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Spoiler:

i - she was made of sunlight.

Les doigts de la fillette se refermèrent autour de la bague, son regard interrogateur cherchant les iris de sa mère. Le métal doré avait été retravaillé, afin de créer une nouvelle oeuvre. Amara savait ce que ce bijoux représentait pour celle qui lui avait donné la vie. C'était bien plus que de l'or, c'étaient des souvenirs qui lui étaient chers, d'une époque qu'elle chérissait par dessus tout. Cette alliance, elle appartenait à son père. Elle avait été rapportée à sa mère, ainsi que d'autres objets que le soldat avait avec lui, lorsqu'il était tombé au combat. Et aujourd'hui, alors que les jours qui séparaient Amara de son entrée à Koldoveretz ne se comptaient que sur les doigts d'une main, c'était ce cadeau que sa mère avait décidé de lui faire. Elle reconnaissait la créativité de sa mère dans ce bijou. L'anneau, autrefois simple, avait laissé place à une bague travaillée, gravée des initiales qu'elle partageait avec sa génitrice. Aleya Graylin était une artiste. Amara avait toujours été fascinée par ce que sa mère pouvait imaginer et créer. Elle, n'avait pas eu la chance d'hériter de cette âme d'artiste qui faisait tout le charme de son aînée. Amara ne réussissait pas à trouver les mots, chose rare pour cette enfant bavarde et pleine de vie. Sa mère lui souriait, de ce sourire bienveillant qui avait bercé l'enfance de la fille de l'air. « Elle est unique. Comme toi. » La bague avait été modelée pour des doigts d'adulte, afin qu'Amara puisse continuer à la porter lorsqu'elle serait plus âgée. Aleya lui avait donc offert le bijou comme un pendentif, accroché à une jolie chaîne en or. Souriant, la jeune fille déposa le collier dans la main de sa mère. Cette dernière poussa délicatement les cheveux blonds de son enfant sur le côté afin de pouvoir y accrocher le bijou. Les doigts d'enfant d'Amara vinrent effleurer la bague, s'y accrochant comme on s'accrochait à une bouée de sauvetage.


Les larmes coulaient sur les joues de l'enfant, alors qu'elle avait trouvé refuge dans un coin reculé de l'Académie, où personne ne passait à cette heure-ci. Elle avait du mal à s'adapter à ce nouvel environnement dans lequel on lui demandait d'évoluer. Sa mère lui manquait. Sa maison lui manquait. Volastar lui manquait. Elle détestait le bâtiment austère qui abritait Koldoveretz, dans lequel elle s'était perdue plusieurs fois déjà. Elle détestait la température écrasante qui régnait ici, et l'absence de vent. L'unique chose qui réussissait à lui apporter du réconfort était son frère. Mance était plus âgé qu'elle, il essayait de l'aider, autant qu'il le pouvait. Amara lui en était reconnaissante, mais elle ne voulait pas représenter un poids sur les épaules de son aîné. Elle essayait d'éviter de le déranger avec ses peines, préférant garder pour elle ce qui la chagrinait. Mais le blond connaissait trop bien sa petite sœur. La jeune Graylin ne fut pas étonnée lorsqu'elle vit apparaître la silhouette de son frère près d'elle. Il vint s'asseoir à ses côtés, passant un bras autour de ses épaules afin de l'attirer contre lui. Les sanglots de la petite blonde se firent rapidement plus calme, apaisés par la présence de son aîné auprès d'elle. « Tu penses encore à maman, et à la maison? » Amara avait honte de se montrer aussi faible. Elle refusait qu'on puisse la voir ainsi car elle n'avait pas envie qu'on la considère comme un bébé. Mais elle ne pouvait pas mentir à son frère. Alors, elle se contenta de hocher la tête, sans pour autant oser croiser son regard. « C'est pas grave, tu sais. Tu as le droit de ressentir ça. Tu viens à peine d'arriver à l'Académie. » Elle n'était pas là depuis très longtemps, certes, mais elle ne s'était pas attendue à ça. Elle avait eu tellement hâte, qu'elle n'avait pas appréhendé l'arrivée dans cette nouvelle école. Mais son ancien environnement lui manquait beaucoup plus qu'elle ne l'aurait pensé. « Je suis sûr que tu n'es pas la seule à ressentir ça, d'ailleurs. Même pour moi, c'était difficile, au début. » Amara leva doucement la tête vers Mance. Le regard de son frère était posé sur elle. Il avait réussi à attiser sa curiosité. Elle avait toujours été persuadée que l'adolescent c'était très vite fait à sa nouvelle vie ici. Il n'avait jamais parlé de difficultés qu'il aurait pu rencontrer. C'était en partie pour cela que la blonde se sentait tellement bête. « J'ai toujours pensé que tu te plaisais ici. » Un léger sourire étira les lèvres du jeune Graylin. « Pas au tout début. Je ne vous ai jamais rien dit, à toi et à maman, car je ne voulais pas vous inquiéter. Et aussi car je voulais paraître fort et courageux. Mais si tu m'avais vu, les premiers jours. J'ai presque hésité à me jeter dans la mer pour revenir à la nage jusqu'à Aeristin. » Un petit rire échappa à Amara. Elle imaginait son frère, un enfant à l'époque, aussi désemparé qu'elle l'était aujourd'hui. Seulement, lui avait été seul, contrairement à elle. « Tu ne serais jamais arrivé jusqu'à chez nous, tu aurais coulé avant. » Elle souriait, désormais. Mance lui asséna un petit coup dans l'épaule, en secouant doucement la tête. « Merci de m'avoir dit ça. Ça me réconforte un peu. » Elle le pensait, vraiment. Elle se trouvait stupide désormais d'avoir préféré s'isoler plutôt que d'avoir ouvert son cœur à son frère. Il avait toujours été là pour la réconforter et la protéger, et même lorsqu'elle ne le souhaitait pas, il continuait de le faire. Amara était reconnaissante de l'avoir à ses côtés. « C'est normal. Mais si j'apprends que tu m'as trahi en révélant mon secret à maman, je n'hésiterais pas à te pousser dans les escaliers du château. » Elle se remit à rire, alors qu'il en profitait pour se redresser. Une fois debout, il lui tendit la main pour l'aider à se remettre sur ses pieds à son tour. La jeune fille essuya les larmes qui n'avaient pas encore séché sur ses joues. « Et la prochaine fois, viens me voir si ça ne va pas, au lieu de rester dans ton coin. » Elle se contenta de hocher doucement la tête, alors qu'elle suivait son frère dans le couloir, un léger sourire aux lèvres.


Elle souriait, Amara. Reine du monde qu'elle s'était créé à Koldoveretz, elle était heureuse. Constamment entourée de sa cour, d'amis qu'elle appréciait et qui l'appréciaient en retour. Amara était simple, dans sa complexité. L'aura qui l'enveloppait attirait les gens vers elle, donnait envie aux autres d'apprendre à la connaître. L'adolescente n'avait rien à envier à ces sangs argents qui leur jetaient des regards sombres, à eux dont le sang leur était inférieur. Elle n'avait pas besoin de faire partie de la noblesse pour savoir ce qu'elle valait et ce qu'elle voulait. La blonde avait une force de caractère qui lui permettait de s'imposer face à ceux dont la voix avait plus d'importance que la sienne. Elle savait que leur société n'était pas juste, ni égalitaire, mais elle n'avait pas non plus l'âme d'une révolutionnaire. Elle n'espérait pas refaire le monde, elle voulait juste y trouver sa place. Elle souhaitait qu'on la laisse en paix, sans piétiner ni ses droits, ni ses convictions. Elle était forte, pleine d'assurance. Fixée sur un objectif qu'elle atteindrait, elle en était certaine. Bien loin de toutes les machinations qui semblaient déjà se dérouler au sein même de l'Académie, entre les héritiers et héritières de bonnes familles. Amara s'était construite, elle avait grandi entre ces murs, elle s'était trouvée. Elle souriait toujours, Amara, lorsque son regard avait croisé celui de Feyre à la Cérémonie. Elle n'aurait probablement pas sourit si elle avait su. Elle avait observé la brune attentivement, prenant conscience que leurs vies seraient liées pour toujours. La brune était belle, mais bien au delà de ça, elle était envoûtante. Une orange, dont la fille de l'air ne s'était pas méfiée. Elle avait vu tous les avantages qui s'offraient à elle grâce à ce pouvoir, et non pas les nombreux désavantages qui existaient également. Elle ne remarqua pas la lueur qui brillait déjà dans les iris de la Mêlée, alors qu'on les liait l'une à l'autre. Et même si elle s'en était rendue compte, c'était déjà trop tard.

ii - and now i don't understand it, you don't mess with love, you mess with the truth, and i know i shouldn't say it, but my heart don't understand why i got you on my mind.

Amara s'était habituée à cette voix. Celle qui résonnait tout d'abord comme un murmure dans son crâne, à peine perceptible, était devenue bien plus limpide désormais. Comme si son esprit avait cessé de se battre et de se questionner, abandonnant toute résistance. Elle se laissait aller, se laissait dicter sa conduite. La blonde n'arrivait plus vraiment à faire la différence entre ses propres pensées et cet intrus, de toute façon. Cette voix, elle la considérait comme la sienne, après toutes ces années. Comme un ange gardien, qui lui soufflait la conduite à adopter. Parfois, elle ne l'entendait pas, mais elle n'avait plus besoin d'elle pour savoir ce qu'elle devait faire. Feyre était devenue une partie intégrante de sa vie, au fil des années. Plus que ça même, elle était devenue son tout. Elle rythmait son quotidien, était le soleil qui éclairait ses jours, la lune et les étoiles qui lui permettaient de survivre à la noirceur de la nuit. Elle l'aimait, comme elle n'avait jamais aimé personne. Un amour dont il était impossible de douter. Amara était incapable de remettre en question ses sentiments. Et pour son Adiutor, elle était tout simplement prête à tout. Feyre était parfaite, à ses yeux. L'amante et la compagne dont n'importe qui aurait pu rêver. Elle lui était dévouée. Elle partageait tout avec celle qu'elle considérait comme son âme sœur. Elle n'avait aucun secret pour cette femme. Son existence dépendait de la Mêlée, il n'y avait qu'elle qui comptait. Amara s'était éloignée de toutes les personnes qu'elle avait pu connaître, même sa famille. Mais elle ne ressentait aucun manque, aucune culpabilité. Elle savait que cette situation était inévitable. Personne ne réussissait à comprendre leur relation, et chaque connaissance risquait de s'opposer à leur amour. C'était ce dont elle était persuadée. Dans les bras de Feyre, le temps semblait s'arrêter. La blonde était heureuse. Elle avait cru connaître le bonheur, mais il n'avait jamais été complet, pas avant d'avoir rencontré la jeune femme. « Comment peux-tu être si parfaite, et tout de même vouloir de moi? » Nue contre son amante, Amara détaillait son visage, incapable de quitter des iris l'oeuvre d'art qu'était sa compagne. Elle était fascinée par elle, comme elle l'était depuis le premier jour. Et il semblait que le temps n'avait aucune emprise sur leur amour, il ne faisait que le renforcer davantage. Feyre se contenta d'un simple sourire, pour toute réponse. Elle n'avait pas besoin de parler, après tout. Amara savait que son amour était réciproque, et c'était tout ce qui comptait pour l'instant. 


Il était tard, la nuit était déjà tombée alors qu'Amara sortait du bâtiment qui abritait le laboratoire du gouvernement. Une longue journée, qui l'avait laissé épuisée. Elle n'avait qu'une hâte désormais, retrouver Feyre dans l'appartement qu'elles partageaient. Une silhouette émergea de l'ombre en sa direction, il s'agissait d'un homme un peu plus âgé qu'elle, une expression sérieuse ancrée sur le visage. La scientifique lui lança un regard interrogateur, ralentissant le pas. « Est-ce que je peux vous aider? » L'homme hocha doucement la tête, s'approchant un peu plus. Amara n'était pas à l'aise, dans cette rue déserte, seule avec un inconnu à l'allure menaçante. « Je crois que oui. » Avant même qu'elle ne puisse réagir, il plaqua sa main sur sa bouche, et alors qu'elle se débattait, lui infligea un coup à la tête qui lui fit perdre connaissance.
Amara émergea dans une salle qu'elle ne connaissait pas. Ses yeux papillonnaient, elle essayait d'émerger de ce sommeil forcé dans lequel elle avait été plongée. Allongée sur une surface dure, les souvenirs lui revinrent subitement en mémoire. D'un coup sec, elle essaya de lever ses bras, avant de se rendre compte qu'ils étaient entravés à la table sur laquelle elle était allongée. Ses pieds également. La jeune femme poussa un cri strident, elle essaya de se débattre, en vain. La cadence de son cœur accélérait dangereusement dans sa poitrine, alors que la peur gagnait tout son corps. Elle avait l'impression de se retrouver à la place des personnes qu'elle étudiait, attachée telle un vulgaire rat de laboratoire. Amara se mit à trembler de façon incontrôlée, alors qu'une silhouette apparaissait dans son champ de vision. Un homme, le même qui l'avait accosté dans cette ruelle. « Amara, je suis désolé d'avoir à faire ça, mais c'est pour ton bien. Tu me remercieras plus tard. » Elle ne comprenait rien, la Graylin. Comment connaissait-il son nom, et de quoi parlait-il. Elle n'eut pas le temps de poser de questions, alors que la première décharge traversait son corps. Elle hurla, se cambrant sur la table, la douleur insupportable. « Feyre, elle vous tuera pour ça! » Sa voix était brisée par la douleur et par la peur. Elle ne pensait qu'à son âme sœur désormais. Elle aurait su l'aider, si elle avait été là. Elle n'aurait fait qu'une bouchée de ce jaune. Une autre décharge déferla en elle, courant dans ses veines, le long de sa colonne vertébral. Elle hurlait, les cris se répercutant sur les murs de la pièce. Elle se débattait encore, mais avec moins de force. Le mêlé continua son oeuvre, chaque décharge lui paraissant toujours plus douloureuse que la précédente. Puis, finalement, elle perdit connaissance une fois de plus, plongée dans le noir complet.


La demeure était désormais vide, silencieuse. Seule Amara restait là, immobile au centre de la pièce. Une proie que l'on avait délivré de sa prédatrice, mais pourtant rien ne semblait avoir de sens désormais. Son corps ne voulait plus répondre à son esprit détruit, à son âme en lambeaux. Elle souffrait, comme elle n'avait jamais souffert auparavant. Et n'importe quelle douleur physique ne représentait rien face à la torture mentale que la blonde ressentait aujourd'hui. Des ruines, voilà tout ce qui restait de la fille de l'air. Prisonnière des cendres d'une vie révolue, incapable d'assimiler la réalité de la situation. Elle ne savait plus qui elle était. Une inconnue, rien d'autre. La certitude sur laquelle elle avait bâti sa vie pendant ces dernières années s'était envolée, laissant Amara détruite, ravagée. Tout n'avait été qu'illusions, un mirage du plus bel effet construit entièrement par une femme bien plus douée qu'elle. Feyre, son bourreau. Elle avait réussi à faire des merveilles, si bien que même maintenant, la blonde ne savait pas démêler le vrai du faux. Les souvenirs, les sentiments et les émotions menaient une bataille intérieure en elle, qui l'épuisait d'autant plus.  Elle était incapable de se concentrer sur autre chose que sur le départ de Feyre. Elle était désormais seule, après tant d'années passées aux côtés de la brune. Et si tout ça n'avait été qu'un vaste mensonge, comment expliquer le vide béant dans sa poitrine, les larmes qui traçaient leur sillon sur ses joues? Amara avait l'impression d'avoir été trahie, par une femme qu'elle aurait pu apprendre à aimer sans pour autant se perdre en chemin. Car désormais, la blonde n'était plus personne. Sa personnalité n'était plus, elle n'était qu'un jouet cassé, un pantin qui avait rejeté son marionnettiste. Perdue désormais qu'elle n'avait plus personne pour lui murmurer quoi faire, incapable d'utiliser le libre arbitre qu'elle venait pourtant de retrouver. Amara avait été libérée de l'emprise de Feyre, mais elle avait été brisée dans le processus.

iii - she's changed, you can see it in her eyes, feel it in her touch, and hear it in her tone. she's not the same, and she's never coming back.

Ses cheveux blonds étaient collés à son front et à sa nuque, un léger filme de transpiration rendant sa peau humide. Le souffle court, elle sentait son cœur battre à tout rompre dans sa cage thoracique, engagé dans une course folle qu'elle ne savait pas maîtriser. Mance se trouvait face à elle, lui aussi ressentait les effets de l'effort physique. Il avait cependant un avantage qu'Amara ne possédait pas, pas encore : l'habitude. Et ça la frustrait énormément. Elle partait avec un désavantage certain, face à son frère qui était un combattant aguerri, là où elle n'était qu'une débutante qui s'essayait à l'art du combat depuis quelques mois. La Graylin avait fait de nombreux progrès, depuis qu'elle avait commencé. Poussée par la hargne et la rage, la jeune femme se surpassait, jour après jour, mais ça n'allait pas assez vite à son goût. Elle se sentait toujours horriblement vulnérable, et elle détestait ça. Mance lui prodiguait pourtant un entraînement physique vigoureux, lui apprenant tout ce qui lui semblait nécessaire. Il était un très bon professeur, sauf pour la maîtrise de leur élément. Et c'était ça, qui intéressait le plus Amara. Elle savait que son petit gabarit ne jouait pas en sa faveur, et qu'elle ne serait jamais aussi forte que son frère au corps à corps. Alors elle s'était tournée vers quelqu'un d'autre, vers Silke et sa maîtrise quasi parfaite. Et peu importe si ça n'était pas autorisé, Amara s'en fichait. Voilà des mois qu'elle s'entraînait auprès des deux maîtres, pour ne plus jamais se sentir faible. Pour pouvoir se défendre, lorsqu'elle en aurait besoin. Pour pouvoir elle-même asséner le coup fatal à son bourreau, lorsqu'elle aurait trouvé un moyen de délier leurs vies. Ça l'obsédait, depuis qu'elle s'était affranchie de l'emprise de Feyre. La diablesse hantait ses pensées et ses cauchemars, chaque souvenir était marqué par sa présence. Même si Amara avait essayé de l'oublier, elle s'était rapidement rendue compte que c'était impossible. Alors elle s'était rattachée à cette haine, à cette rancœur et ce besoin de vengeance qu'elle ressentait, comme s'il s'agissait de la seule chose qui la maintenait en vie. C'était son but, désormais, sa motivation à avancer. Et on ne questionnait pas ses choix et ses décisions, on la laissait faire, tout simplement. Distraite, Mance en profita pour la renverser. Le souffle coupé l'espace d'un instant, la jeune femme reprit rapidement ses esprits et d'un geste habilement maîtrisé, elle repoussa son frère qui approchait dangereusement. Aucun besoin de le toucher, alors que l'air qu'elle maîtrisait la servait à la perfection. Un sourire aux lèvres, la jeune femme se redressa légèrement. Son aîné l'observait, amusé. « Je vois que t'as fait des progrès avec Silke. » Elle hocha doucement la tête, essuyant son front avec le dos de sa main, dégageant les mèches blondes qui la gênaient. « Je sais, mais c'est pas suffisant. Allez, approche, Graylin. Et pas de pitié. » Elle l'observait, le défiant du regard. Mance secoua doucement la tête, mais se remit lui aussi en position. Un sourire de satisfaction étira les lèvres d'Amara, alors qu'elle essayait de se concentrer afin de ne faire qu'un avec son élément.


Elle s'était figée, les traits de son visage marqués par la surprise. Elle était revenue chez elle pour visiter sa mère. C'était agréable, même si ça éveillait en elle de vieux souvenirs douloureux. L'enfant qu'elle avait été lorsqu'elle vivait ici lui semblait bien loin désormais. Et sa mère, protectrice, apaisante, lui rappelait malgré elle toutes les années qu'elle avait passé à l'écart. Désormais, un autre fantôme de son passé se retrouvait face à elle, ensanglantée. Amara se souvenait de cette enfant avec qui elle avait grandi. Cette esclave de Volastar qu'elle avait toujours pris pour une lambda. Elle n'avait pas compris, à l'époque, pourquoi il ne lui était pas permis de jouer avec la fillette. Pourquoi la maîtresse de la brune leur avait crié dessus, pourquoi Veda avait été bousculée par cette adulte qui ne la traitait pas correctement. Amara s'en souvenait parfaitement, de tout ça. Elle se souvenait de la tristesse qu'elle avait ressenti, et des tentatives pour la voir qui s'étaient soldées par des échecs. Puis les années étaient passées. Veda était restée ici, et Amara avait été envoyée à l'Académie. Voilà qu'elle se trouvait à nouveau face à la jeune femme, face à celle qu'elle avait considéré comme une amie étant enfant. Elle ne savait pas ce qui lui était arrivé depuis toutes ces années. Elle n'avait eu que de vagues échos de la part de sa mère, qui lui avait dit que l'esclave posait de nombreux soucis à ses maîtres. C'était tant mieux, la fille de l'air n'avait jamais apprécié cette famille pourrie jusqu'à la moelle. Elle avait essayé d'ignorer les propositions de sa génitrice, lorsque celle-ci avait évoqué la possibilité d'un mariage avec le fils aîné de cette famille maudite. La Graylin le détestait, lui et son arrogance qui suintait par tous ses pores. Elle savait que sa mère ne la forcerait jamais à rien, mais elle se sentait comme une enfant ingrate, alors qu'elle savait que cette union pourrait profiter à celle qui lui avait donné la vie. Et Amara l'aimait, sa mère. Alors elle avait décidé d'y réfléchir, même si la réponse lui paraissait déjà évidente. Désormais que Veda était en face d'elle, elle ne savait pas quoi penser, ni quoi faire. Elle détaillait la silhouette de la brune, son visage ampli de haine et de fureur. Tout ça ne lui était pas destiné à elle, mais ça n'en était pas moins inquiétant. Elle aurait pu hurler, elle aurait pu la stopper, pour que quelqu'un vienne l'arrêter. Elle aurait pu le faire, profiter de l'état agité de la jeune femme pour prendre le dessus. Elle en aurait peut-être été capable. Quelques secondes, les deux femmes continuèrent à s'observer en silence, jaugeant l'autre, essayant de sonder les pensées de leur opposante pour savoir ce que chacune avait l'intention de faire. Puis, finalement, Amara haussa les épaules, et s'éloigna de la terrible femme, de la fugitive, comme si elle n'avait jamais croisé son chemin. Comme si elle n'avait pas vu le sang qui tâchait ses vêtements, la lueur qui brillait dans son regard. Complice d'un meurtre, voilà ce qu'elle avait été. Et au fond, ça ne la dérangeait pas.


La demeure des Wolffhart était très rarement silencieuse. Pleine de vie, alimentée par l'envie de changement, par la rébellion qui coulait dans leurs veines à tous. Amara avait toujours du mal à se faire à l'environnement, à se faire à la présence de toutes ces personnes. Elle se sentait différente de tous, et à raison. La fille de l'air qui faisait tâche au milieu de tous ces maîtres de l'eau. La traître à sa nation, dont on doutait encore de l'allégeance. Pouvait-on réellement lui faire confiance? La Graylin ne leur en voulait pas, car après tout, elle était nouvelle dans leurs rangs. L'alliance de l'Empire et d'Aeristin avait précipité sa décision. Voilà des mois qu'elle s'entraînait, qu'elle cultivait la haine qu'elle ressentait à l'égard de Feyre et de la Couronne qu'elle tenait responsable d'une partie de ses maux. Eux et leur foutue loi, eux et la protection qu'ils assuraient à son bourreau. Amara avait quitté la Capitale, avait quitté Mance pour rejoindre leurs cousines à Aguarini. Et si elle ne se battait pas réellement pour leur cause, elle se battait avant tout pour la sienne. Mais la jeune femme avait compris depuis un moment déjà qu'elle n'arriverait à rien seule. Et la Résistance semblait être le meilleur moyen d'obtenir ce qu'elle souhaitait : la chute de l'Empire, mais par dessus tout, celle de son Adiutor. Et cette atmosphère qui régnait dans le fief de la famille de l'eau la galvanisait. Tous ici partageaient des idéaux et des désires qui lui étaient similaires. Elle avait retrouvé Hedda, changée elle aussi. Et plus que jamais, elle s'était sentie proche de la jeune femme. Mais outre sa famille, c'était une autre personne qu'elle avait été surprise de revoir. Veda. Elle ne l'avait plus revu depuis quelques mois, mais l'image de la jeune femme en sang s'imposait à elle. Désormais, elle n'était plus l'esclave lambda d'une famille fortunée, elle était la maître de l'eau, celle qui avait été dépouillée de son héritage pendant tant d'années. Ça l'avait surpris, Amara, mais elle l'admirait beaucoup. En secret, elle était impressionnée par la brune qui avait réussi à s'émanciper, après tant d'années de servitude. Leurs situations étaient différentes, pourtant elle réussissait à comprendre la Kimora. Et la revoir ici, l'avait intrigué. Une aura particulière se dégageait de la brune, et si la Graylin restait sur ses gardes, elle se sentait attirée dans la sphère qui tourbillonnait autour de Veda. Tel un papillon, attiré par la flamme, et qui allait finir par s'y brûler les ailes.