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catharsis (circe)

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catharsis (circe) Vide
MessageSujet: catharsis (circe) catharsis (circe) EmptyVen 17 Nov 2017 - 22:27

Danilka avait voulu peindre le vide une fois. La toile s'était très vite retrouvée dans la cheminée parce qu'aucune teinte n'avait la précision qu'il recherchait. La question est venue à Galya tout d'un coup, au détour d'un après-midi d'octobre, le regard au fond de sa coupe : comment pouvait-on peindre le vide ? Il y avait eu une courte pause sans fin, où bercée par le sifflement d'une théière, l'obscurité cérébrale (qui précédait toujours une inévitable prise de conscience) submergea ses sens, la plongeant dans les ténèbres d'une spirale dangereuse. Elle ne saurait dire si le vertige était causé par l'imminence de cette réponse qu'elle ne pouvait plus ignorer ou par l'ivresse d'un verre en trop. Sans s'en rendre compte, elle avait passé des années à danser autour de cette question. Voulait se préparer à l'éventualité d'y faire un jour face. Mais s'était arrangée pour l'éviter par peur, par paresse, par manque de temps face à un quotidien où les questions existentielles n'avaient pas leur place. Elle aurait pu hypothétiser des heures sur la métaphysique de l'Être et de l'Ego, sur la place de la "Chose" en ce centre qui aliène l'Esprit. Chose dont elle ignorait tout alors qu'elle était à l'intérieure d'elle, qui la poussait à supposer qu'il y avait un dedans parce qu'il y avait un dehors. Une âme parce qu'il y avait un corps. Pouvait-on mesurer l'immensité du néant en se basant sur ce qui existait ? La réponse était plus simple que tout ça, si on pouvait peindre le vide celui de Galya aurait la teinte crémeuse du papier peint de son salon. Elle déteste cette couleur presque autant qu'elle ne déteste le silence des murs qui l'entouraient et si elle avait pu, elle aurait foutu le décor en entier, elle-même avec, dans les flammes du brasier. Jusque-là, la guerre se profilait au loin sans l'atteindre pleinement : la faim était déjà inhérente à son quotidien, imposée par des années de retenue dans la construction du temple de perfection qu'elle incarnait. Le froid, un simple détail pour un maître de l'air, même fâché avec son élément. Son assignation à domicile était volontaire, il n'y avait après tout plus personne pour prendre soin du mobilier, cajoler les sculptures, admirer la laine des tapis. Le vide n'était plus seulement en elle, il l'entourait également. Elle avait vécu longtemps dans le déni de ce qu'elle savait, de ce qu'elle avait pourtant expérimenté de près, mais dont elle avait rangé la connaissance dans un tiroir, décidant de l'ignorer de la manière la plus civilisée qu'il soit. Propre à l'homme, dont le savoir est aussi immense que la capacité de se voiler la face. Ou alors ce déni était-il le fruit d'une illusion générale que les hommes alimentent par un silencieux consentement mutuel ? Était-elle la seule à ressentir cette peur face à cet inconnu qu'elle s'efforçait d'accepter ? Comment faisaient les autres pour se faire une raison dans un océan où on pataugeait à peine pour survivre ? Leurs motivations n'étaient-elles pas ébranlées par ce savoir qui rendait toutes leurs actions vaines ? Elle comprenait les raisons derrière la guerre, mais quelle sorte de carburant était suffisamment puissant pour alimenter autant de chaos en dépit de l'absurde ?  Le monde s'effaçait autour d'elle au fil des jours qui passaient, il n'y a plus eu de retour en arrière depuis qu'elle l'a ressenti, nichée au creux de son corps, plaquée contre la tiédeur de ses organes, nourrie par l'amertume de sa bile : la mort avait trouvé nid dans ses entrailles bien avant qu'elle ne se rende compte de sa présence. Peut-être même qu'elle était là depuis le tout début, au moment même où elle vint au monde, où le monde vint à elle, peu importe l'ordre des choses puisqu'elle était là. La seule finalité possible, la boucle qui viendra boucler le tout et elle n'attendait qu'une chose : se réveiller pour pouvoir reprendre ce qui était sien, réduire à néant ce qui n'aurait jamais dû exister. Le miracle n'avait eu un début que parce qu'il aurait inévitablement une fin. Jusque-là, elle n'avait fait que survivre l'écroulement qui était déjà en elle et qui un jour, bientôt, reviendra à la surface pour réclamer une vie qui lui a toujours appartenue. Le plus étrange était qu'elle l'avait su avant de le ressentir, c'était l'incroyable ironie humaine de savoir que parce que nous sommes en vie, nous devrons mourir, mais d'être encore et toujours capable de l'ignorer jusqu'à ce que ce soit trop tard. Beaucoup arrivent à vivre longtemps dans une parfaite préservation de soi, Galya n'a jamais été l'exception, la sophistication de ses mensonges a été polie sur deux longues décennies où ses instincts les plus primitifs la guidaient sans lui laisser le temps de s'arrêter pour se poser de questions. Il n'y avait que la survie qui importait, pure et simple. Mais la réalité a pris le dessus sur le mirage qui s'est évanoui face à cette révélation : il n'y aurait aucune continuité possible. Le pire était qu'une fois l'étonnement passé, elle était indifférente face à cet inévitable oubli. Elle était prête à l'étreindre tant qu'il ne la prenait pas de cours, tant qu'il la laissait avoir le contrôle sur son dernier acte.

(...)

L'homme n'est qu'une collection de rêves et de cauchemars, entremêlés de telle manière qu'il devient parfois difficile de faire la différence entre les deux. Ses pensées se font et se défont autour du visage de Danilka ; son amour pour lui, sa haine pour lui. Une vie avec lui n'est pas une vie : la peau marquée au fer qu'elle cache sous la toile de son corset est le vestige de ses mains. Une vie sans lui n'est pas une vie : elle ne serait même plus là aujourd'hui si lui ne l'avait pas été. Il l'aime à sa manière, celle d'un enfant possessif avec son jouet préféré, qu'il disloque parce que ça l'amuse, qu'il recolle pour pouvoir briser encore et encore. Les arbres défilent, sa vie avec, elle observe les deux sans intérêt particulier, dans un détachement qui guide ses pensées au-delà des frontières d'Eartenara, au-delà de l'univers lui-même. S'il avait été là, il l'aurait peut-être empêché de faire ce qu'elle était sur le point de faire. Qui cherchait-elle à tromper ? Bien sûr qu'il ne l'aurait pas fait. Si Danilka se souciait de qui que ce soit il ne serait pas parti en premier lieu, à croire que l'intérêt initial qu'il lui portait s'était dissipé pour laisser place à quelque chose de plus grandiose : le monde grandeur nature était un terrain de jeu dont il ne pouvait décliner l'offre. Il était sa nouvelle obsession et pour ça, Galya a été mise sur le côté, jetée aux oubliettes. Aucune beauté au monde ne pouvait faire concurrence à la promesse de pouvoir enfin vivre cette guerre dont il a tant rêvé, dont on l'a privé toute sa vie. Elle n'a fait jamais le poids à côté de l'accomplissement d'un rêve d'enfant, une place de choix pour non seulement voir, mais participer au chaos.
L'épuisement dû au voyage se faisait sentir le long de ses articulations endolories qui se tordaient à chaque pas qu'elle faisait vers leur destination finale. Où, elle ne savait pas, le plus important n'était pas de connaître les détails de leur trajet, mais d'y arriver enfin et de retrouver ce qu'elle était venue chercher. L'aube commençait à se lever quand Yerim Osyris lui passa un sac sur la tête, la guidant entre les routes sinueuses de la nation de l'eau. Ils s'arrêtèrent enfin après deux bonnes heures de marche durant lesquelles  l'air salé ne cessa de chatouiller ses narines. Ils étaient quelque part sur les côtes d'Aguarini, il n'y avait aucun doute sur cela. Des paroles furent échangées puis quelqu'un l'attrapa brusquement par le bras l'entraînant derrière lui. Elle manqua de faire remarquer la futilité de la force de la poigne avec laquelle on la serrait, mais se ravisa. Discuter avec des brutes n'a jamais servi à rien et pour ça, elle resta silencieuse, se laissant malmener tant que cela servait son but. On la poussa sans ménagement dans une chambre avant de claquer la porte derrière elle. Il n'y avait eu aucune explication, aucun mot échangé. Elle ne savait pas si elle devait, pouvait même, enlever le tissu qu'elle avait sur la tête et qui l'empêchait de voir où elle était. Une fraction de seconde passée dans le silence la poussa à l'ôter d'un seul coup. L'espace était confiné, mal éclairée, une simple table et une chaise trônaient au milieu. Jusqu'à ce moment, elle n'avait pas ressenti une once de peur vis-à-vis de ce qui l'attendait, avait eu des doutes sur le jeune mêlé qu'elle avait approché pour l'amener ici, mais avait franchi le pas parce qu'elle n'avait absolument plus rien à perdre. Son erreur de calcul se trouvait dans les variables qu'elle avait omis de prendre en compte.
Un moment passa avant qu'elle ne sente une présence au coin de la pièce, tapie dans l'obscurité. La silhouette bougea doucement, s'avança d'un pas vers la lumière. Elle en discerna la pointe des bottes, la masse des jambes, la dureté des mains, la forme du torse, le début d'une barbe naissante, la courbe de lèvres. Sa respiration s'accéléra quand il s'avança hors des ténèbres à la manière d'un félin. Les murs se refermaient autour d'elle, les rayons de l'ampoule grésillante entouraient l'homme comme un nimbe. Aveuglée par la lumière, soudain beaucoup trop forte pour ses yeux, elle détourna le regard pour ne pas le baisser. Elle se mit à vibrer sur place, une nouvelle forme de vie électrifiant ses sens péniblement alertes qui lui hurlaient de fuir ou de se battre. Elle n'avait pas besoin de le regarder pour le voir. Sa présence était imposante au-dessus d'elle, elle en était aussi douloureusement consciente que s'il avait été le soleil brûlant et inopportun d'un midi la suffoquant au sein de sa propre enveloppe charnelle. Elle ne pouvait s'en débarrasser que si elle se mettait à l'abri et il n'y avait nulle part où chercher l'ombre ici. C'était de sa faute à elle, bien sûr, quelques années en arrière et elle aurait été presque heureuse de le voir. Plus maintenant. Il était la personnification même de ses péchés revenus la hanter, 1m87 de masse humaine à laquelle elle ne pouvait échapper. L'enfer, ce n'est pas les autres, pas pour elle. L'enfer, ce n'est même pas lui. L'enfer se trouve à l'intérieure d'elle-même, dans le jus vicieux de ses pensées qui l'empoisonnent. Il n'y a aucun répit à la violence des coups avec lesquels son esprit la martèle ; la preuve est dans les tombes que la nuit a creusées sous ses yeux. Elle perd son éclat, la luminosité à Volastar est telle qu'il est impossible de l'ignorer même quand il n'y a plus que son reflet sur l'éclat du sol pour le lui reprocher. Il y a à peu près un milliard de pensées qui se percutent et s'entrelacent quand elle le voit, mais la seule constante est le souvenir de son visage dans l'eau l'observant en retour. Elle ne pouvait faire face à aucun fantôme dans cet état, les traits tirés, l'expression morne. Elle s'était éteinte quelque part, ne savait plus briller sans la lumière de ses lustres pour la guider dans le noir. Le fil de la réalité s'était entouré autour de la peau délicate de son cou, poussant sa bouche à s'entrouvrir légèrement, ses mots en suspens.  
Et si trouver quelque chose dans le vide était plus terrible que la promesse du néant ?
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catharsis (circe) Vide
MessageSujet: Re: catharsis (circe) catharsis (circe) EmptyLun 20 Nov 2017 - 17:53

— Tu me stoppes immédiatement ces conneries. Ce n’est pas la voix de Circe Thorsten qui prononce ces mots, ce sont ses yeux. Bleus, froids, si insondables que ceux qui osent les regarder et ceux qui les évitent les comparent toujours à deux portes métalliques. Le regard de Carrow, quant à lui, se pose non sans une certaine nostalgie débordant de déception sur les gamins qui jouent au ballon entre les hautes herbes. Ce que Thorsten ne comprend pas, se dit-il, c’est que la présence dans le coin de chiards tenant à peine debout (tous enfants de soldats résistants issus de la région, ayant embarqué leur gamin dans le grand secret de la nuit pour quelques heures de réconfort), ça donne ce qu’on appelle de l’espoir et que le lieutenant, il en est persuadé, ne connaît pas. Les types aiment ça, regarder les mômes jouer et pleurer et rire, ça leur donne comme qui dirait une raison d’aller au front. Forcément, il a pensé trop fort. Les yeux de Circe Thorsten se plissent pour devenir deux fentes dans lesquelles on aurait serti des glaçons creusés au cœur d’Aerinstin. — Leur raison de se battre, c’est de sauver leur peau, cingle-t-il avec mauvaise humeur. Porter le premier coup pour éviter de se le prendre dans la gueule. Sauver son propre cul, ou se le faire bouffer par celui de derrière, celui qui court plus vite et qui a sorti les crocs quand toi, tu n’as fait que t’en servir pour claquer des dents comme une merde. Carrow grimace au moment où les paroles du lieutenant résonnent dans son esprit et semblent marteler les parois de son crâne façon cloche de fer contre une charpente de bois branlant. Les soldats se ramollissent parce qu’ils mangent à leur faim. Cette forêt est remplie de cerfs, de biches, de sangliers et d’oiseaux en tous genres. Sans parler du lac immense qui borde l’orée du bois et dont les poissons vous regardent dans les yeux à peine vous vous penchez au-dessus de lui. Il fallait se rendre à l’évidence : ces hommes étaient trop pleins. Trop remplis de tout ce dont on se bâfre pour se donner consistance. Il était bien placé pour savoir ce qui poussait au front, ce qui faisait monter à la gorge une bile amère au goût de non-retour, la seule chose qui pouvait amener un être à sortir de lui-même et de son quotidien. Le vide.

Il se masse la nuque d’une main rageuse et tendue. Les pertes de temps se succèdent, si bien qu’il en vient à regretter d’occuper un poste si haut gradé, à présent que Diana n’est plus là pour jouer l’intendance des quartiers de la résistance. L’officier des éclaireurs qu’il avait été serait, à cette heure, déjà bien loin dans le ventre de la forêt, humant dans l’écorce des arbres et leurs feuilles tombantes les parfums auxquels se fier désormais. Ici, la viande sèche cuite trop longtemps au feu de bois, les relents de cette boisson aux herbes dont les soldats sont friands et qui ne contient pas d’alcool – ça leur est interdit. Des odeurs de chairs, des odeurs de sueurs, des parfums d’homme écœurants. Ceux des enfants ne dureront pas. il s’est assuré que la marmaille disparaisse de ce qui doit redevenir un camp de soldats et non une garderie. Il a prétexté la sécurité, alors que tous ces hommes miniatures sont emmenés sur les lieux la tête dans un sac épais. Rien à foutre. Toutes les femmes qui ne sont pas des soldats ou des espionnes dégagent. Pour remplir ses hommes d’une crainte bien naturelle, celle pour leur propre sécurité, il a fait organiser un combat de mêlés au cœur de la forêt. Ce soir, au coucher du soleil. Il a lui-même composé les duos, voire les quatuors de combattants, alliant des couleurs de bracelets dont il connaît le pouvoir de persuasion. Vert et bleu. Jaune et rouge. Orange et vert. Nul doute ne fait que le déferlement de violence qui aura lieu ce soir saura convaincre les soldats récalcitrants de tout l’intérêt qu’il y a à se battre. Tout simplement l’intérêt qu’il y a à se défendre. Personne, à part lui et quelques autres demeurés du même style, ne se bat pour se battre. L’art pour l’art est une denrée trop rare, trop pauvre et trop peu nourrissante. Elle ne convient qu’aux estomacs vidés de toute substance, aux êtres dépourvus d'eux-mêmes. Les combats de ce soir sauront rappeler aux amnésiques le prix de la vie. Il se racle la gorge tandis qu’il traverse le camp jusqu’aux habitations des maitres – de fortune, certes, mais toujours moins que les tentes des mêlés – crachant à terre une boule de salive emplie de l’air salé, troué, venteux et acerbe d’Aguarinui. D’un bras, il écarte le rideau épais qui masque l’entrée des appartements qu’on a réservés à Galya Valaeris pour sa visite de courtoisie. Il réprime un sourire amusé en remarquant qu’elle n’a pas retiré le sac de toile qu’on lui a jeté sur la tête. Nonchalant, il s’appuie contre la poutre qui retient la bicoque, une rondelle de bois plus épaisse que trois corps d’hommes plantée dans la terre comme un poignard dans la poitrine d’un géant. Elle ne s’attend pas à le voir ; il peut sentir les effluves délicats de sa surprise tétanisée au moment où elle croit le reconnaître dans la pénombre. Jouant le jeu, il sort des ténèbres et laisse la lueur mordorée de la lampe embrasser ses traits. Il a grandi, pense-t-il à sa place avant même qu’elle ne s'en fasse la réflexion. Il a vieilli, peut-être. Différent du jeune homme à l’arrogance plus combative que celle d’un tigre, le vide s’est creusé en lui, le mâchant si férocement à l’intérieur qu’il est même venu creuser sa peau, rendre plus saillants ses muscles et les détails de sa chair. Elle a envie de frapper. Il lui renvoie son propre vide intérieur avec la force d’un brasier ardent. A cet instant, Galya Valaeris devient le soldat dont il rêve depuis des mois, des années sans doute. Celle qui avale le néant par sa bouche d’ombre. La femme-chaos. Elle l’a toujours été, mais peut-être seulement à son contact. Contact dérangeant si ce n’est insupportable, à en juger par ses traits douloureux, son regard fuyant ombrageant l’ensemble de ses nerfs qui se tend. Elle ouvre la bouche pour parler, il sait qu’elle ne parlera pas. Le vide l’a toujours habitée et l’a toujours terrifiée. Il s’était souvent dit qu’elle était, sans doute, plus lucide que lui. Il feignait quant à lui d’accepter stoïquement ce contre quoi tout homme digne de ce nom se bat. Il supportait de n’être que cet amas de chair si stupide et si infime comparé à l’immensité du cosmos que personne ici ne savait, ne pouvait compter ni dérouler. Il sait en la voyant devant lui, après tout ce temps, à quel point elle l’a craint et aimé, autant qu’elle continue de fuir et de chercher le néant qui lui sied mieux que n’importe quelle robe que son statut de noble pourra jamais déposer sur sa peau. Galya Valaeris est nue devant lui, nue et — fatiguée, sonne sa voix grave au tintement moqueur. — Je m’apprêtais à te souhaiter la bienvenue sur les terres dont nous nous sommes emparés de la plus brutale et injuste des façons, et te proposer d’assister aux combats organisés ce soir en l’honneur de, eh bien… Il fait mine de chercher une raison au déchainement mortel qui s’apprête à avoir lieu, malicieux, sachant que la réponse la plus juste réside juste ici : dans son absence. — Enfin bon, il vaut peut-être mieux que tu te reposes, Galya Valaeris. Il a insisté sur le mot. Repos. Descente de la femme des airs après s’être envolée si haut et si loin de lui. Repos éternel dans un sommeil qu’il caressera du doigt, et dont elle se réveillera sans le moindre doute avec cette certitude qui lui ressemble tant, celle qu’aujourd’hui est un jour nouveau et différent des précédents. Il s’avance de quelques pas qu’il sait sacrilèges, et ressent ce qu’elle tait au plus profond d’elle, simplement parce qu’elle sait qu’il va l’entendre et qu’elle voudrait lui en refuser l’accès. Un sourire se dessine au coin de ses lèvres, la détaillant avec une attention soudainement accrue. Il se prélasse comme un chat, savourant de savoir ce qu’il est censé ignorer, ce qu'il est insensé qu'il sache. Aurait-elle tout oublié du caractère quotidien des choses ? De leurs danses en cercle répétitif éternel ? Evidemment qu’il l’entend. Ce qui est absurde, c’est qu’elle ait encore cru pouvoir le lui taire. — Tu arrives un peu tard pour ça, Danilka a été envoyé avec un escadron rejoindre Pollux sur un front particulier. Il prend une inspiration, conscient qu’il aspire par la même occasion le peu d’oxygène que Galya se permet à cet instant de faire entrer en elle. Face à lui, elle se sait en risque constant. Celui, il en sera à jamais persuadé, de devenir elle-même en se séparant de ces vêtements informes sur lesquels elle peint ses rêves. Elle entend leur donner la couleur de l'ambre et de l'or, une pureté à nulle autre pareille, et se rend compte que la réalité les teinte en jaune butyreux nauséeux. — Il s’éclate, au fait, ajoute-t-il, badin et sur le ton de la discussion façon « petit pub en plein village », sachant que si elle est venue sans savoir que Danilka Valaeris venait de partir, c’est peut-être qu’il ne s’est pas donné la peine de l’informer de ses récentes aventures. — Il écrit sa propre histoire de la violence. Un truc en plusieurs tomes. Observant l’effet de ses paroles sur Galya, il attend qu’elle se décide à bouger enfin. Elle ressemble à un animal traqué puis trouvé par un prédateur trop gros pour lui, immobile et espérant naïvement que son imitation de la statue de pierre le sauve de la morsure fatale. Qu’a-t-elle fait pendant que son demeuré de mari s’amusait comme un petit fou à dépecer des ennemis-déclarés, y prenant un plaisir si affiché et si malsain que Circe lui-même en avait été étonné ? Embrassait-elle son rôle de meuble parmi les meubles avec la résolution évolutive qu'il lui connait ? Même au milieu de son salon, un livre à la main, un balai dans l'autre, Galya continuait-elle d’écrire l’histoire à laquelle elle tenait tant, la mythologie d’elle ? Et si ce n’était pas le cas, alors qu’avait-elle trouvé au creux du néant, puisqu’elle était bien la seule, l’unique au monde capable de retirer quelque chose d’une éternité sans fond ?
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catharsis (circe) Vide
MessageSujet: Re: catharsis (circe) catharsis (circe) EmptyLun 27 Nov 2017 - 6:38

Il ne fallait pas être absurde bien sûr, il n'y avait rien d'autre dans le vide que le vide lui-même ou du moins, c'est ce que n'importe qui vous dira puisqu'il suffit simplement d'ouvrir grand les yeux et de regarder pour s'en rendre compte. Pourtant, elle avait cru apercevoir un jour une sorte de lueur dans la réflexion infinie de deux miroirs se faisant face. Si imperceptible qu'elle n'apparaissait que quand on confrontait le néant à une vitesse suffisamment relativiste pour contourner l'appât du trou et ancrer sa propre réalité quelque part où l'annihilation ne pouvait pas l'atteindre. Où, même si elle le faisait, son importance en sera nettement plus insignifiante car confrontée à la promesse de l'éternité. Galya avait trouvé sa lueur dans un océan de promesses, tablée sur le tabouret d'une brasserie à Kachi, assez ivre pour trouver de la beauté dans la voix rauque d'un marin dont les paroles l'ont emporté plus loin qu'aucun verre n'a jamais pu, le temps d'un discours. D'un éveil. L'euphorie momentanée valait pourtant bien la descente aux enfers qui s'est ensuivi parce que l'anxiété du doute ne laissait aucune place à la paralysante mélancolie dans laquelle elle s'était enfermée. Il n'y avait que la vie, tirant férocement sur les cordes de son âme, exigeant son attention entière, si réelle l'entourant qu'elle ne pouvait plus détourner son regard. Un peu de la même manière qu'avait Circe Thorsten de se tenir devant elle : on peut ignorer la présence d'un soleil de midi autant qu'on le veut mais cela n'empêche en rien les dangers qu'il y a d'y être exposé et à un moment ou à un autre, il va falloir faire quelque chose pour y remédier, sinon la brûlure devient trop douloureuse et se propage comme une gangrène nécessitant bien plus qu'une simple amputation. Elle prend un souffle sans doute trop grand et pose enfin ses yeux sur les siens, s'égare un instant au contact familier de son bleu sur son vert, de la danse de leurs deux pupilles se réaccoutumant l'une à l'autre dans une conversation muette, intrinsèque au regard. Un instant, seulement, avant qu'elle ne se reprenne et décide d'agir comme l'adulte qu'elle est censée être, le pincement au cœur qu'elle a n'est pas négligeable mais elle a survécu à bien pire, elle survivra à ça. Il brise le silence enfin, la sortant d'une misère qu'elle sait qu'il avait deviné. Sa voix n'est pas la même que dans ses souvenirs et elle se demande quelle part d'eux est réelle et quelle part est entièrement façonnée par les mécanismes d'un esprit qui ne garde que ce qu'il veut garder et qui s'arrange pour effacer ce qu'il doit effacer pour survivre. Elle sait néanmoins ce qu'elle n'arrivera pas à oublier même si elle le voulait, une scène comme un bleu sur lequel elle ne peut pas s'empêcher d'appuyer, tantôt pour la douleur de la culpabilité qu'il déclenche en elle, tantôt pour la montée d'adrénaline qu'elle ressent jusque dans ses tripes. Les paroles de Circe ne lui font pas le quart de l'effet qu'elle sait qu'il voudrait qu'elles lui fassent, elle le connaît sans doute trop bien pour ça. Et peut-être serait-ce aussi la raison pour laquelle elle ne devrait pas rentrer dans son jeu, mais elle ne pouvait pas se refuser une dernière partie, juste une dernière fois avant la fin. Le sourire satisfait qui vient se poser sur ses lèvres accepte tous les coups bas, content de retrouver ce qu'il avait cru perdre mais qui est toujours là, il dit : je n'ai pas besoin de lire dans tes pensées pour savoir ce que tu fais, essaie un peu plus fort et tu réussiras peut-être à faire bouger quelque chose la prochaine fois. Le problème avec les oranges c'est qu'ils pensent détenir l'entendu des secrets de l'univers simplement parce qu'ils pénètrent les esprits. Mais les hommes sont beaucoup moins complexes qu'ils ne prétendent être, il suffit de savoir lire entre les lignes, traduire les silences, comprendre les non-dits, tout le reste se devine presque trop facilement. Les secrets les plus inavouables, les fantasmes les plus terrifiants sont souvent les mêmes, il suffit de les connaître et de les attribuer à chacun. Elle a déjà joué à ce jeu tellement de fois qu'il est difficile de la prendre de court, elle sait déceler la faille et le fil sur lequel tirer pour que tout s'effondre, le monde est souvent si prévisible qu'il n'y a plus aucun intérêt à aller à sa découverte. La différence avec Circe c'est qu'il arrive encore à la surprendre, qu'il fait résonner des points d'interrogation en elle qui la poussent à souhaiter avoir été capable de plonger dans son esprit avec la même facilité qu'il a de se glisser dans le sien. Elle se demande si ce qu'elle y trouvera serait plus terrible que ce qu'elle pense qu'il y a, ou si après tout, il y avait encore de l'espoir pour lui. Surtout, elle ne savait pas ce qu'elle espérait le plus : qu'il ait une chance de s'en sortir en coupant la queue, en brisant le cercle ou qu'il soit voué au même avenir qu'elle, embarqué dans une guerre qui n'était pas sienne, qui le détruira sûrement, mais dont la fin est le seul moyen de renouveler le cycle. Et peut-être était-il déjà trop tard ? - Les terres n'ont jamais appartenu aux hommes. On ne soumet pas un sol aussi vieux que l'univers à soi, mais je serai volontiers présente pour les y voir enterré. Elle sait qu'il sait quand un sourire se dessine au coin de ses lèvres. Elle sait aussi qu'il sait qu'elle sait qu'il sait, ce qui devrait empirer la situation mais la soulage quelque part de ne plus garder cette connaissance en elle, pour elle. Quand il s'approche, elle fait un pas en arrière et puis deux et trois, jusqu'à ce que le mur l'arrête dans sa lancée et qu'il n'y ait plus que Circe, l'envahissant de toutes les manières possibles. Quand ses yeux se plongent dans l'abîme des siens, elle essaie de faire de même, en vain. Lui parvient à franchir des limites qui auraient dû être impossible à l'homme, elle se contente d'observer son propre reflet sur ses iris et se met à envier ce dont il est capable. Si elle le pouvait, elle vivrait dans son esprit. S'y baignerait et absorberait tout ce qui s'y trouve pour remplir le vide en elle, ne laisserait rien derrière pour qu'ils soient l'un dans l'autre habitant son corps et son esprit. Quand il aspire son air, elle s'imagine vivre en lui et peut-être si elle soufflait son existence contre sa bouche, jusqu'à rendre son dernier soupir, pourraient-ils ne plus former qu'un seul être, une seule entité indivisible dont les seules limites tendent vers l'infini. Elle enregistre le nom de son mari quittant les lèvres de l'homme devant elle avec une fraction de seconde trop tard, ne sait même pas ce qu'il a dit mais n'en a pas besoin parce que son corps réagit instantanément au mot "Danilka" comme s'il avait été magique. La nausée qui monte en elle lui coupe soudainement le souffle, l'angoisse trop forte quand elle pense qu'il est là. Qu'il était là. Bien sûr, elle l'avait entendu parler de la Résistance, en long, en large et à travers. Tellement qu'elle ne le prenait plus au sérieux et même si elle savait qu'il était parti s'y rendre, espérait que la lâcheté aurait pris le dessus et qu'il aurait battu en retraite pour un long séjour dans la première maison des horreurs qu'il aurait dénichée (ou construite). Elle aurait dû se douter qu'il irait au bout de ses plans, il était lâche oui, mais seulement quand ça l'arrangeait et la détermination avec laquelle il se démenait pour composer son art n'était pas négligeable. Ce sombre idiot qu'il était. Elle ne pourra rien pour lui. Il avait choisi sa destinée, elle la sienne. Leurs chemins divergeaient enfin après tant d'années et elle n'était pas prête à l'accepter, mais elle le devait et éventuellement, elle le ferait. Peut-être qu'elle le faisait d'ailleurs déjà, ce voyage était après tout un premier pas, le premier chapitre de son dernier tome à elle. Alors peu importe ce que Danilka faisait des siens parce qu'ils n'écrivaient plus le même livre. Elle se demanda ce qu'il y avait d'inscrit dans celui de Circe, s'il y avait d'ailleurs quoi que ce soit, si il avait brûlé les pages ou si comme elle, il s'était suffi à une multitude de pages blanches avant de trouver sa voie. L'avait-il au moins trouvé ? Et toi ? demanda-t-elle avant de s'éclaircir la voix. - Que fais-tu là ? Que penses-tu accomplir ? C'était à son tour de s'approcher de lui, elle chercha une émotion sur son visage, n'importe laquelle, quelque chose qui lui dise qu'il était bien là, qu'il existait réellement au-delà de son corps, qu'il n'était pas qu'une coquille vide, qu'une machine à tuer. - Non, laisse-moi deviner. Après tout, elle était douée pour ça. Ce n'est certainement pas la cause des Osanos qu'il défendait. Des ennemis en commun peut-être ? Non, elle avait du mal à le voir dans ce rôle là. Après tout, que la Résistance gagne ou qu'elle perde, il n'y a qu'une issue possible à cette histoire. - Le sang ou le sang. Elle dit les mots à voix haute, réalisant peut-être enfin ce pour quoi il était là. Autour de quoi il s'était construit. Le vide, le chaos, la destruction. Elle sourit intérieurement parce qu'elle est presque sûre que c'est ça, parce qu'ils sont beaucoup plus similaires qu'on ne pourrait le croire. Le plus beau est qu'elle a trouvé le fil sur lequel tirer et qu'elle le connaît mieux que quiconque parce que c'est le sien aussi. - C'est la fin que tu recherches ? Parce que j'ai vu la fin et je peux t'assurer qu'il n'y a rien après. Le monde est toujours en suspens après une guerre, il n'y a ni de gagnants ni de perdants. Simplement le silence. Le temps qu'on rassemble ce qui reste d'os. Le mal-être des autres n'arrange en rien le mal-être de soi. L'agonie est perpétuelle et il n'y a aucun aboutissement, aucun renouveau. Pas pour les survivants et pas pour les autres non plus. Tu penses pouvoir te sentir moins seul si l'univers lui-même partageait ta douleur ? Laisse-moi te dire que ça n'arrivera pas parce que le monde s'en fout pas mal de toi. Lui ne se cherche pas parce qu'il sait qu'il est. Le chaos ne changera rien à sa construction. Tu auras beau détruire tout ce que tu voudras mais l'euphorie n'est qu'éphémère, elle te passera comme tout le reste et tu te retrouveras aussi seul et perdu que tu ne l'étais au tout début. Mais, je peux te montrer à quoi ressemble la vraie survie, je peux te montrer ce qu'il y a dans ton vide à toi.


Dernière édition par Galya Valaeris le Lun 4 Déc 2017 - 18:21, édité 1 fois
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catharsis (circe) Vide
MessageSujet: Re: catharsis (circe) catharsis (circe) EmptyMar 28 Nov 2017 - 19:16

L’âme cachée dans le corps. La vérité sous les masques. Le cœur battant les sentiments comme un tambour irrégulier par dedans la chair. Le fond en-deçà des apparences. L’homme, parti à la recherche de la profondeur. De quelque chose de plus, parce que ça ne pouvait pas, ça n’avait pas le droit de n’être que ça. Tu penses, alors tu es. Sans la profondeur fantasmée de ton esprit, sans ton âme et sans ta vision du plus encore, tu n’as pas le droit à l’étant. Rien n’existe qui ne se pense pas soi-même. Même une Galya, pourtant aguerrie de l’expérience du vide, continue d’espérer une profondeur. La terre sous ses pas, renfermant des secrets insondables et inaccessible aux pauvres ères le foulant, inconscients, désespérés et trompés par leur propre vanité. A la possession de la terre par ses armées, elle lui oppose une liberté introuvable. Soumettre la terre, annonce-t-elle, est impossible. Pourquoi ? Pourquoi donc n’auraient-ils pas soumis la terre, puisque la terre ne connaissait pas le terme, ni même l’idée ni même la pensée de se soumettre ? Ils pouvaient bien soumettre la terre, et se persuader de l’avoir fait, puisqu’ils étaient les seuls conscients, les seuls à savoir ce que ça faisait de se soumettre. Bien sûr, que la terre leur était soumise. Leur propre idée de ce qu’était la terre leur était soumise : ils s’étaient soumis à eux-mêmes, dans un onanisme brillant dont seul l’homme sait faire preuve. Mais Galya entrait en résistance, non pas contre les faits eux-mêmes, mais contre lui, Circe, pour le seul plaisir de le contredire, s’imaginant le remettre à sa place : sa place d’homme de rien du tout sur une terre de tout. Pour vaincre son sophisme, elle avait donné à la terre l’avantage de l’âge. « Aussi vieux que l’univers ». Il sourit, attendri par la métaphore. — Et la surface ! Qu’est-ce que tu fais de la surface. Il demande à demi voix, sans s’assurer qu’elle entente, parce que ça n’a aucun intérêt qu’elle y réponde. Il n’y a que lui que ça amuse, cette quête du monde d’en dessous, forcément plus vieux, plus intense et plus vrai que ce qui danse inutilement là-haut. Pour une femme de l’air, Galya est incroyablement terrienne. Peut-être est-ce ainsi qu’on devient une fois qu’on a touché le fond. On regarde la surface depuis là-dessous, dans un mélange d’amertume et de pitié. On sait qu’on ne remontera pas, ou du moins, qu’on ne sera plus vraiment là si on remonte. Il n’en sait rien, lui, il n’est jamais allé au fond des choses. Le corps qui entoure l’âme a sa préférence, le masque par-dessus la vérité, il le porte tout en sachant que s’il venait à le soulever, il n’y aurait en-dessous qu’un autre masque, et en-dessous de l’autre masque, un autre masque. Il sait qu’il pourrait se disséquer toute une vie en s’écoutant penser, il ne trouverait pas l’âme. C’est difficile à accepter, la surface éternelle. La platitude sans relief. Aussi dur qu’il est impensable de construire quoi que ce soit sur une zone increusable. Comment pourraient tenir vos fondations si elles ne sont pas plantées dans quelque chose ? Ça reviendrait à prendre le risque de laisser une bourrasque tout emporter. Ça voudrait dire qu’on ne peut compter sur rien. N’avoir aucune certitude. Personne ne veut de cette vie. Et pourtant, vous prenez conscience de la vacuité éternelle la première fois que vous transpercez quelqu’un. Lorsque votre épée ou votre couteau traverse ce corps et que vos doigts, immédiatement reliés à votre esprit, ressentent chaque aspérité percée. Crac, le cartilage, mouic, la chair, gloc, c’est l’os. L’homme a le menton posé contre votre épaule, et vous apercevez de l’autre côté de lui la pointe mouillée de l’arme qui l’a perforé. Ça y est. C’est ça, l’autre côté. Vous vous attendiez à quoi ? Un dernier souffle duquel s’échapperait une âme lumineuse ? Des miettes de coton argenté ? Vous repoussez en vous aidant de la jambe le corps désarticulé, presque dégoûté par son manque de coopération. Vous pourrez feindre toute une vie qu’il n’y a pas seulement ça. Pas uniquement la surface des choses. L’idée de pouvoir toucher le fond continuera de vous attirer autant q'elle saura vous maintenir à flots, et ainsi vous permettre d’atteindre l’équilibre : le milieu, l’entre-deux, le contemplateur heureux d’avoir une vue plongeante sur le très haut et le très bas. Dans toute civilisation l’on s’élève ou bien l’on descend. Toujours plus haut ou bien bas, mais le statu quo est peu enviable. Cependant, quand l’épée traverse le corps jusqu’à sortir par l’autre côté, alors seulement on fait l’expérience de la vacuité. Le haut et le bas se réunissent soudain brutalement dans le milieu et s’y fondent en un seul tout. Vous réalisez en une vision tragicomique que vous êtes dieu. Que tout ce que foulent vos pas et vos pensées est surface. Qu’il n’est pas de lendemains de chantent qui ne soient les échos d’une veille. Qui peut vivre avec ça ?

Il constate dans un plaisir dissimulé (juste assez pour qu’elle en remarque tout de même les contours) que son attrait du vide, du vide en lui notamment, est toujours vivant. Autant elle voyait en Danilka tout ce qu’il pouvait lui apporter, autant elle désire en Circe tout ce qu’il ne lui donnera jamais. Curieux de connaître l’actualité des sentiments de Galya envers son tendre époux, il se promène à nouveau dans son esprit une fois la géolocalisation du bonhomme effectuée dans un à-peu-près dont il se fout. Ah. Les rêves sont troués. De beaux draps fleuris suspendus aux fenêtres qu’une tombée de grêle est venue lambeauter. Vous pouvez murmurer à quelqu’un un mot dans son esprit, de manière à ce qu’il l’entende. En général, c’est votre voix qui retentit en lui selon l’intensité que vous lui donnez. Mais si vous enfoncez le nez dans les sous-couches les moins habituelles, les moins explorées et les moins bruyantes de l’esprit d’autrui, vous pouvez lui parler sans être entendu de lui. Ici, par exemple, il murmure « Danilka » aux faces les moins voyantes du cerveau de Galya, de manière à ce qu’elle ne l’entende pas le murmurer. Un équivalent vocal, si vous voulez, de l’image / message subliminal d’un contenu visuel. Fleurissent alors des liens comme des fleurs ouvertes en accéléré ; tout ce que le cerveau relie à ce que vous venez d’évoquer et provoquer en lui. Les teintes ont changé, Galya. Les soucis de Danilka ne sont plus vraiment les tiens, du moins, ne font plus partie de ton coin du jardin. Son sourire s’élargit en l’entendant lui poser ces questions, profondes comme elle en a l’habitude, drapées des tissus glorieux de la Réflexion. Un miroir qu’elle tente de lui tendre dans l’espoir de s’y déceler sous un bon jour. Elle exige de deviner seule, il n’a même pas esquissé un mouvement pour lui répondre. Enveloppé dans son sourire comme un roi dans sa traîne, il patiente jusqu’à l’analyse. « Le sang ou le sang », soufflent ses lèvres, et il s’attarde à contempler le mouvement de sa bouche lorsqu’elle prononce cette répétition glacée. Ses lèvres sont rosies par le froid, gonflées par l’humidité salée qui règne ici. Elles entourent avec volupté ses dents de jeune louve, blanches comme lorsqu’elle a dû naitre. Même l'opalin de sa peau ne parvient à les ternir. Du sang pour du sang. C’est marrant, ça marche également avec n’importe quel autre mot : du pain pour du pain. Du pigeon pour du pigeon. On peut tout y mettre, mais il reconnaît qu’on préfèrera « sang » pour la sonorité poétique. Par amour de littérature. Il hoche donc la tête, satisfait de l’interprétation. Elle lui sourit. Pas de chair, parce que son visage le scrute, impassible chercheur de lectures. Elle lui sourit de dedans, dans ce qu’elle croit être une vérité cachée alors que lui ne contemple que l’apparence qu’elle lui tend, se repaissant de ce qu’elle a à donner. Parce que tout est une question de ce que les autres ont à vous filer. Ce qu’ils ont vraiment, on s’en fout. Elle entrouvre à nouveau les lèvres, et les yeux du télépathe se perdent dans ce que son pouvoir ne lui permet pas de posséder, non pas l’esprit, l’intérieur, le pseudo-vrai, mais la chair, l’apparat. Envieux de cette mécanique qui la pousse à séparer ses lèvres l’une de l’autre, ressac aspirant sa langue vers l’arrière et la repoussant en même temps que ses mots. Aucune femme n’est aussi belle qu’elle pour ce qui est de la mécanique. Elle lui dit tout ce qu’elle pense. Il entend la sincérité à ce que les notes qui sortent de sa bouche ont à peu près la même teinte sonore que celles qui s’évacuent de son esprit comme des fluides invisibles au moment où elle parle. Ça sonne juste. A peu près, parce qu’il reste tout ce qu’elle tait et tout ce qu’elle pense à dire après une fois que ce qu’elle dit maintenant l’évoque et qui vient se mêler à ce qu’elle dit maintenant. Sincère dans sa vérité. Honnête dans le miroir qu’elle lui tend, dans lequel elle se dessine en mentor. Plus âgée que lui, elle est descendue plus profondément. Elle a vu ce que lui a cru voir. — Le silence, murmure-t-il, son regard ancré dans le sien. — Si tu savais… Si seulement elle savait. — Si tu savais comme j’ai hâte de l’entendre, Galya. Il est comme un môme imaginant son cadeau de Noël. Mais un môme capricieux qui entend combattre le temps, parce que le temps met beaucoup trop de temps à arriver. Le silence, il ne l’a jamais obtenu. Du moins pour l’instant (mais un jour viendra). Jusqu’ici tout n’a été que la fureur du bruit, les pensées et les espoirs et les colères et les désirs des autres s’agrippant à lui comme des sangsues autour d’un poisson con venu nager là où il n’aurait pas dû. Le hasard d’une naissance, disent les médecins. A un poil de cul, tu étais télékinésiste et tu grandissais dans une ferme entouré de chaleur. Le silence. Ce foutu monde ne se taisait jamais. Galya ne se tait jamais. Il avait fermé les yeux à l’évocation du silence, il les rouvre soudain et leur fait faire un rapide tour de la pièce, à commencer par le plafond. — Si j’avais su qu’on partait en Introspection… Non pas qu’un voyage à tes côtés ne me tente pas, mais… « Tu cherches ? » « Je peux t’assurer », souffle-t-elle. « Tu penses ? » « Laisse-moi te dire ». « Tu auras ». « Tu te retrouveras ». Il sourit à nouveau lorsqu’il repose sur elle son regard gris. — Tu l’as vue, hein ? La fin. Tu l’as vue ? — Ça n’existe pas, la fin. Pas plus qu’il n’y a La Femme, ou L’Homme. Il y a une fin. Et c’est celle-là qui m’appelle, scande-t-il dans son sourire aux invisibles cicatrices. — Ma fin n’a rien à voir avec la tienne. Elle ne ressemble pas à tes visions, vient-il murmurer en rapprochant son visage du sien, ses yeux de ses yeux, comme pour lui dire ok, je suis d’accord, plonge-s-y si tu veux. Tu vas être déçue. Il persiste ainsi quelques secondes, sentant juste en-dessous de ses cils sa poitrine se soulever au rythme d’une respiration difficile. Il recule. — De ma fin, Galya, on ne revient pas. Avoir vécu une guerre déjà te la fait voir comme une fin en soi. Tu ne devrais pas. Ça n’a rien d’un ordre, ni d’une contradiction. Un conseil d’ami, lancé au vol dans un aimable jet qui n’attend que d’être rattrapé. Une fin à lui, il n’est même pas certain qu’elle se donne à voir. Elle a lieu. Comme l’univers. Comme une mort qui survient dans le sommeil. A l’entente des derniers mots de Galya, il a un rire franc. Ce même rire qu’il a toujours eu, étonnamment clair pour une voix aussi éraillée que la sienne. C’était difficile, de le faire rire, bien plus que de le mettre en colère. Peut-être cet éclat de verre jeté au tumulte était-il la dernière chose de vraie qui existait en lui. — Tu m’as toujours vu comme un enfant en mal de reconnaissance, constate-t-il tel un vieil ami se remémorerait les instants d’antan auprès d’un parent. — Ça t’a rendue très attirante, il lui adresse un regard brillant, — mais ça n’aide pas ton logos à se faire convaincant. Thorsten ne se départit pas de sa bonne humeur. Hors de question. — Cela dit, tu as raison, le monde se fout pas mal de moi. Surtout ces derniers temps, ajoute-t-il, pensif, avant de reporter sa pleine attention (et son humeur festive) sur Galya. — Le monde se fout de tout. Le monde se tait quand tout le monde beugle. Et devine quoi ? Son sourire s’élargit quand il écarte les bras, lui ouvre son torse, plein comme un soleil et ironique comme une nuit sans lune. — Je vais bientôt devenir le monde. Il observe sur elle l’effet de sa joie éclatante, et son sourire débile se meut en un sourire qui lui ressemble mieux. Moqueur, naissant au coin des lèvres seulement, jamais plein, jamais entièrement content. — Tu manges quelque chose, avant les combats ?
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MessageSujet: Re: catharsis (circe) catharsis (circe) EmptyLun 4 Déc 2017 - 18:47

Le silence est tout simplement insupportable, il l'a toujours été, il fait résonner en elle des choses qu'elle préfère ne pas entendre. Elle se réveille chaque jour et ne se laisse aucun instant de répit, aucune chance de laisser le calme s'installer, c'est l'erreur qu'elle a commise en restant seule trop longtemps, il n'y avait plus rien pour l'empêcher de sombrer, le silence l'avait enveloppé doucement, jusqu'à l'étouffer. Elle s'est débattue bien sûr, elle se débat toujours, mais il est difficile de s'échapper à soi-même. On ne laisse aucune chance à l'esprit au quotidien, on ne se laisse aucun répit dès le réveil et c'est fait exprès. Il faut faire, faire, faire jusqu'à être trop épuisé pour faire, jusqu'à ne plus avoir que le temps de dormir, sinon c'est trop difficile, sinon il y a tout un monde qui nous attrape de l'intérieur et qui nous met face à des réalités qu'on refuse de voir. On ferme les yeux jusqu'à sombrer dans le sommeil, la mâchoire serrée, les dents grinçantes, pour résister à l'attrait de l'existentialisme. Réfléchir est trop difficile, on veut vivre mais pas autant, on se suffit au corps et on fait de notre mieux pour oublier l'âme : on mange, on dort, on couche, on sort, on parle, on parle, on parle, on se distrait du mieux qu'on peut et puis on recommence. S'arrêter voudrait dire vivre, vivre réellement, sentir sa respiration, se rendre compte qu'on ne peut pas la retenir trop longtemps parce que sinon on crève et qu'on a une chance toutes les cinq minutes de crever si on le fait. Chaque inspiration est un moment où la vie rentre en nous, où elle s'installe en notre intérieur, mais chaque expiration est un rappel qu'elle peut nous quitter à tout un moment. Galya ne veut rien en savoir, mais elle ne peut pas s'en empêcher, elle déballe les mots qui se contiennent en elle sans retenue, ils sortent de sa bouche sans qu'elle puisse les arrêter, elle sent sa langue claquer contre son palais, effleurer l'intérieur de ses dents, la clarté de son articulation ne laisse aucun doute sur sa noblesse. Le calme avec lequel elle les prononce ne laisse rien transparaître de la violence de la tornade qui l'habite. Accepter une chose est si différente que d'apprendre à vivre avec, elle reconnaît tout : le vide, la mort, le silence. Elle les voit, les entend, elle leur dit : je serai prête pour vous. Serai, parce qu'elle ne sait pas qu'elle ne l'est pas tout à fait. Bientôt, mais pas encore. Il y a un peu de vie en elle dont il faut se débarrasser avant, des souvenirs qu'elle veut oublier, des réminiscences d'un autre temps : carcasses de toutes celles avant elle, ancêtres qu'elle n'a pas connus, qu'elle ne connaîtra jamais, mais qui sont là, qui l'habitent. Elle les sent. La douleur de sa mère, celle de la sienne et de toutes les autres avant elle qui crient en unisson face à un monde qui ne leur a jamais laissé aucun choix : qui sont nées sans rien demander, qui, souvent, sont mortes sans rien demander non plus, ou peut-être en demandant, en suppliant que la fin vienne et les emmène loin d'une vie dont elles ne voulaient pas non plus. Elle repense à tout ce mal, toute cette souffrance qu'elle porte sur ses épaules, que sa fille portera sur les siennes. Tout ce qu'on a enduré avant elle et qu'on endurera après, des siècles de guerre, de mariages arrangés, d'enfances volées, de violence physique, d'abus sexuels, les grossesses non désirées, les gamins morts à la naissance, et les autres un peu plus tard. Tant de violence dans un monde qui vit et qui meurt avec ceux qui en peuplent la surface et le cycle qui se répète éternellement. N'y avait-il réellement aucune fin possible ? Serait-elle pour toujours l'héritière d'un Empire construit sur les ossements de toutes ces femmes avant elle, de leur souffrance, de leur rage ? Elle ne voulait pas porter tout ce deuil pourtant il était là, quelque part dans ces silences qu'elle évitait. Alors comment Circe pouvait prétendre qu'il n'y avait rien, qu'il n'y aurait rien ? Il y avait, elle en était certaine. Il y avait parce qu'il devait y avoir. Il y avait parce qu'elle n'avait pas seulement vu la fin, elle l'était. Elle, et toutes les autres. Il y avait. - La guerre est une fin. Lui dit-elle sur un ton assuré, les corps dansent comme des patins sur les vestiges d'une mélodie macabre qui se joue en boucle quelque part dans le fond. Il y avait celui de son père, de sa mère, de ses soeurs et frères. Et des milliers d'autres inconnus qu'on avait entassé les uns sur les autres pour les brûler parce qu'il n'y avait plus de place dans les cimetières. Des autres qu'elle avait elle-même enterrés dans le sol d'une montagne qui ne voulait pas d'eux et qui les a recraché pour que les charognards se nourrissent, pour que la vie puisse reprendre son cours. Peut-être pas la mienne, peut-être pas la tienne, mais on ne peut pas ignorer le point qu'elle enfonce dans les gorges de ceux qui n'en veulent pas. Chacun est seul dans son intérieur, tout le monde ignore ce dont sont faits les autres donc tout le monde s'en fout, ils pourraient même ne pas exister, n'être que des corps qui se trimballent dans sa vie comme des figurants. Comment pourrait-elle prouver que le monde n'est qu'une illusion, comment être sûre qu'elle n'est pas le dieu qui l'a créé de toutes pièces, œuvre d'un esprit capable de tromper son maître ? C'est pour ça que le don de Circe la fascine, il a la certitude lui. Il doit savoir que les autres sont là, s'ils sont là. Elle ne pouvait pas dire si c'était mieux ou pire, savoir que nous ne sommes pas seuls, mais l'être quand même parce qu'au final l'écart entre deux êtres sera toujours inévitable, peu importe les liens qui essaient de relier les deux bouts. Il lui dit ce qu'il croit qu'elle pense de lui, ce qu'elle a sûrement pensé un jour, mais plus maintenant. - Et moi qui pensais que tu avais reçu suffisamment de reconnaissance en l'espace d'une vie pour maintenir ton arrogance dans les trois prochaines. N'était-il pas le Roi Mort ? Le lieutenant de toute une Résistance ? L'adiutor d'une héritière avec un grand H héroïque ? Elle lui dit ça avec un sourire sincère, dont la tendresse se mêle à la moquerie innocente d'une mère qui charrie son enfant. Mais il n'est pas un enfant et elle le voit. Peut-être même qu'il n'a jamais eu la chance de l'être. - Tu vas devenir le monde hein ? Je ne demande qu'à voir ça. C'était vrai et peut-être que si elle attend que Circe devienne le monde, elle ne voudra plus autant le quitter. - Tu t'y prendras comment ? Ou alors non, ne gâche pas la surprise, je ferai en sorte d'être encore là quand ça arrivera. Il y a une vulnérabilité qu'elle ressent quand il la regarde, une intensité de deux yeux qui se rencontrent, qui se rencontrent réellement, l'impression d'envahir un lieu sacré : deux trous insondables, creux obscurs qui cachent la présence d'une silhouette, dont elle voit les traits sans savoir si le reflet vient d'un dedans ou du dehors. La présence de Circe est une abrasion qui la dénude de toute cette surface qu'elle est supposée être, mais il n'est pas un cou autour duquel elle veut s'accrocher, il n'y a aucun intérêt à fixer une ancre quand on veut s'envoler au loin du boulet de forçat qui nous retient à terre. Elle ne veut pas changer une condamnation pour une autre, elle ne se l'avouera peut-être jamais, mais ce qu'elle veut réellement c'est revivre. Revivre même si ça veut dire traîner le poids de jambes qui ne savent plus fonctionner sans la peine qu'elles ont tirée pendant des années. Mais, revivre est un luxe que peu peuvent se permettre. Elle, elle n'a plus ni le temps, ni la patience pour ça, l'appel du vide a toujours été plus fort que tout le reste de toute façon, la tentation de tout foutre en l'air, de mettre le feu au monde et de se laisser consumer avec. Si tu savais. Elle savait oui, elle savait. Elle ne pouvait seulement pas poser le désir de sa propre fin sur lui. Elle ne pouvait pas se permettre de savoir, même si la certitude de comprendre était là quelque part, sous les couches d'un doute qui apparaissait toujours, qui la poussait à tout remettre en question parce qu'on ne peut jamais être certain de rien. Et puis, c'était lui le maître de l'esprit entre eux deux. Elle, elle n'avait que l'air et n'arriverait pas à couper son souffle dans cet état. Sauf si. Elle ne ressemble pas à tes visions. Lui avait-il dit. En était-il certain ? Avait-il pénétré les profondeurs de son esprit pour s'en assurer ? "Ah non ?" qu'elle murmure sans utiliser de mots. Elle profite du moment où il s'éloigne d'elle pour faire un pas vers lui doucement. Elle s'approche avec la précaution d'un homme qui s'apprête à fourrer sa tête dans la gueule d'un lion, elle ne veut pas faire paniquer la bête avant de mettre le tour en place, parce que l'important c'est le durant par l'après, donc peu importe si elle se fait arracher le cou pendant le spectacle, la foule sera tout autant en délire. Elle lève une main doucement, la met en évidence devant lui, ses yeux lui disent "je ne mords pas et même si je le faisais tu n'as rien à craindre", bien sûr qu'il n'a rien à craindre, il pourrait l'anéantir en une fraction de seconde s'il le voulait. Une part d'elle voulait qu'il le veuille. Les doigts de Galya effleurent le vide entre la bouche et le nez de Circe sans jamais toucher sa peau. Elle sent l'air qui l'entoure, comme si elle vérifiait la respiration d'un nouveau-né, le laisse l'entourer, le laisse pénétrer son corps et s'enrouler autour d'elle. Elle aspire le contenu de ce petit espace jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien. Jusqu'à ce que le vide soit réellement vide. La concentration dont elle fait preuve l'empêche de penser à quoi que ce soit, le silence est maintenant autant en lui qu'il est en elle. Elle y met une pression nécessaire pour le maintenir en place. Elle ne dit rien, ne pense rien, n'est rien. C'est ça le silence, il résonne, normalement, sur deux tonalités différentes : la première est celle des battements d'un coeur, d'un pouls qui frappe contre l'intérieur des oreilles. La deuxième, un tintement argentin dont l'éclat est si pur que son timbre ne peut être que celui du vide. Le maintien est difficile mais réalisable, elle résiste pour qu'il ne puisse pas rompre le lien, mais sait qu'il le peut si il y met du sien. Elle se demande combien de silence peut-il endurer tout d'un coup, combien de temps peut-il tenir avant de craquer et briser son cou en deux. Elle sourit à l'éventualité que Circe puisse être sa fin, cela serait presque aussi bien que ce qu'elle avait prévu, alors elle resserre son emprise sur lui, la renforce autant qu'elle peut pour qu'il ne s'échappe pas. Ce n'est pas un besoin de le posséder lui, pas sa chair, pas son corps, pas ce qu'il pense qu'il est, mais de voir ce qu'il est vraiment, de toucher, juste du bout du doigt, cette spirale à l'intérieur de lui, de savoir le goût qu'elle a, si la sienne aussi tourbillonne sans jamais s'arrêter, si lui aussi, a une mer intérieure qui lui donne le vertige, contre laquelle il ne peut lutter parce qu'il n'y a aucun autre havre que celui de la mort. Le phare scintille au loin pour signaler sa présence qui approche, mais il y a encore une tempête qu'il faut affronter avant d'arriver à sa destination finale. Elle relâche sa propre respiration et l'air revient dans la chambre. - C'est pas le manque de reconnaissance Circe. Elle prononce son prénom pour la première fois depuis des années, les lettres sont étranges sur ses lèvres, comme si elle réalisait pour la première fois qu'il était une personne devant elle, réelle, avec un vécu et un prénom. Pas simplement les fantasmes d'un esprit qui ne trouvait personne pour le compléter. Elle a envie de le redire juste pour voir ce que ça fait, y résiste parce qu'on ne cède pas comme ça à ses pulsions, parce qu'il ne faut pas, même si l'envie de lâcher prise y est. - C'est juste le manque. Le besoin qu'a Galya de voir son propre visage dans un miroir refait surface abruptement, la ronge, c'est une obsession malsaine qui la dévore et dont elle ne peut se détacher. Elle doit s'assurer que ses traits sont toujours là, qu'aucun monstre n'est venu s'en accaparer, qu'elle peut se reposer sur cette chose pourtant incertaine mais qu'elle sait sienne parce qu'elle a le contrôle dessus. Elle s'afflige la faim, les picotements du charbon dans ses yeux, la brûlure des glaçons sur sa peau suffisamment pour qu'elle s'assure un instant de sa beauté. Mais la certitude n'est pas éternelle, il y a toujours une chance infime de se tromper, alors il faut vérifier sans cesser pour s'assurer qu'on a toujours le même visage qu'on croit qu'on a, que l'image ne s'est pas déformée quand on avait le dos tourné. L'angoisse de voir la destruction de ce temple qu'elle érige sans cesse habite son estomac, lui donne des coups vicieux pour lui rappeler qu'elle est là quand elle l'oublie. Elle lui dit, je t'entends, au même moment où Circe lui demande si elle mange avant les combats. - Non. Bien sûr que non, cela reviendrait à faire bouffer de la charcuterie à un dieu qui ne digère que de l'ambroisie. Cela reviendrait à réveiller la créature affamée qui sommeille en elle. Elle mangera plus tard. - Mais, je bois.
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MessageSujet: Re: catharsis (circe) catharsis (circe) EmptyMer 13 Déc 2017 - 19:21

Il lui avait proposé l’oubli. Non pas sa facilité mais le contraire ; ses mains lui avaient tendu la difficulté de ce deuil. Faire mourir les souvenirs, et rester en vie. Tuer ce que l’histoire avait fait naitre en nous, cette mémoire fœtus que nous portions comme un enfant éternel dans l’esprit-ventre et son liquide amniotique lourd. Les souvenirs sont traitres, ils décorent le vide de notre caverne intime et nous dessinent une mythologie de nous en laquelle croire, via laquelle construire son propre système, fait d’équilibres et de déséquilibres. De positif et de négatif entremêlé. Elle se faisait croire qu’il y avait eu des temps heureux, des jours de malheur que des événements étaient venus teinter d’une couleur particulière, marquant la mémoire en y apposant un sceau de fatalité que Circe, lui, réfutait net. Nos souvenirs n’étaient qu’un tissage d’histoires parmi d’autres histoires. Le télépathe en lui savait à quel point les souvenirs d’un autre pouvaient devenir siens avec autant de facilité qu’un simple mouvement de tête, un changement de prisme infime et capable de passer inaperçu. Galya portait et souffrait sa propre thanatologie, qu’elle savait magnifier à la manière d’une peintre, éminemment artistique, aérienne. Faite de jeux d’ombre et de lumière, en clair-obscur permanent. Un des esprits les plus sublimes et grotesques dans lesquels plonger, un de ceux qu’il n’aurait jamais pu oublier. Galya était de ces êtres capables de se fixer en lui bien plus véritablement qu’un souvenir accroché à la mémoire. Il lui avait proposé l’oubli, et elle avait refusé son offre, préférant se regarder bercer les ossements de l’humanité qu’elle se racontait, inlassablement – et elle était douée pour ça, plus douée que quiconque. Les récits de Galya, ceux qu’elle ne racontait pas à ses enfants au coucher, étaient ceux d’une réalité transcendée. Elle avait peut-être feint de ne pas voir son intérêt, mais il les avait écoutés avec fascination ; la même qui l’habitait à cet instant, alors qu’avec quelques paroles seulement, elle parvenait à lui faire lever le voile sur ses intentions véritables comme personne hormis  elle ne savait le faire. — La guerre est un début, répond-il d’un ton aussi assuré, aussi irréprochable que le sien, ancrant son regard dans son bleu lazuli. Il joue avec le sérieux d’un adulte n’ayant jamais vraiment grandi, la contredit tout en lui laissant entendre qu’ils ne disent en réalité qu’une seule et même énoncée. Tous deux accordent à la guerre sa plus totale vérité, tous deux y participent activement. Ne se retrouvent-ils pas sur un champ de bataille aujourd’hui ? Il contemple les ombres des morts danser dans les prunelles de Galya, que sa mémoire et que sa langue animent et font vivre à nouveau – mais est-ce une vie que de la passer à valser avec des fantômes ? Il lui avait proposé l’oubli. Elle avait reculé face à la perspective de la sérénité, et il n’avait pu lui promettre pour la rassurer que les danses macabres reviendraient. Les jours dansant ne seraient peut-être plus, et alors... Qu’elle n’avait pas à craindre la paix, que la guerre et la paix étaient une chose semblable. Il lui avait proposé l’oubli, et elle ne l’avait pas pris, peut-être parce qu’il n’avait pas su le lui vendre. L’esprit de Galya lui apparaît doté d’une universalité renversante. Là où dans les autres têtes, il n’aperçoit que la tristesse de visages familiaux, celui d’un père disparu, d’une mère emportée par la maladie, d’un bébé mort-né, il voit en Galya un être humain aux mille têtes, mort-vivant toujours tombé ou tombant. La fin peuplait cette femme aussi intensément que le début pouvait maintenir en vie un nourrisson. La sensation, le goût certain de la fin la dépeuplait, lui donnant l’illusion d’être la spectatrice de son propre mythe avec autant de réalisme qu’elle voyait se dérouler celui de l’humanité tout entière. Elle se trompait. Elle croyait se remplir de visions en s’éloignant toujours plus dans le fond, maitresse de son oubli précisément dosé, manipulé avec un soin personnel. Il penche la tête de côté tout en l’écoutant avec attention, son regard métallique ne quittant pas le sien, absorbant d’elle tous les fluides qu’elle accepte de faire jaillir, peu importe qu'ils proviennent du fond ou de la surface. — Crois-tu que les gens sachent vraiment ce qu’ils veulent, et ce qu’ils ne veulent pas ? Le murmure de sa voix est un écho aux questionnements de seconde couche qui sommeillent en elle, ceux qui ne concernent qu’elle et pas le reste de l’humanité qu’elle voudrait embrasser entre ses bras ouverts, peut-être dans l’espoir vain de s’oublier dedans. Cosmos amniotique chaudement recouvré en songe. Pourquoi existes-tu seulement pour les autres. — Le sais-tu toi-même ? Souffle-t-il sans en attendre la réponse. Ce n’est pas parce que la mort t’a blessée qu’elle a blessé le mort dont tu parles, auquel tu redonnes une vie impie dans l’image de tes paroles. La fin des autres ne sera jamais la tienne, Galya, même si tu aimerais l’adopter et l’enfanter à nouveau dans la toute-puissante volonté de ton mythe personnel. Il ignorait jusqu’à la rencontrer qu’Ouranos pouvait être une femme. Il savait à présent. Il avait compris depuis longtemps que l’humanité et son entendement lui échapperaient à jamais. Elle avait refusé cela, déjà parce qu’elle était infiniment plus intelligente que lui, mais aussi parce qu’elle était Mère et pas lui. Elle enviait son don, et regrettait l’usage inutile qu’il en faisait, quand elle aurait su lui rendre hommage infiniment mieux. Galya télépathe aurait sans doute tenté d’être un peu plus le monde, afin de parvenir à être un peu mieux au monde. Un rêve illusoire, mais qui possédait quand même le charme d’être un rêve. Il esquisse un sourire, à l’entente de ce qu’elle ne dit pas mais qui chante en elle une musique douce, tendre et plaintive comme une chair à vif, une rose éventrée. Elle envie ses certitudes, sans saisir qu’elles ne sont qu’habitudes. Lassitudes d’un sachant qui ignore tout, sinon qu’il ne sait rien. La fin et le début étroitement embrassés. Ce qu’ils auraient pu être, elle et lui, si seulement Galya n’avait pas su chanter. Il lui rend son sourire, nostalgique de ses ironies épicées, son regard soudainement voilé comme le ciel d’un début d’hiver. La reconnaissance, il n’a jamais su la prendre. Le reflet de lui dans un miroir, il n’a jamais su l’identifier. Son ombre qui le suit dans les rues ombragées de Launondie, il lui est arrivé de la saluer comme une presque inconnue qu’on ne remet pas tout à fait. Je te pense, donc je suis, dit l’homme qui ne sait pas se reconnaître, l’homme qui ne se pense pas. Parfois il avait cette sensation de n’être qu’esprit, un fil tendu de pensée sur lequel fourmilleraient des infinités de réels et de mémoires et de fantasmes dans des univers différents. Des langues que, souvent, il ne comprenait pas. Des images qui n’appartenaient pas aux couleurs de son monde. Pour se faire vivre en corps, il avait choisi les activités les plus brutes, le combat et le sexe. Jamais il n’avait su recouvrir les actes d’un voile de mélancolie qu’on nommait érotisme, et héroïsme. Il avait fait le choix de l’ecce homo, nu et écartelé, et on l’avait en retour appelé le roi mort, le mythe éteint, parce que c’était ça l’homme qui se pense, finalement. Un mort-vivant digne d’aller peupler les tableaux qui faisaient survivre Galya malgré l’imminence angoissante de la fin et du début. Son sourire s’élargit à mesure que les plaisanteries de Galya trouvent une résonance en lui, faisant naitre son amusement avec autant d’aisance qu’elle sait faire surgir sa gravité. — Je ne suis pas sûr que quiconque se rende compte de ma transformation, signale-t-il, faussement peiné dans le ton et l’expression. — Peut-être que le monde lui-même ne verra pas que j’ai pris sa place. Consummatum est*, achève-t-il dans son sourire, toujours plus grand, presque hilare. Il entend la voix de Galya résonner directement à son esprit télépathe ; la meilleure manière d’échanger. La parole du silence. Sa voix vient l’habiter, apportant avec elle tout ce que Galya possède de différent et de dissonant par rapport à lui. Il aime la présence en lui de ce corps étranger, cet être qu’il ne se targuera jamais de connaître, parce que c’est vain et parce qu’il n’en veut pas, de cette connaissance, de sa répétition stupide en reconnaissance comme si on pouvait faire le tour d’elle et revenir au point qu’on vient de quitter. Il s’éloigne et elle s’approche, lève une main pour tenter d’apaiser sa sauvagerie, d’apprivoiser sa défiance intrinsèque. Ils ont tous tendance à croire que le tigre dévorerait l’homme si l’homme venait à passer devant lui. Ils ignorent que seule la cruauté de la faim guide la violence de l’animal, la faim de chair et la faim de survivre sur un territoire occupé pendant un temps qu’il ne compte pas. Que personne ne compte. Que seul l’homme tue par désespoir. Nombreuses sont les femmes qui ont eu pour lui une peine immense et apeurée. Quelles sont celles qui, comme lorsqu’on sait regarder un tigre, ont pu saisir au vol l’intensité de son impassibilité ? Elle s’approche et il ne bouge pas, l’observe, elle et non sa main levée en signe de paix, simplement parce qu’il ne comprend pas le message. Il ne parle pas, le langage lui est soudainement inconnu depuis qu’elle a intimé un pas vers lui par la pensée, et la laisse boire à la surface de son âme à défaut de se délecter de paroles dénuées d’empreintes. Et plus Galya aspire de lui, plus les yeux de Circe se ferment à mesure qu’il se sent dépossédé. Elle croit se remplir de vide c’est faux elle se remplit de son vide. Elle lui offre un présent plus précieux que tout ce qu’il aurait pu espérer s’il avait tenté de faire un vœu. Un moment de répit, un instant, un seul, dans lequel oublier. Non pas l’oubli qu’il lui a proposé, par la destruction de sa mémoire et de son mythe, mais cet éloignement délicat, cet avalement si pur qu’on en ressent presque sa douleur. La violence et la tendresse t’observent d’un seul mouvement d’œil à demi ouvert. Un regard rare, aussi éphémère qu’un instant proche de prendre son envol sans la moindre esquisse pour le prévenir. A présent il a fermé les yeux, à présent il n’attend plus – ni la mort, ni la vie, ni le rien ni le tout – il ne cherche pas à retenir ce qui s’en va de lui, à rabsorber ce dont elle s’empare. Elle devient si présente par son absence, si proche dans son éloignement, qu’il se demande si elle ne va pas finir par entrer en lui, tout simplement. Et finir là ce qui pourrait être le début d’autre chose. Soudain, ses paupières se rouvrent, non pas celles de chair que recouvre l’ombre des cils, mais des yeux intérieurs aux fulgurances si blanches et si aveuglantes qu’elles ressemblent à de la chaleur lumineuse. Soudain il contemple l’ouragan qui mugit à l’intérieur d’elle, et sa télépathie, excitée, effrayée, extatique, traverse le tourbillon qui l’anime, se fait ensevelir par lui et tremper par son souffre écarlate jamais je n’aurais imaginé un tel déferlement de vie de l’autre côté de toi. Il est Loki riant aux éclats et porté par ses larmes folles sur un bateau de bois que les flots de Gjöll dévorent en croquant sa coque de toutes parts. Il se sent possédé par ce rire quand le souffle entre en lui sans s’annoncer et l’éjecte de cette vision quand ses yeux, ses véritables yeux se posent alors sur ceux de Galya. Il réalise que son souffle est court autant que le sien est profond. Elle reprend leur conversation comme si rien de tout ça n’était jamais arrivé, comme une femme se détourne d’un amant une fois l’acte terminé, prête à rentrer en elle à présent que tout a été dit, que tout a été pris. Il sait qu’elle a raison au moment où elle rouvre la bouche pour prononcer cette sentence qui sonne si vrai et si stupide à la fois. Bien sûr qu’il se manque. Il serait capable de ne pas se retrouver dans une pièce remplie de miroirs tournés vers lui. De ne pas avoir l’idée, la seule idée, de s’y chercher. Sait-elle à quel point le manque-à-soi de Circe est un danger pour le reste du monde ? A quel point son inconscience a causé de manques ? Les vies emportées au terme des combats, les meurtres inutiles, les femmes abandonnées. Il n’y a pas en lui la peur qu’il y a en elle, la crainte permanente de n’être tout d’un coup plus à soi. Voilà peut-être la raison de son refus. Lui donner ses souvenirs, le laisser avaler sa mémoire et son mythe, n’était-ce pas lui donner tout ce qu’elle avait érigé autour de son étant frêle et nu pour le recouvrir d’une histoire ? Elle aspirait le vide entre elle et lui, mais elle n’aurait jamais accepté qu’il le fasse en retour. Elle n’aurait pas voulu qu’il gomme les lignes qu’elle avait enluminées avec un soin héraldique, rituel, sur les pages de son grand livre d'histoires. Il esquisse un nouveau sourire à l’entente de ce nouveau refus – finalement, le même éternel refus à la même éternelle question. Elle voudrait revivre, à condition de tout maitriser de cette répétition. Ça ne marche pas comme ça. On n’avale pas uniquement ce qu’on se prépare à bouffer. On accepte parfois de se retourner, et de croiser le regard d’un reflet qui n’est pas nous. Les prunelles de Circe scintillent d’amusement quand sonne à ses oreilles ce présent immanent : je bois. — Mes soldats n’ont pas le droit à l’alcool la veille d’un combat. Ni alcool ni sexe. Il s’éloigne d’elle pour s’approcher de l’entrée de la tente, en soulever le voile épais et apercevoir un soldat dont il pénètre l’esprit pour lui ordonner d’aller chercher une bouteille de sa propre réserve dans sa tente, et de la lui rapporter. Il tourne la tête vers Galya lorsque le soldat s’éloigne en direction du quartier des dirigeants de la résistance. — Mais tu n’es pas un soldat, et tu as fini ta guerre. Ou bien c’est ta guerre qui t’a finie. Nonchalant, il s’appuie de nouveau contre le pilier qui soutient la tente, son regard la détaillant avec lenteur. — Tu sembles te nourrir d’obsessions insatiables, Galya. Une femme si pleine, si entière, courant sans cesse après sa propre fin, son propre vide, n’était-ce pas la guerre la plus vaine qui soit ? — Il te reste bien trop de temps à vivre pour ce genre de poésie… Et j’ai vraiment, vraiment de supers provisions, ajoute-t-il en désignant d’un geste indolent l’étendue du camp dans son dos que masque le tissu de la tente, que Galya dénigrera sans doute avec autant d’emphase que toutes les fois précédentes, toutes celles où il lui a proposé de quoi nourrir une nouvelle existence dont elle n’ose pas vouloir.





* référence à la dernière parole du christ avant de mourir (« tout est accompli ») et tableau inhabituel de la crucifixion dont on ne voit que l'ombre.
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catharsis (circe) Vide
MessageSujet: Re: catharsis (circe) catharsis (circe) EmptySam 6 Jan 2018 - 0:54

Les souvenirs disparaissent seuls, ils pâlissent avec le temps, d'autres les remplacent. Parfois, il n'en reste qu'une perception lointaine, comme un rêve qu'on se souvient avoir fait, dont le sentiment subsiste, sans qu'on arrive à en discerner ni les images, ni la signification. Un flou duquel se dégage une odeur qu'on renifle pour entièrement l'inspirer, pour que ça reste en nous, mais qui ne s'attarde qu'un espace de temps presque imperceptible sur le bout de notre langue, pour qu'on en goûte l'amertume - pourtant si douce, avant qu'elle ne disparaisse à mesure que le soleil se lève sur un jour nouveau. Quelque part le reste de sentiments est tout ce qu'on a pour se convaincre de la légitimité de ce que nous avons été, de ce que nous avons vécu. On pense garder le passé en vie si on choisit de le ressentir activement. On appuie sur des bleus qui s'estompent pour s'assurer de leur présence, même décolorée ; la déception qui s'ensuit si on ne ressent plus rien est inévitable, elle ternit tout soulagement que Galya a un jour espérer ressentir. Après ça, la frustration de cet instant vécu qui n'est plus, de cette blessure, de ce rêve, de ce souvenir, s'empile sur les frustrations passées qu'on pense avoir oubliées. Rien ne s'oublie, rien ne se perd. Le corps est un cimetière ambulant de toute cette vie qu'on a vécu. Il n'oublie rien ce qui y est enterré ; seul l'homme choisit de le faire pour pouvoir continuer à avancer. Ce poids dont on ignore tout, dont on ne comprend ni la raison, ni l'origine, c'est celui du Temps qui ne s'efface pas, qui reste dans le brouillard d'une mémoire confuse, d'un esprit qui a préféré se délaisser de ce qui a un jour été. - Si on considère qu’elle est à l’origine d’un monde dont elle sera l’achèvement, alors oui. La guerre est un début perpétuel. Elle lui rend son regard, lui rend tous ses regards, lui répond sans aucun affront puisqu'il est l'un des seuls, a toujours été l'un des seuls, à l'écouter réellement même (ou malgré) son apparent détachement et son indifférence. Il y a une pause qu'elle s'accorde à chacune des phrases qu'il prononce pour les laisser prendre une place en elle, pour qu'elle en saisisse tout le sens, pour qu'elle en écoute les silences, pour qu'elle en devine le rouage des pensées derrière. Elle ne sait rien des autres, mais a conclu dans ses observations que dans une certaine limite, la plupart des gens pensent toujours savoir ce qu'ils veulent, ou du moins ce qu'ils ne veulent pas. Il serait beaucoup plus intéressant à ses yeux de savoir ce que Circe en pensait, puisqu'entre eux deux, il était celui avec l'accès aux esprits des autres, celui dont la connaissance était supérieure si l'on en croyait son bracelet, mais surtout, si elle en croyait ce qu'elle pensait savoir de lui. - Et toi ? Sais-tu ce qu’ils veulent ? Ce qu’ils veulent réellement ? Ce que toi tu veux ? Et s'il savait, jusqu'où pouvait-il creuser en elle pour l'en débarrasser ? Trouve ce que je veux et arrache cette connaissance par ses racines. Ce n'est qu'en faisant ce qu'aucun homme n'a jamais pu faire qu'on devient un dieu. Alors veux-tu être un dieu ? Peux-tu accomplir ce que personne n'a pu avant toi, écraser plus qu'un souvenir, écraser quelque chose de propre à son corps, qu'on ne peut pas simplement peler comme une peau morte puisqu'elle est l'essence même de toute une vie ? Je veux voir ce dont tu es capable, montre-moi ce dont tu es capable. Pouvait-il seulement lire en elle ou pouvait-il la sentir aussi ? Pouvait-il réaliser un rêve ancien ? Porter ne serait-ce que pour l'espace d'une seconde le poids écrasant de quelque chose d'intangible ? Pourrais-je enfin respirer si tu le fais ? Ou le manque lui coupera-t-il le souffle avant de pouvoir ? Fait-on un sevrage si on nous sépare d'un mal qui a toujours fait partie de nous ? La brutalité de la joie est-elle plus facile à accepter que l'engourdissement de l'ennui ? Ou alors sa violence est-elle pire puisque le corps sait, lui, que toute émotion n'est que le résultat d'une réaction chimique et que pour ça, rien ne dure. Et puisque rien ne dure, le corps n'aime pas être heureux trop longtemps, passé une certaine dose, il nous en empêche inconsciemment, préfère la torpeur d'un rien puisque sa suppression ne résulte pas en grand-chose qu'un manque plus creux. Ce n'est pas pareil avec le bonheur, le sentiment est trop violent, déclenche en nous le pire des mécanismes, le plus primitif, le plus destructeur et parce que notre seule certitude est qu'il y a un début et une fin à toute chose, on décide d'y couper court nous-même pour qu'au moins il n'y ait aucune mauvaise surprise. Pour qu'au moins, elle soit sous contrôle de cet état de morosité qu'elle a choisi, qu'elle se dit qu'elle a choisi, alors bien sûr que c'est mieux que si on avait choisi pour elle. Il y a une certaine illusion de libre-arbitre qu'on attribue à des choses inévitables, une certaine illusion de destin qu'on attribue à des choix qu'on aurait pu éviter. La même loi s'applique à Galya, dont la lucidité lui permet d'être parfaitement consciente de ce qui se passe, mais dont l'humanité la pousse à détourner le regard quand même. - Vois-tu avec clarté ce qu'eux-même ignorent ? Arrives-tu à démêler les noeuds d'un esprit qui n'arrive même pas à se donner un sens lui-même ? À comprendre ce qu'aucun homme n'est censé comprendre ? À accepter l'horreur d'un être autre que soi ? À accepter ton horreur à toi ? Laquelle est plus facile à avaler et laquelle est plus facile à pardonner ? Elle ne voulait pas de l'oubli qu'il lui avait un jour offert parce que ses souvenirs n'ont jamais été le problème. Même si elle avait accepté son offre, il n'y aurait eu aucune délivrance, aucun renouveau. Galya a pensé un jour savoir ce qu'elle ressentait parce qu'on avait inventé des mots pour tout ça. Les mots ont très vite cessé d'être suffisants, perdant leur signification devant l'intensité de choses que rien ne pouvait expliquer. Elle comprit alors que seul l'homme parle, le corps ne parle pas. Il gémit de tout, de douleur, de plaisir, en profondeur comme en surface, parfois dans un cri assourdissant, souvent dans un silence qui l'est tout autant. Elle ignore donc tout de l'origine des sensations, elle n'en reconnaît que la définition alors elle croit savoir, croit comprendre, croit que ça suffit pour trouver une solution, que peut-être Circe avait-il eu raison, que peut-être aurait-elle dû simplement laisser son corps s'adonner à l'oubli, le libérer de chaînes dont le cadenas n'a aucune clé et que rien ne peut briser puisqu'on ignore tout de leur composition. Sauf que, quelque part, elle est persuadée que ça ne fera rien. Rien de plus que de l'enfoncer encore plus profondément dans sa propre enveloppe charnelle, son temple, sa prison. Rien de plus que de l'enfoncer encore plus profondément dans un trou qui n'a jamais eu de fond, où elle continuera à dégringoler librement, mais cette fois sans les nuages de souvenirs (même illusoires) auxquels elle s'accroche ne serait-ce qu'un instant, non pas pour alléger la violence d'un atterrissage certain, mais pour donner un sens minime à sa chute inévitable. Le passé n'a pas plus de sens ou de substance que les rêves qu'elle fait, qui ne détiennent pas plus de vérité que celle qu'elle leur attribue. C'est pour ça que Circe ne pourra pas l'aider. C'est pour ça que l'oubli ne la libérera de rien. Parce que la gangrène n'est ni en son passé, ni en ses pensées, ni même dans les souvenirs qu'elle pense qu'elle a. Ses racines sont bien plus ancrées que ça et aucune ablation ne la guérira de sa présence. Elle pourrait tout oublier, être quelqu'un d'autre entièrement, mais la nécrose sera toujours là. Elle se présentera sous d'autres formes, dans d'autres rêves et d'autres souvenirs et d'autres visages, mais continuera néanmoins à se répandre en elle jusqu'à noircir entièrement son organisme. Un sourire amusé se dessine sur ses lèvres à l'expression faussement peinée de Circe. - Peut-être pas, non. Dit-elle dans un murmure. Ou peut-être l’était-il déjà devenu, comme le monde, sans le voir, sans même se rendre compte de la transition, au moment même où il avait manifesté une pulsion belliqueuse - quelque part passionnée, qui l’a guidé jusqu’aux rangs de la Résistance. Une volonté de destruction qui avait sans doute toujours été là, nichée dans les interstices d'un esprit qu'on a conditionné au chaos, ou peut-être s'était-il conditionné lui-même en venant au monde, en ayant le savoir (même et surtout inconscient) de ce qui l'attendait, de ce qui l'attendrait toujours. Ainsi se serait-il élevé au-delà de ce qu’il était, aurait transcendé son corps pour embrasser de son être les cendres d’un monde nouveau. Ou peut-être s'emportait-elle simplement dans sa vision de lui, faisant toujours refléter sur les autres une philosophie qui était sienne. Elle n'en sera jamais certaine, continuera à l'univers à travers sa propre vision, n'aura jamais aucune conviction puisqu'il n'y a aucune réelle certitude. - Je croyais que la guerre n'avait pas de fin ? Lui demanda-t-elle en penchant un peu sa tête sur le côté, dans l'un des sourires les plus sincères qu'elle eut l'occasion de lui donner. - Tu sais, tu as raison. Seuls les combats changent. Et ce qu'il disait avait sa part de vérité, elle avait des obsessions qu'elle nourrissait d'une impulsivité contre laquelle elle ne pouvait pas et ne voulait pas se battre, puisqu'il n'y avait aucun remède contre les démangeaisons qui la saisissaient que de gratter l'endroit à sang pour qu'elles cessent, mais elles ne cessaient jamais. La frustration a toujours été constante la concernant, une maladie inguérissable qu'elle avait essayé d'attribuer aux autres, en peignant le blâme de son malheur sur des relations qui avaient déjà leurs propres couleurs ; un dégoût de soi si profond qu'il l'entraîna à se lasser de tout, jusqu'à ses propres enfants qu'elle ne comprenait plus et qu'elle ne voulait plus comprendre. - Ma guerre est sans fondement, pourtant elle est bien là. Elle ne concerne que moi et c'est pour ça qu'elle paraît vaine aux autres. Mais non, elle est loin d'être insatiable. Elle a dit ça rapidement d'une voix vide et épuisée bien que son sourire soit toujours présent. Elle songea à tout ce que Circe disait, tout ce qu'il avait dit, le regard tourné vers les dernières semaines qui s'étaient écoulées avant de le reposer sur lui. - Je veux bien te croire, si tu me dis à quoi tu mesures le temps et l'excès que tu lui attribues. Si tu m'expliques les raisons de ta guerre à toi, puisqu'il en faut. Il y avait chez Circe ce détachement facilement détectable à première vue (bien qu'elle ne sache dire si c'était voulu ou inhérent à ce qu'il était), d'un homme qui n'avait presque plus peur de rien, peut-être en ayant compris qu'il n'y avait rien de plus effroyable que ce qui se cache en soi. Galya était bien placée pour le savoir. Elle qui avait vu l'horreur en elle (sans jamais pouvoir y mettre fin) s'abattre (sans jamais pouvoir la maîtriser) ; soudaine et infinie. L'ouverture d'un trou noir si compact, et pourtant invisible, dont l'intensité est telle que rien ne s'en échappe mais qui aspire tout ce qu'il trouve. Il n'y a aucune issue possible ; le seul moyen de faire la paix avec ses démons est de les accepter, de ne faire qu'un avec eux. Dieu n'est après tout que le Diable qui est Dieu sans s'en rendre compte, une seule entité dans une guerre constante contre elle-même, qui refuse le mal, qui refuse le bien, les deux s'excluent, il ne reste rien (peut-être le vide vient-il de là). Le conflit originel qui se perpétue éternellement chez les hommes, qui n'acceptent pas d'être les deux, alors qui, souvent, ne sont pas. Le monde extérieur est la personnification du trou noir qui est déjà à l'intérieur d'elle et qui engloutit sa réalité ; auquel elle ne peut échapper puisqu'il est partout et que l'attraction est irrésistible. Elle ne peut pas vivre avec, elle ne peut pas vivre sans. Les foules tournoient autour d'elle, aspirent ses paroles dans le bruit des leurs, ensemble, elles forment une seule et unique harmonie dissonante où chacun exprime la hantise de sa propre existence, sans jamais s'attarder sur celle d'un autre. Et pourquoi le feraient-ils ? Quarante-trois ans de mots qu'on prend, qu'on laisse, qu'on jette, qu'on recycle. Le silence de Circe absorbe et assimile, elle le sent au-delà de ce que ses yeux peuvent voir parce que être réellement entendu fait une différence dont l'immensité est telle que son monde à elle se recentre autour de lui, l'espace d'un instant passé là, en sa compagnie. Un instant dont elle avait perdu toute notion, le temps privé de son sens. La pièce n'était qu'un tableau aux contours flou, une scène vide, un fond qui n'existait que parce qu'ils s'y trouvaient. Ce n'est que quand un coup de tonnerre gronda (peut-être n'était-ce pas la première fois, elle ne saurait dire) qu'elle fit un réel pas en arrière, non pas physiquement mais dans sa tête, comme pour redécouvrir cette tente depuis qu'elle y avait pénétré, voir ce qui s'y trouvait réellement, au-delà de ce qu'ils étaient, de ce que tous deux représentaient, à la fois ensemble et individuellement. La mémoire a rejaillit doucement, à mesure que les gouttes de pluie s'écrasaient sur la toile au-dessus d'eux, que le vent pénétrait par l'ouverture, que la vie reprenait son sens doucement, au parfum de pétrichor qui l'embaumait de ses aromates. Le soldat est revenu avec une bouteille, elle tendit la main vers lui pour la prendre sans ménagement, sans qu'on l'y invite. Que faisait-elle là ? Qu'était-elle venue chercher ? Qu'avait-elle espéré trouver ? Elle voulait accomplir certaines choses pour faire taire l'angoisse permanente ; se demanda comment Circe faisait-il pour ne pas la ressentir, avant de se dire qu'il y avait sûrement un mécanisme de défense chez lui qui l'empêchait de s'approfondir dans cette psychanalyse insupportable (qu'elle se faisait subir) et que c'était sûrement à la source de son refus de l'autre, du fait qu'il soit si ancré dans l'instant, dans ce que son corps ressentait de l'extérieur, dans la douleur et le plaisir physique, lui qui avait l'infinité du monde à portée de son esprit ; elle savait qu'il n'y aurait qu'un moyen pour y arriver, elle était à la fois si proche et si loin du but. Venir à la Résistance ne lui avait rien apporté, si ce n'est le fait de conforter une connaissance qu'elle avait déjà de l'existence d'un certain Pollux, dont elle avait entendu parler, mais dont elle ne savait rien d'autre que ce que son bon sens lui disait. Son adiutor était sûrement avec lui. Elle ne voulait pas la retrouver sans savoir comment rompre le lien entre elles, se rendait compte de l'impossibilité, mais ne pouvait s'empêcher de penser qu'il y avait sûrement un moyen de défaire puisqu'il y a eu un moyen de faire ; tournait en rond dans une boucle sans fin en se maudissant de s'être liée à elle quand elle avait encore le choix de ne pas le faire, ou de le faire avec quelqu'un d'autre, quelqu'un qui ne comptait pas, qui n'avait pas son sang, le sang de sa mère, dont elle ne se serait pas soucié de l'avenir ; se maudissait de se soucier d'un avenir autre que le sien ; se maudissait de l'avoir intentionnellement cherché pour unir leurs deux vies dans un moment de désespoir, pensant que ça la rapprocherait de cette fille qu'elle avait été, de ce passé qu'elle avait eu, qui perdait désormais de son sens ; pensant que cela partagerait le poids qu'elle portait en deux ; pensant, si naïvement dans un égoïsme arrogant que les autres pouvaient faire (ou voulaient faire) quelque chose pour elle. La culpabilité ne s'est pas arrêté depuis et elle n'a jamais pu déboucler cette boucle dans laquelle elle s'était enfermée. Encore aujourd'hui, elle ne savait pas ce qu'elle pensait pouvoir y faire. Peut-être quelque part, était-elle venue là pour trouver la chute d'une histoire dont elle n'avait jamais pu écrire la fin puisque la peur l'avait poussé à fuir aussi loin que possible de lui. Lui qui était maintenant devant elle, avec qui elle échangeait sans un mot ou un regard envers ce qui avait été, dans une ignorance civilisée empreinte de honte, de regrets et de confusion. Alors peut-être Circe était-il réellement devenu le monde entre-temps, un monde qui, elle en était sûre, voulait quelque part sa fin ; peut-être que c'était pour ça qu'il l'avait attiré vers lui. - J’attends toujours le spectacle que tu m’as promis. Je m'en vais bientôt, ce que je cherche n'est pas ici, mais montre moi ce monde que tu incarnes si bien une dernière fois. Elle ne le regarde plus depuis un moment, la bouteille a toute son attention, l'ombre de son liquide à l'intérieur réveillant un chatouillement dans son estomac qui se propage dans tout son corps, la faisant presque trembler d'anticipation. Le bouchon retiré dans un geste rapide des mains, elle lève la bouteille à l'intention de Circe, qui n'en consommera sans doute pas. - Aux nouveaux ennemis. Puissent-ils être aussi destructeurs qu'indestructibles. Puissent-ils nous distraire des blessures laissées par les anciens, puissent-ils redonner un sens à notre vie en nous ravageant jusqu'aux cendres. Puissent-ils avoir un visage différent de celui qu'on a et surtout, puissent-ils se cacher ailleurs qu'à l'intérieur de nous-même. Elle la porte enfin à ses lèvres, la fait pencher vers elle et dans le plus tendre des baisers, prend une longue gorgée de son contenu.
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catharsis (circe)

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