrer, quelqu’un à qui parler si le besoin se faisait. Et c’est pour cette unique raison que de voir Adonis en un seul morceau le rassurait. « Ne m’en veux pas. » Jamais, voulut-il dire. Cœur de pierre sur le champ de bataille, une pitié absente de ses pupilles lorsqu’il s’agissait de ses ennemis, le K’han n’était à l’inverse pas le même en présence de son ami. Le pire ne s’était pas produit, le protecteur avait finalement débité son petit discours moralisant, le dossier pouvait être clos. Ne pas s’attarder sur les situations futiles et qui ne les feraient pas avancer était bien plus sage. Et Gunnar n’était pas rancunier avec son prince, trop indulgent pourrait-t-on dire. Mais soit, les remarques lui passaient bien au-dessus. Et ce n’est pas le sourire du Griffith qui le ferait changer d’avis. Il préférait de loin passer l’éponge et voir cette expression qui devenait de plus en plus rare, plutôt que de devoir lui crier dessus. « Je sais que ce n’est pas ce qu’Aléa t’a demandé, mais j’aurais fait la même chose avec elle. J’ai rencontré Diana Osanos, la reine légitime d’Aguarinui. Je ne pouvais pas te prendre avec moi, Gunnar. Cette conversation devait se faire à huis-clos. Tu aurais représenté une potentielle menace… Son adiutor n’était pas présent non plus. » La mention de sa meilleure amie lui enserra quelque peu le cœur. Elle lui manquait, son absence creusait une sorte de vide en lui, vide qu’il tentait de combler du mieux qu’il pouvait, sans réel succès parfois. Alors oui, il ferait de son mieux pour tenir sa promesse. Secouant la tête pour chasser cela de son esprit, ses pensées analysèrent rapidement les paroles de son interlocuteur qui avait baissé le ton. Gunnar n'avait eu presqu’aucune info sur ce mystérieux rendez-vous, peut-être pourrait-il enfin en apprendre plus sur la raison qui avait poussé le jeune prince à abandonner son garde.

« Et qu’en est-il de cette entrevue ? A-t-elle porté ses fruits au moins, qu’as-tu appris ? Que les cheveux blancs que je me suis fait à m’inquiéter n’aient pas été vains je t’en prie. » L’enjeu était de taille, et Gunnar comprenait le choix qu’avait fait le Griffith en lui faussant compagnie, cependant, être laissé de côté ne l’empêchait pas de vouloir connaître les tenants et aboutissants de cette affaire des plus intéressante. Le guerrier ignorait si Adonis pouvait partager ses informations, mais rien ne lui coûtait de demander après tout. N’était-il pas une sorte de conseiller, et qui plus est, le Capitaine de l’armée de Granit ? Récolter les fruits d’une telle rencontre ne pouvait que lui être bénéfique. « Je t’ai demandé de m’accompagner parce que le trajet entre ici et Greenstall est long, et que tu es l’un des seuls en qui j’ai pleinement confiance. » Le blond hocha lentement la tête au fil des mots, signe qu’il comprenait. Il n’insisterait pas, il avait dit ce qu’il avait à dire. Cette confiance l’honorait d’ailleurs, il ferait de son mieux pour être digne de cette dernière. « Je n’aurais pas accepté que tu sois seul de toute façon, ou qu’un autre t’accompagne durant ce trajet. Je suis le seul responsable de ta protection, personne d’autre. » Légère possessivité qui pointait le bout de son nez, elle ne traduisait en réalité qu’un profond besoin de se rassurer en endossant lui-même le rôle qu’Aléa lui avait confié. Qui d’autre que lui pour accompagner le Prince ? Ce n’était clairement pas négociable, quitte à devoir utiliser son statut et sa place pour se faire entendre. Le second sourire que le Griffith afficha fit plaisir au grand guerrier qu’il était. Il faisait partie de ceux qui savaient mieux que quiconque ce que traversait le brun, et rien que de voir son visage s’habiller d’un tel sourire illuminait sa journée. Le K’han n’hésiterait pas une seconde à faire tout ce qui serait en son pouvoir pour voir Adonis heureux, ou du moins ce qui s’en rapprochait, plus souvent. Le bonheur de son maître n’avait pas de prix, sa souffrance quant à elle se payait, en tête qui tombaient. « Et puis… Je suis encore en vie, et en un seul morceau. » Ce fut au tour de Gunnar de laisser échapper un léger sourire, signe que toute colère s’était désormais évaporée. La Terre ne grondait plus, elle savait se faire douce lorsque la situation s’y prêtait. « Fort heureusement. S’il était arrivé quelque chose, je serais venu moi-même te tuer pour avoir fui ma protection. » Il le poussa, au niveau de l’épaule, sans lui faire mal, sans mettre de force, simple geste amical. Qu’Adonis se rassure, jamais Gunnar n’aurait permis qu’on lui fasse du mal.

Eartanera

Sa petite leçon de morale enfin déballée, sa colère et son inquiétude mélangées enfin retombées, il pouvait se concentrer sur des choses bien plus importantes. Comme par exemple, les potentielles données que le Griffith avait pu récolter durant sa discussion. Il préféra donc se renseigner sur la raison qui les avait poussés à venir ici, soit la rencontre. Parce qu'ils ne s’étaient pas déplacés pour une simple petite promenade de santé, mais bien pour régler des affaires primordiales pour Adonis. Et bien que Gunnar n’y ait apparemment pas pris part, il était soucieux d’en connaître le déroulement. Si les paroles échangées au cours de cette entrevue les faisaient avancer en quoi que ce soit, et permettait à Adonis d’entrevoir une petite partie de ce pour quoi il se battait, Gunnar voulait en être. Tout comme il avait toujours voulu suivre le Prince déchu dans chacun de ses mouvements, chacun de ses choix. Et cela sans qu’on le force d’une quelconque manière. Déjà intimement lié à la famille Griffith de par son nom et son statut, c’est auprès du jeune Griffith qu’il avait trouvé ce qu’il cherchait, une cause pour laquelle il se donnerait corps et âme. Le K’han ne pourrait peut-être pas l’expliquer, mais il sentait en la personne d’Adonis une aura, un charisme qui poussait le blond à avoir envie de se battre pour lui, de le voir accéder au trône. Respect, loyauté, honneur, il trouvait tout ça en Adonis, et même bien plus encore. Et pour ça, il ne le laissera jamais tomber, jamais. « Concluante, je t’expliquerai tout en huis clos. » Gunnar hoche lentement la tête, affichant un air sérieux face un léger sourire de son interlocuteur. Bien sûr, il comprenait. Les rues avaient des yeux, les murs avaient des oreilles et leurs ennemis avaient des espions. Le plus prudent était encore de rester silencieux dans un endroit pareil.

Tandis que de telles réflexions se frayaient un chemin dans l’esprit militaire du K’han, il ne put s’empêcher de se perdre dans les pupilles d’Adonis, brillantes d’un éclat qu’il connaissait désormais, et qu’il ne détestait pas, loin de là. Un sourire malicieux s’épanouit sur ses lèvres, bien loin de toutes les préoccupations qui pourraient les inquiéter à l’instant. « Je te rappelle que ce rôle incombe techniquement à mon adiutor. » Il s’osa à lever les yeux au ciel brièvement, sans perdre son sourire. Le brun n’avait pas tort, mais tant qu’elle n’était pas là, c’était lui qui se sentait responsable. Et bien que les conséquences s'imposeraient probablement sur Aléa, Gunnar s’en voudrait si tout retombait sur sa meilleure amie. Il ne voulait pas la décevoir, et ne le ferait sûrement pas. « Tu t’ennuierais bien trop sans moi, et sans Aléa. » Gunnar se mit à rire doucement. Encore une fois, il ne pouvait le contredire, ce serait clairement lui mentir. « Sans aucun doute ! Mais tâche de ne pas trop en profiter quand même ! » Le brun se trouvant déjà sur sa monture, le K’han s’empressa à son tour de se diriger vers la sienne, cette dernière encore attelée, dans le but de la détacher. Il comprenait que le Prince voulait partir avant même qu’il ne le précise. « Nous retournerons à Greenstall demain. Pour l’instant, je suis affamé. Allons chez toi. » Un autre hochement de tête, tandis qu’il était ravi de pouvoir retourner chez lui, même peu de temps. Sa demeure ne lui manquait pas tant que ça, mais revenir entre ces murs lui faisait toujours plaisir. C’était le fief familial, symbole du nom qu’il portait. « Je t’expliquerai tout lorsque nous y serons. » Sur ces mots, Gunnar grimpa sur sa monture, fidèle destrier qui l’avait lui aussi accompagné depuis Greenstall. En un geste adroit, il approcha sa bête de celle du Griffith, signalant finalement au brun qu’il était prêt à le suivre. « Tu aurais dû penser à grignoter quelque chose ce matin. Enfin, il y a tout ce qu’il faut au château, évidemment. » Sur place, Adonis pourrait largement profiter de tout ce dont il aurait besoin ou même envie, les K’han étant de fidèles sujets des Griffith. Et puis, le K’han ne le montrait pas vraiment, mais il était impatient de savoir ce qu’Adonis avait fait ce matin. Il voulait tout savoir du rendez-vous auquel il n’avait pas assisté, du moins, dans la limite des informations qu’on voudrait bien lui révéler. « Je te suis. Je ne pense pas avoir besoin de te montrer le chemin ? » Question à laquelle il n’attendait pas spécialement de réponse, puisqu’il la connaissait déjà. Rênes en mains, il se mit en place correctement sur le dos de sa monture, puis attendit patiemment qu’Adonis prenne les devants. Lui fermerait la marche, les sens aguets, à l’affut du moindre petit danger, comme à son habitude.

Eartanera

Le K'han chevauchait derrière son souverain, pensif, les yeux rivés sur le dos de ce dernier qui le précédait de quelques mètres. L'ambiance était bien calme, si silencieuse, trop silencieuse même. Pas que Gunnar appréciait discuter durant des heures et des heures, ça non, il n'était pas le plus bavard dans tout Aksana. Mais de la part d'Adonis, cette absence de son marquait un réel changement. Changement qui avait eu lieu il y a quelques temps, depuis qu'il était revenu sur ses terres natales, les terres de la belle Eartanera. Le K'han, habituellement à ses côtés avait senti une différence, il l'avait même déplorée. L'Adonis qui était revenu n'était pas celui qui était parti, celui qu'il avait connu depuis longtemps. Une petite partie de lui s'était probablement arrachée pendant cette captivité, tandis qu'elle était restée là-bas, au loin, dans les terres ennemies. Petite pointe au cœur pour le guerrier, qui observait, chaque jour, un autre Adonis. Il le suivrait tout autant, évidemment. Sa loyauté lui serait toujours due, parce qu'il était toujours le souverain qu'il voudrait voir sur le trône. Mais il ne se battait probablement plus pour la même personne. Aussi triste soit-il, le prince de la terre n'était plus le jeune homme devant lequel il s'était agenouillé pour la première fois. Et pourtant, voilà qu'il continuait tout de même à emboîter ses pas, leurs bêtes filant comme le vent en direction du manoir familial du blond. Peut-être ne parlaient-ils pas sur le chemin, mais le K'han s'y était fait finalement, observant plutôt le paysage, ou bien se concentrant plutôt sur ce qu'ils auraient à se dire une fois arrivés. D'ailleurs, Gunnar aussi commençait à avoir faim. Lui non plus n'avait pas eu le temps de grignoter quelque chose en se levant au petit matin. La disparition du Griffith l'avait beaucoup trop alerté pour qu'il puisse avaler quoi que ce soit. Et dans sa précipitation, il n'avait pensé qu'à retrouver son protégé, rien d'autre. Il avait donc hâte de fouler le sol de sa demeure, histoire de se remplir l'estomac, mais aussi d'enfin découvrir ce qu'Adonis avait à lui dire. Ce rendez-vous si mystérieux auquel il n'avait pas pu assister, il voulait tout en savoir.

Le Manoir s'imposant à eux, le Griffith passa en seconde place, tandis que Gunnar saluait les gardes d'un signe respectueux de la tête. Les chevaux pris en charge sur quelques indications, ils pénétrèrent donc rapidement à l'intérieur. « Evitons la grande salle, Gunnar. J'aimerais te parler où personne ne peut écouter. » Un simple signe de tête affirmatif, il comprenait. Ils se trouvaient peut-être chez les K'han, fief ami, mais personne ne se devait d'entendre les mots que le jeune prince de la Terre allait prononcer, simple mesure de sécurité. « Tes appartements, peut-être ? Ou un bureau ? » Ses appartements, probablement dans le salon qu'ils possédaient, il n'aurait qu'à y faire mener leur repas. « Allons dans mes appartements, tu as raison. » Sur le chemin, Gunnar fit mander un serviteur, lui ordonnant de faire servir le repas directement dans son salon, tandis qu'ils y prendront place pour discuter. Ils y seraient bien plus confortables qu'ailleurs. Ils s'y rendirent donc sans plus attendre, tandis que Gunnar vérifia bien que personne ne traînait dans les parages, refermant les portes derrière lui. D'un simple geste de la main, il invita le brun à prendre place, à se mettre à ses aises. Il était ici comme chez lui, après tout. Puis il vint s'asseoir à son tour, sur un fauteuil rembourré, bien plus agréable que le dos de sa bête, aussi appréciable puisse-t-elle être. Il poussa un soupir de contentement, puis plongea ses opales de couleur azur dans celles, plus foncées, de son interlocuteur. « Le repas nous sera amené rapidement, mais tu peux parler sans t'inquiéter, ils s'annonceront comme il se doit pour ne pas nous interrompre. » Évidemment, tous les serviteurs du château savaient qu'on ne dérangeait pas la famille maîtresse des lieux impunément dans ses appartements. Il y avait des règles, des codes, voilà tout. Et ils se devaient de les respecter, bien que les K'han n'étaient pas des tyrans, malgré l'obéissance qu'ils demandaient. « Et bien, je t'écoute, qu'en est-il de cette entrevue avec Diana Osanos ? » Il croisa les mains, posant son menton dessus. D'un visage des plus sérieux, il s'apprêtait à prendre en note mentalement chaque information qui sortirait de la bouche d'Adonis. L'enjeu semblait de taille.